Fyctia
Justin
C'est pas vrai, ils en ont encore pour longtemps ? J'en avais marre de rester assis là, avec la secrétaire du dirlo qui me jetait des regards méprisants. Chaque fois que je me retrouvais ici, elle ne manquait pas de m'épier par dessus son ordinateur, comme si elle s'attendait à ce que je mette tout à sac dans son bureau. Elle pensait sans doute que j'allais me sentir honteux d'être là – encore une fois –, mais tout ce que ses coups d’œil m'inspirait, c'était de l'agacement. Je n'avais qu'une envie, c'était de rentrer chez moi et de m'enfermer dans ma chambre, avec la musique à fond.
Heureusement, la porte du bureau finit enfin par s'ouvrir. Dawn sortit et se retourna pour serrer la main que le proviseur lui tendait.
-N'oubliez pas ce que je vous ai dit, Madame Mason, lui dit-il.
Il se tourna ensuite vers moi et me regarda avec le même air que sa secrétaire avant de retourner dans son bureau. Je levai la tête vers Dawn. Son regard à elle n'exprimait pas grand chose, si ce n'est peut-être de la fatigue. A cause de moi ou du boulot ? Peut-être un peu des deux.
-Aller, me dit-elle. On rentre à la maison.
Je me levai et lui emboîtai le pas pour sortir du lycée.
Les couloirs étaient calmes. Tous les élèves étaient encore en cours, donc nous pûmes sortir sans avoir à subir les regards et les messes basses. Non pas que ça me dérangeait que les autres parlent de moi. Je me fichais pas mal de ce qu'ils pensaient. Je voulais juste sortir d'ici sans voir leurs têtes.
Nous rejoignîmes la voiture dans le silence, et Dawn démarra sans prononcer le moindre mot non plus. J'étais conscient que ça n'allait pas durer et qu'elle n'allait pas tarder à ouvrir la bouche pour parler de ce qui s'était passé. C'est d'ailleurs lorsque nous nous arrêtâmes à un feu rouge qu'elle se décida à le faire.
-Il t'a dit quoi, cette fois ? me demanda-t-elle.
-De quoi tu parles ? dis-je d'un air faussement innocent.
-Gabe. Qu'est-ce qu'il t'a dit pour que tu décides de lui en coller une ?
-Chaque fois qu'il parle j'ai envie de le frapper, de toute façon.
-Justin...
-Quoi ? Il se foutait de ma gueule, voilà ce qu'il faisait.
-Et donc, toi, plutôt que de laisser couler et de passer ton chemin, tu as décidé de le tabasser ?
-Il s'est pas gêné pour le faire aussi.
-Oui, mais c'est lui qui est à l'hôpital en ce moment.
Bien fait pour lui. De toute façon, je n'étais pas inquiet. C'était une vraie mauviette. J'étais sûr qu'il n'avait pas grand-chose et qu'il serait vite de retour au lycée. Il jouerait alors les victimes et, évidemment, tout le monde me montrerait du doigt en disant que j'étais le méchant de l'histoire. Comme toujours.
J'entendis Dawn soupirer à côté de moi alors que le feu passait au vert.
-Je vais appeler ses parents en rentrant, dit-elle. Si je peux éviter qu'ils portent plainte, ce sera déjà ça de gagner.
-Tu te donnes du mal pour rien.
-Tu veux finir en prison ?
-M'en fiche.
-C'est ça…
Je serrai les dents. Je ne savais pas ce qui m'énervait le plus : repenser à cet abrutit de Fletcher, ou que Dawn se montre aussi calme face à la situation. Elle agissait toujours comme ça quand je faisais une connerie. Remarque, c'était sans doute parce qu'elle avait l'habitude. Ou alors elle s'en fichait.
Nous ne dîmes plus un mot le temps d'arriver chez nous.
Dawn et moi habitions une petite maison en banlieue de la ville. Je me dépêchai de rentrer à l'intérieur et me dirigeai vers ma chambre, la seule de la maison. Dawn dormait dans le salon, sur un canapé-lit.
-Une seconde, Justin, me rappela-t-elle avant que je ne ferme la porte. J'ai encore deux ou trois choses à te dire.
Je soupirai mais me tournai quand même vers elle. Plus vite elle aurait finit son sermon, plus vite je pourrais retourner dans mon antre.
-A cause de cette histoire, tu as quand même été exclu du lycée, dit-elle. Mais ne vas pas croire que tu vas te la couler douce. Je veillerais à ce que tu travailles et à ce que tu rendes les devoirs que tes professeurs m'enverront par mail. Ok?
-Ouais...
-De plus, je ne cautionne pas le fait que tu aies frapper un de tes camarades. Qu'il s'agisse de Gabe ou d'un autre, je m'en fiche. On a déjà parler de tout ça et tu sais que la violence ne résout jamais rien.
Sauf avec les têtes de cons, pensai-je.
-Pour ça, tu seras de corvée de lessive le temps de ton exclusion. Et privé de télé aussi, sauf si c'est moi qui choisis le programme.
Oh non, tout mais pas ça… Dawn avait vraiment des goût douteux en matière de film. Il ne regardait que des trucs gnangnans et à l'eau de rose, le genre ou tout se termine bien et où les deux protagoniste se marient à la fin. Et, comme on approchait des fêtes de Noël, je pouvais être sûr qu'on allait se farcir tous les téléfilms sur le sujet jusqu'à fin décembre. Parce qu'en plus de tout ce romantisme à la noix, elle adorait tout ce qui se rapportait à Noël. C'était le combo parfait.
Je crois que, le mieux à faire, ce serait de ne pas regarder la télé du tout. Je pouvais bien m'en passer quelques jours si c'était pour éviter ces conneries.
Quant à la lessive, je ne m'en faisais pas trop pour ça. Dawn était un peu maniaque sur les bords, et quand elle verrait à quel point je n'étais pas doué pour m'occuper du linge, elle aurait vite fait de s'en occuper elle-même.
-Ok, dis-je.
-Bien. Je vais m'occuper du dîner, dit-elle en changeant complètement de sujet. Tu peux aller dans ta chambre, en attendant.
-Ok.
Je lui tournai le dos mais, avant que je n'entre, elle ne manqua pas de me lancer un de ses « je t'aime » qu'elle me disait à chaque occasion qui se présentait.
C'était bien son genre de faire ça. Elle me réprimandait pour mon comportement et me punissait, mais il fallait toujours qu'elle termine sur une note positive. Depuis le temps, j'avais comprit qu'elle détestait terminer une conversation sur un conflit. C'était comme pour ses films, il fallait que ça se termine toujours bien.
De mon côté, je ne répondis rien. Je fermai la porte derrière moi, jetai mon sac dans un coin et m'affalai sur mon lit.
Je ne pris même pas la peine d'allumer la lumière. J'avais mal à crâne à cause des coups que j'avais pris cet après-midi, j'avais besoin d'être au calme. Finalement, la musique à fond serait pour plus tard.
Ce salaud de Fletcher ne m'avait pas raté, malgré ce que tout le monde pouvait penser. J'avais su mieux me défendre, c'est tout.
Allongé dans le noir, je me dis que, dans tout ce merdier, il y avait quand même un avantage à être exclu. Au moins je ne verrai pas la tête de Gabe pendant un moment. Et cette seule perspective réussi à me faire sourire.
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Andrée Martin
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Il y a 3 ans
Natacha74
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Il y a 3 ans
Charline Morel
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Il y a 3 ans
Erine Kova
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M. Staehle
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Il y a 4 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans