Fyctia
Chapitre 16
Lorsque Susan et Thibaut se retrouvèrent face à face dans le hall du château, ils ne purent que se dévisager avec une perplexité partagée. La coïncidence semblait trop calculée pour être ignorée. Susan se tenait sur ses béquilles, et son regard se posa sur Thibaut qui sortait son sac à dos de la voiture.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda Susan, la surprise clairement visible sur son visage.
Thibaut, un sourire amusé aux lèvres, lui répondit :
— Je pourrais te poser la même question.
Le guide de la visite s'avança alors vers eux pour les informer que le tour allait commencer. Ils se mirent en marche, chacun encore sous le choc de la rencontre inattendue.
Susan avançait lentement, ses béquilles lui permettant de progresser difficilement mais sûrement. Thibaut resta à ses côtés, son soutien silencieux.
— Qu'est-ce qui t'a poussé à venir ici ? demanda Susan, brisant le silence.
— Un fantôme, sans doute, répondit Thibaut avec un sourire en coin. Et toi ?
Thibaut laissa échapper un rire léger.
— Rosemarie peut se montrer particulièrement obstinée quand elle le veut.
Susan hocha la tête, comprenant parfaitement ce qu'il voulait dire. Elle savait que Rosemarie avait usé de tous les moyens pour lui trouver un prétendant. Elle se demanda si Thibaut était au courant de la persistance de la grand-mère.
Ils franchirent la première porte du salon et Thibaut confirma les pensées de Susan.
— C'est ton grand-père qui t'a donné ce billet, n'est-ce pas ?
Susan acquiesça, les yeux pleins d’incrédulité.
— Et le tien aussi, n'est-ce pas ?
Les deux jeunes se regardèrent et éclatèrent de rire.
— Ce n'est donc pas un hasard, constata Susan avec un sourire.
Elle s'arrêta au milieu du premier salon qu'ils visitaient, le décor majestueux les entourant.
— Et... qu'est-ce que tu penses de tout ça ? demanda-t-elle finalement, cherchant à comprendre ses propres sentiments.
Thibaut haussa les épaules, son expression pensive.
— Je n'y ai pas spécialement réfléchi. Je ne m'attendais pas à ce que le mariage soit au programme. Et toi, qu'en penses-tu ?
Susan réalisa qu'elle n’avait pas vraiment envisagé cette situation. Elle était convaincue qu’elle n’était pas faite pour le mariage et ne désirait pas s’engager. Pourtant, elle avait apprécié travailler avec Thibaut.
— Je ne sais pas. Le parfum que nous avons créé ensemble... c’était une expérience laborieuse.
Ils continuèrent leur visite à travers les couloirs du château. Susan expliqua comment son grand-père l’avait convaincue de venir ici.
— C’est ici que mes grands-parents se sont avoués leurs sentiments et que mon grand-père a demandé ma grand-mère en mariage, dit-elle avec un sourire embarrassé. Comment ai-je pu ne rien suspecter ?
Thibaut posa une main réconfortante sur son épaule.
— Et que penses-tu de Rosemarie qui m’a dit que je trouverais peut-être l’inspiration ici ? C’était énorme aussi !
Ils partagèrent un moment de rire, reconnaissant leur naïveté face aux manigances des grands-parents.
— On devrait leur dire qu’on a compris leur petit manège, proposa Susan, surtout si rien ne se passe entre nous. Ce ne serait pas juste de les laisser espérer quelque chose qui n’existera pas.
Thibaut se posa devant un immense tableau, acquiesçant.
— Mais est-ce qu’on est obligés d’être raisonnables ? Ça pourrait être amusant.
Susan inspecta la toile devant eux, puis le regarda en souriant.
— Et puis, tu n’as pas grand-chose de plus amusant à faire en ce moment, je suppose.
Elle suivit son regard vers sa jambe plâtrée. Elle savait qu'il avait raison : elle était plus un fardeau qu’autre chose dans les vignes. Elle se demanda ce que Jullian penserait de la situation si elle lui présentait un petit ami.
— Je vois... Et qu'est-ce que tu proposes ? demanda-t-elle, le regard plein d'intérêt.
— Eh bien, commençons par profiter de cette journée. Ensuite, nous aviserons. Je te ramènerai si tu n’as pas de billet de retour.
— Je n’en ai pas.
À midi, alors qu’ils allaient déjeuner, le guide leur proposa une dégustation de champagnes de la Loire. Thibaut sembla réticent, mais Susan lui attrapa la main avec détermination.
— Tu m’as fait découvrir ton travail. C’est l’occasion pour moi de te montrer ce que je sais faire dans le mien.
— Bon d’accord, mais il faut rester raisonnable !
Susan leva les yeux au ciel en souriant.
— Dit l’homme qui veut faire semblant que nous sommes un couple destiné par les étoiles !
Thibaut se sentit soulagé par l’humour de Susan et accepta de la suivre.
— Les champagnes et les parfums ne sont pas si différents, dit-elle en parlant avec passion de son métier, des arômes du raisin, des couleurs des vins, et de tout ce qui avait bercé son enfance.
Thibaut ne comprit pas tout, mais il appréciait de voir Susan si enthousiaste à propos de ce qu’elle partageait. En ce qui le concernait, il n’était pas très doué pour différencier les champagnes, mais il sut reconnaître ceux qu’il avait préférés.
Susan goûta un des champagnes qu’il avait apprécié.
— Il a un petit goût acidulé, mais il est vraiment bon, avoua-t-elle avec un sourire satisfait.
Thibaut la regarda, intrigué. Il était évident qu'une part de lui-même trouvait ce jeu plus captivant qu'il ne voulait l’admettre.
2 commentaires
Jeanne Carré
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Il y a 10 mois
Emeline Guezel
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Il y a 10 mois