Fyctia
La tempête
Cette soirée était parfaite. Délicatesse, volupté et passion, tout y était. Nous avons partagé ce moment rempli de tendresse avec tous nos proches.
Sam est aux anges d’être le futur papa de 2 petits bout’chou. Il n’arrête pas de parler de la déco, des chambres, des prénoms et même de l’école dans laquelle ils iront. Le voir aussi épanoui à l’idée d’être père, me ravie.
Aujourd’hui, nous avons rendez-vous pour l’échographie. Jusqu' ici tout va bien, même si chaque seconde j’ai l’impression qu’il y a un problème. Parfois lorsque je ne les sens plus bouger ou que j’ai des douleurs dans le ventre, je m’inquiète et Sam essaie de me rassurer autant qu’il le peut, sans même en être convaincu.
Comme chaque matin, Sam quitte la maison sans bruit et m’embrasse délicatement sur la joue, pour ne pas me réveiller.
A midi, je brunch avec maman. Avant, je passais tous les samedis avec elle, c’était notre rdv mère fille. Nous parlions de nos souvenirs, des balades en forêt que l’on faisait près de la maison et de l’absence de papa que je vis toujours, comme un abandon.
Du jour au lendemain il nous a quittés, il est parti sans jamais donner signe de vie. J’étais petite mais j’ai énormément souffert de son absence. La présence d’une figure paternelle m’a manqué et encore plus le jour de mon mariage, pour remonter l’allée.
Désormais ma vie est auprès de Sam et de nos 2 petits êtres, qui grandissent dans mon antre.
Le brunch est délicieux, la journée est douce et agréable. Il fait beau, je profite de cette journée pour retrouver mes habitudes de petite fille auprès d’elle, je me fais chouchouter. J’aime quand elle passe sa main dans mes cheveux pour remettre ma frange en place, c’est rassurant.
À 16h, nous avons rdv pour l’échographie du 4eme mois, la plus importante, paraît-il.
Sam doit être occupé, je n’ai pas reçu de sms me disant qu’il est en route pour me rejoindre.
Je pars tranquillement à pied, encore 2 rues et j’y suis. En marchant, je sens le soleil réchauffer mon dos.
Je suis arrivée, un peu en avance. Sam n’est pas encore là. J’ai trouvé un petit muret pour m’asseoir en attendant. Je préfère regarder les allées et venues des passants, imaginant leurs vies, leurs métiers où ce qu’ils se racontent en marchant, plutôt que de rester enfermée à l’intérieur, dans une pièce glacée et impersonnelle.
Je regarde mon téléphone et je me rends compte que je n’avais pas vu le message de Carla qui nous souhaite un bon rdv. C’est trop gentil.
Toujours pas de nouvelles de Sam.
Quand je l’appelle je tombe directement sur le répondeur. Je monte pour ne pas être en retard. Tant pis, Sam me rejoindra à l’étage.
J’arrive dans l’etroit couloir blanc, sans vie. La secrétaire me reçoit et m’installe dans la salle d’examen. Visiblement il n’y avait personne avant moi. Elle me demande d’ôter mon pantalon et de m’installer sur la table, recouverte d’un draps en papier blanc. Ce lieu est impressionnant quand on n’est pas habitué. Les murs sont recouverts d'affiches de naissance, d’informations pour la grossesse ou de prévention en tout genre. La lumière est tamisée pour éviter d’avoir le gros néon central en pleine figure.
Je m’installe et attends sagement. Le temps paraît long. Les affiches sur le mur sont angoissantes « accoucher sans douleur » ou « fumer = prématurité » rien de rassurant quand on arrive pour l’échographie la plus importante de la grossesse.
L'échographe entre, me regarde et sourit rien de plus. Il n’est pas très bavard.
- Monsieur ne vient pas ?
À cette question je ne sais pas trop quoi répondre.
- Euh oui il devrait bientôt arriver
Il place son engin, recouvert de gel, sur le bas de mon ventre. Il scrute, tourne, appuie, puis lève les sourcils sans un mot. Toutes ces grimaces m'inquiètent. Aucuns détails, je l’entends juste cliquer sur sa souris. Le silence m’angoisse au plus au point, son mutisme est déplaisant.
J’aimerais tant que Sam soit là !
- Le premier va bien, c’est un garçon !
Il me balance ça comme ça, sans même savoir si je voulais connaître le sexe, il n’a même pas pris la peine de me poser la question…
Un mini Sam, il va être trop content de savoir qu’il aura un petit gars pour jouer au foot. Les minutes passent. Toujours pas de Sam. J’ai un mauvais pressentiment. Il y a quelque chose qui me gêne et qui serre ma poitrine sans trop comprendre pourquoi, un sentiment que tout ne se passe pas comme il le faudrait.
Mon téléphone vibre à plusieurs reprises dans mon sac, posé sur la lourde chaise, devant le bureau. C’est certainement Sam, qui ne doit plus être loin maintenant. Alors que les vibrations retentissent à nouveau au travers du tissu, l’échographe me dit d’une voix plus posée, que l’examen doit être prolongé car les images ne sont pas bonnes. Il continue et m’explique que le cerveau du 2eme embryon semble anormal. Il va falloir faire un examen complémentaire par un confrère qui a un matériel plus précis.
Je traverse cette tempête seule, en prenant le vent et la grêle à 100km/h, en pleine figure. J’ai l’impression d’être dans un thriller ou l’héroïne vit les pires moments du film. J’essaie de demander au médecin ce que veut dire « anormal » pour lui, mais il reste vague et ne veut pas trop s’avancer. Il me laisse descendre de sa table de torture et me dit tout en m’essuyant avec un morceau de sopalin, de voir avec la secrétaire pour obtenir les coordonnées d’un confrère. Il me glisse en fin de phrase qu’il faudra peut-être envisager une IMG.
Je récupère toutes les informations, arrivées en vrac dans ma tête. Tout ce qu’il me dit me paraît, totalement incompréhensible. Une IMG mais pourquoi ? Pourquoi son cerveau est anormal ?
Je récupère mon sac en vitesse comme pour abréger mes souffrances, prends les coordonnées manuscrites sur un post it et sors de cet enfer.
Je vois 3 appels inconnus sur l’écran de mon téléphone. Avant même d’écouter le répondeur j’essaie d’appeler Sam, qui reste toujours absent. C’est pas normal qu’il ne soit pas là, il attendait ce moment presque plus que moi. Il m’aurait prévenu s’il ne pouvait pas venir.
J'appelle le 1er numéro de ma liste de favoris. Ma mère décroche et entend ma voix paniquée. Je m’empresse de lui raconter mon pire après-midi. Elle essaie de me rassurer en me disant que l’échographe n’a pas un matériel très poussé et me demande d’essayer de ne pas m’inquiéter jusqu’au prochain rdv.
Elle me demande comment Sam a réagi à l’annonce et là mes larmes ruissellent avant même que mes mots ne sortent de ma bouche. Au bout du fil, ma mère me questionne devant ma voix tremblante. Je lui explique que Sam n’est jamais arrivé dans le cabinet. À ce moment là, d’un coup, je me souviens que j’ai un appel en attente sur mon répondeur. Je m’empresse de raccrocher avec ma mère pour l’écouter. J’imagine que Sam a dû oublier son portable à la maison et m’a laissé un message avec le téléphone d’un collègue.
Je me suis inquiétée pour rien.
Le répondeur se déclenche, mais je ne reconnais pas la voix de Sam..
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