Fyctia
Greyson
Après avoir refermé la porte qui donnait sur mes appartements, je pris une seconde pour respirer. Je ne m'étais pas rendu compte que j'avais retenu ma respiration depuis que j'avais souhaité bonne nuit à Dawn. Et je n'avais pas remarqué non plus que mes mains s'étaient mises à trembler.
Je serrai les poings et fermai les yeux une seconde. Puis je filai sous la douche.
J'en avais déjà pris une ce matin, mais j'avais vraiment besoin de me détendre. Ou je devrais plutôt dire de me calmer.
J'abandonnai mes affaires sur le sol de la salle de bain avant d'entrer dans la cabine. Moi qui prenais toujours soin de bien ranger mes vêtements... J'allais même jusqu'à les plier avant de les mettre dans la panière à linge sale.
Je restai un moment sous le jet d'eau, pratiquement jusqu'à ce que le ballon d'eau chaude soit vide.
Enroulé dans une serviette, je finis par ramasser mes affaires et les mettre sur la chaise qui se trouvait dans ma chambre. Je m'essuyai, puis me mis en pyjama avant d'aller me coucher.
D'habitude, je bossais toujours un peu avant d'aller dormir, histoire de bien me fatiguer, mais je n'avais pas vraiment la tête à ça. Je savais que j'aurais été incapable de me concentrer sur ce que je faisais, de toute façon.
Finalement, prendre une douche n'avait pas eu l'effet escompté. Si mes mains ne tremblaient plus, je me sentais toujours aussi agité intérieurement. Je restai allongé dans mon lit, le regard rivé vers le plafond, incapable de mettre mon cerveau en sourdine.
Je n'arrêtai pas de penser cette soirée et à la façon dont celle-ci s'était terminée.
Ça avait pourtant si bien commencé. Je ne m'attendais pas à passer un aussi bon moment, tout ça pour mettre quelques guirlandes sur un sapin, en plus. Mais force était de constater que je m'étais bel et bien amusé. Je ne l'admettrai peut-être jamais de vive voix - surtout pas à ma sœur-, mais ça m'avait fait du bien de sortir un peu la tête de mes dossiers.
Je ne m'étais pas rendu compte avant ce soir à quel point mon travail pouvait me prendre la tête. Depuis que je n'étais plus au bureau, j'avais l'impression de pouvoir vraiment prendre du temps pour moi. Mes quelques séances à la salle de sport pendant la semaine ne m'offraient pas autant d'échappatoires comme j'en avais depuis que j'étais ici. Je m'étais même remis à lire autre-chose que des plaidoiries ou des livres sur les procès qui avaient marqués l'histoire. C'était dire si ma vie tournait uniquement autour de mon boulot... Et je sortais, aussi. L'autre jour, j'étais parti me promener un peu en ville.
En temps normal, quand je sortais, j'avais le nez collé à mon téléphone et j'évitais les passants par automatisme, comme si j'avais un radar qui me disait quand m'écarter. Cette fois, j'avais pris le temps de regarder autour de moi et de vraiment apprécier ce qui m'entourait.
La ville était superbe avec toutes ces décorations de Noël. Il y avait de délicieuses odeurs de vin chaud et de châtaigne grillées qui flottaient dans l'air. Les gens flânaient dans les rues, en famille ou entre amis. Et les vitrines des boutiques donnaient envie de tout acheter. J'avais d'ailleurs pensé à prendre un petit quelque-chose pour Marshall et Eva, étant donné que je ne m'en étais pas occupé avant de partir en vacances. En fait, c'était même mon assistante qui s'en chargeait, d'habitude. Je trouvais que faire les magasins étaient une perte de temps. Je ne faisais que signer la carte de vœux avant qu'elle ne leur envoi par la poste. Parfois, je ne savais même pas ce que ma sœur et mon beau-frère recevaient. C'étaient eux qui me l'apprenaient en m'appelant pour me remercier.
Bon sang, mais qu'est-ce que j'étais devenu ?
Je ne me souvenais même plus de la dernière fois où j'avais acheter des cadeaux moi-même pour les membres de ma famille. Depuis quand est-ce que je ne m'étais pas réellement investit dans les fêtes de fin d'année ? Le pire, c'est que ça ne datait pas seulement de la disparition de mes parents. J'avais déjà commencé à me détacher de tout ça bien avant.
Cette soirée avait été pour moi un brusque rappel de ce qu'était ma vie d'avant. Avant mon départ pour la fac. Avant mon premier emploi dans un cabinet d'avocat. Avant la mort de mes parents. Tout ce bonheur autour de moi m'avait rappelé celui que j'avais partagé avec eux et Eva quand on était gamins. Et ça faisait mal.
Cela dit, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. C'était moi qui avais décidé de tourner le dos à tout ça.
« Pensez à ce que vous avez partagé avec eux plutôt qu'à ce que vous avez manqué. »
Les paroles de Dawn me revinrent en mémoire. Eva m'avait aussi dit quelque-chose comme ça, une fois. C'était quelques années après la disparition de nos parents. Sûrement un jour ou je ne me sentais pas bien et qu'elle avait voulu me réconforter - alors que je ne le méritais sans doute pas, de toute évidence. Ça avait marché. Un peu. Comme maintenant.
Bien sûr, ça n'effaçait pas la culpabilité que je ressentais mais, comme chaque fois que j'avais un coup de blues de ce genre, je préférais mettre mes idées noires de côté.
Le pire dans toute cette histoire, c'était que je n'arrivais toujours pas à croire que je m'étais laissé aller comme ça avec Dawn. J'étais passé maître dans l'art de paraître indifférent à tout, et il avait suffit de quelques décorations de Noël et de mots gentils pour faire tomber mon masque un court instant.
Dawn était une parfaite étrangère. Certes, on avait peut-être franchis un cap en décidant de s'appeler par nos prénom, mais de là à m'épancher comme ça devant elle... Je n'étais pas certain d'apprécier l'effet qu'elle avait sur moi. Ça ne me plaisait pas de paraître aussi vulnérable face à quelqu'un.
Je m'étais pourtant promis que ça ne m'arriverait plus jamais. Pas après...
STOP !!
J'attrapai le second oreiller qui se trouvait à côté de moi et le plaquai sur mon visage avant de grogner.
Il était hors de question que je laisse mon cerveau divaguer plus loin. Il en avait déjà assez fait pour ce soir.
2 commentaires
RIPOST
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Il y a 4 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans