Fyctia

Il n'y avait pas grand-monde dans la boutique, à cette heure-ci. L'une des vendeuses me salua en souriant lorsque j'entrai. Greyson arriva juste après moi, l'air ennuyé. Il n'était clairement pas enchanté à l'idée d'être là, mais il ne pouvait quand même pas rester avec ses vêtements trempés. Les autres clients le regardèrent bizarrement, d'ailleurs. Ils devaient se demander ce qui lui était arrivé pour être dans un état pareil.

Ni lui ni moi ne fîmes vraiment attention.

Je jetai un rapide coup d’œil aux alentours pour voir ce que le magasin proposait. J'étais surprise de constater qu'il était beaucoup plus grand que ce que laissait voir l'extérieur. Il y avait tout ce qu'il fallait pour habiller quelqu'un de la tête aux pieds, et surtout des vêtements de saison. Je repérai même un rayon chaussures dans le fond de la boutique.

-Vous chaussez du combien ? lui demandai-je en me tournant vers lui.

-Pourquoi vous voulez savoir ça ?

-Pour faire un ping-pong, raillai-je. Pour vous trouver des chaussures à votre taille, évidemment.

Il marmonna quelque-chose dans sa barbe mais je ne saisis pas bien. Peut-être que c'était mieux comme ça.

-Du quarante-trois, dit-il finalement.

-Ok. Si vous voulez, je m'occupe de vous trouver une paire et, pendant ce temps, vous regardez les vêtements.

-Je peux très bien me trouver des chaussures sans votre aide.

-Je n'en doute pas, mais ça ira sûrement plus vite si on cherche chacun de notre côté. Je vous rejoins dans cinq minutes.

Je partis sans attendre de réponse et me dirigeai vers le fond du magasin.

Au moins il y avait du choix, tant au niveau des couleurs que des formes.

Je laissai de côté les chaussures de ville pour me concentrer sur des modèles plus appropriés. J'en sélectionnai plusieurs dans un style Timberland. Il y en avait deux en particulier que je trouvai pas mal, l'une de couleur noire et l'autre beige. Greyson allait sans doute préférer les noires. Elles étaient un peu plus passe-partout et plus en adéquation avec son style sombre et classique. Mais je pris les beiges quand même, au cas où.

Je retournai ensuite le voir. De loin, je le vis déambuler dans les rayons, l'air un peu perplexe. Je constatai que, durant mon absence, il n'avait prit qu'un pullover gris clair.

-Alors, vous trouvez votre bonheur ? demandai-je en arrivant à sa hauteur.

-Je n'irais pas jusque-là.

-Quelque-chose ne va pas ?

-Disons que je n'ai pas l'habitude d'acheter mes vêtements dans ce...genre d'endroit.

-Ça va, on n'est pas dans une friperie, non plus. Quoiqu'on y trouve aussi des fringues pas mal.

-Si vous le dites.

-Arrêtez un peu de jouer les richards et trouvez-vous quelque-chose. Je vous rappelle qu'on est surtout là pour que vous puissiez vous changer.

-Parce que vous m'avez obligé à venir.

-C'est vrai. Et si vous ne voulez pas qu'en plus je vous choisisse moi-même vos vêtements, je vous conseille d'y mettre du vôtre.

Ma menace sembla fonctionner car il se mit subitement à prendre des affaires ici et là. Je ne pus toutefois pas m'empêcher de lui en prendre aussi, avançant le fait qu'il pourrait s'en acheter d'autres pour pouvoir tenir pendant ses vacances. J'étais maintenant pratiquement certaine qu'il n'avait emporté que des costards dans ses valises.

Lorsque la pile de vêtements fut assez conséquente, nous passâmes en cabine pour les essayages. Je m'installai dans un fauteuil en attendant qu'il se change. Il finit par me passer son costume à travers le rideau.

-Un petit tour en machine devrait faire partir les tâches de boue, dis-je en examinant les dégâts.

-Je laisserai le soin à mon teinturier de s'en occuper.

-Quoi, vous n'avez pas de machine à laver chez vous ?

-Si, mais ce genre de costume ne passe pas en machine. Pour mille dollar, je préfère que des professionnels s'en chargent.

Je failli lâcher les vêtements par terre. Mille dollars ? Pour un costume ?! Nan mais qui achetait des fringues à un prix pareil ? Pas étonnant qu'il ait eu l'air aussi perdu dans le magasin tout à l'heure. Ce n'était pas un tee-shirt à dix dollars qui allait l'impressionner.

Décidément, nous vivions dans deux mondes bien différents, lui et moi. Je me gardai toutefois de lui faire la moindre remarque et attendis.

Au bout de quelques minutes à l'entendre batailler dans la cabine, il finit par ouvrir le rideau. Je restai sans voix en le voyant. C'était peut-être exagéré, mais j'avais l'impression d'être en face d'un autre homme.

Il avait enfilé un tee-shirt, par-dessus lequel il avait mis le pullover, et passer l'un des jeans que je lui avais choisi. Et il avait mit les chaussures noires. Comme quoi mon intuition était la bonne.

Avec ses cheveux ébouriffés par les essayages, il ne paraissait plus aussi stricte qu'à l’accoutumé. Il faisait plus décontracté, plus local, même. Avec ça, il se fondait un peu plus dans le paysage. Quoique, vue sa taille, il était facilement repérable parmi la foule.

En tout cas, ce look lui allait comme un gant. Le pull faisait ressortir ses épaules larges et moulait sa taille fine.

Je le trouvai plutôt...sexy, habillé comme ça. Je failli même rougir lorsqu'il se retourna pour se mettre face au miroir. Bon sang, ce pantalon mettait en valeur ses atouts.

Je me dépêchai de détourner le regard et constatai que la femme assise à côté de moi et qui attendait que son mari ait fini ses essayages avait le yeux rivés sur le postérieur de Greyson. Je crois même qu'elle était à deux doigts de baver.

Lorsqu'elle surpris mon regard, elle se mit aussitôt à regarder ailleurs, comme prise en faute.

Apparemment, je n'étais pas la seule à trouver que ça lui allait bien.

-Alors ? demanda ce dernier en me faisant à nouveau face. Verdict ?

-Ça vous va bien, dis-je.

-J'ai l'impression de ne pas être moi.

-Parce que vous n'avez pas l'habitude, c'est tout. Mais croyez-moi, vous êtes très bien comme ça. Je trouve même que vous faite plus humain.

Il me regarda en fronçant les sourcils, comme s'il n'avait pas bien compris le sens de ma remarque. Il se garda pourtant de répondre et s'observa encore un instant dans le miroir, pour le plus grand plaisir de ceux qui attendait de passer en cabine.

-Bon, dit-il. Je vais prendre tout ça, dans ce cas.

-Vous n'essayez pas le reste ?

-Non, ça ira. Je vais juste prendre un autre jean et l'autre pull. Vous n'avez qu'à aller m'attendre à la voiture, je vous rejoins.

-Vous ne dites pas ça pour me faire partir et tout reposer en rayon, au moins ?

-C'est vous qui avez mon costume, me fit-il remarquer. Vous ne vous attendez quand même pas à ce que je sorte seulement vêtu d'un slip ?

Je sentis mes joues rougir de plus belle en l'imaginant. Mais qu'est-ce qui clochait chez moi ?!

-Très bien, je...je vous attends à la voiture, alors.

Je me dépêchai de m'en aller avant qu'il ne remarque mon visage cramoisi. Si ça continuait, c'est ma tête que j'allais précipiter dans un tas de neige. Ça me remettrait sûrement les idées en place.