Fyctia

_ Putain Lilly, Il faut vraiment que tu arrêtes tes conneries, tu vas trop loin.

_ Non, j'y suis presque. En tout cas j'avance bien. Je ne peux pas en rester là, il faut que je sache, que je trouve.

_ Lilly, j'ai fait mettre de l'argent sur ton compte. Maintenant tu quittes ce putain de car, tu prends un taxi pour l'aéroport et tu rentres !

_ Je n'ai pas de papier je te rappelle.

_ Bon sang, mais ce n'est pas possible. Tu te mets en danger, j'ai peur qu'il ne t'arrive quelque chose.

_ Ecoute moi d'abord.

Lilly explique à son interlocuteur ce qu'elle a appris dans l'après-midi. Celui-ci l'écoute, intéressé par ses renseignements.

_ Mais comment tu as fait pour apprendre tout ça ?

_ Crois-moi, tu préférerais ne pas savoir… Il faut que je coupe, je te rappellerai une autre fois.

_ Tu ne te rends pas compte Lilly, tout le monde s'inquiète pour toi ici...

_ Je sais, je m'excuserai à mon retour. En attendant, je dois continuer. Bisous, bonne soirée.

Lilly raccroche son téléphone et sort de sa chambre pour aller dîner. Elle est soucieuse pour plusieurs raisons : ce que lui a dit Milo la conforte dans sa quête qu'elle ne peut plus abandonner, et elle craint qu'Hélène ne raconte trop facilement leur aventure. Quand bien même elle lui a fait promettre de rester discrète.

En entrant dans la salle de restaurant, son regard est attiré par la table de Stéphane, avec qui sont attablés Sandrine et Emmy. Cette dernière fait signe à son amie de les rejoindre. Lilly lui répond d'un hochement de tête et va se servir au buffet, mais elle est attirée par des yeux posés sur elle. Helmut, assis seul, la regarde avec la tête d'un chien battu. Il semble triste, mal dans sa peau, isolé du reste du groupe. Elle le prend presque en pitié, et décide d'aller dîner à sa table. Elle se dirige vers la petite fille pour lui expliquer qu'elles se verront plus tard, mais celle-ci demande à sa maman si elle peut aller rejoindre Lilly et Helmut. "Tu veux rester seule avec Stéphane, c'est ça ?", pense Lilly avec un sourire conspirateur à destination de Sandrine.

Les deux amies s'installent à la table d'Helmut, et Lilly lance directement les débats.

_ Vous n'avez pas l'air en forme Helmut ? La journée s'est mal passée ?

_ Ce n'est pas ça. J'ai discuté à l'apéritif avec deux femmes du groupe. Je les croyais ensemble, mais en fait leur histoire m'a bouleversé.

_ Quelles femmes ?

_ Les deux qui sont assises derrière les toilettes. Des jeunes femmes comme vous, peut-être un peu plus âgées.

Lilly comprend de qui Helmut veut parler. Effectivement, elle a remarqué ces deux femmes, pensant de prime abord qu'elle se lierait d'amitié avec celles qui lui semblaient le plus proche de son âge. Mais l'occasion ne s'est jamais vraiment présentée.

_ Ah bon ? Elles ne sont pas ensembles ? Je pensais qu'elles étaient...

_ Moi aussi mon amie, mais non.

Lilly veut changer de sujet, profitant qu'Emmy mange tranquillement, sans vouloir participer à la conversation, simplement satisfaite d'être à côté de sa camarade.

_ Helmut, vous ne m'avez toujours pas dit pourquoi vous êtes venu en France ?

_ Parce que depuis ce jour-là, vous m'évitez. L'autre soir, je vous ai aperçu dans les rues de Porec, j'ai essayé de vous rattraper pour vous offrir un verre, mais vous avez disparue.

Au souvenir de cette soirée, Lilly se demande si finalement elle n'a pas été trop paranoïaque. Peut-être ne lui veut-il aucun mal finalement ?

_ Je suis désolée Helmut, je ne vous avais pas vu. Sinon je me serais arrêtée, lui ment-elle, contrariée par sa mauvaise interprétation apparente. Vous voulez bien me raconter, enchaîne-t-elle.

_ Vous voulez vraiment savoir pourquoi je suis venu en France ? Vous vous doutez bien que je voulais retrouver celle qui avait fait battre mon cœur, mais également celle qui était à l'origine de tous mes malheurs. De l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas, et justement, je m'étais mis à la détester, à la haïr. Je lui en voulais, et puisque j'avais tout perdu, elle en était responsable à mes yeux. Alors oui, je voulais me venger d'elle, la faire souffrir à son tour.

_ Vous m'inquiétez là….

_ Je savais qu'elle vivait à Saint Etienne, alors je m'y suis rendu. Et je n'ai pas bataillé pour la retrouver, parce qu'elle portait toujours le même nom, et qu'elle travaillait pour un journal local. Passer de grand reporter à correspondante locale, quelle chute ! C'est du moins ce que je pensais. Mais ça ne me suffisait pas, j'avais d'autres plans en tête.

_ Vous m'inquiétez réellement Helmut, s'alarme-t-elle, alors qu'Emmy écoute avec de grands yeux l'histoire du vieil homme.

_ Pourquoi je vous inquiète ? Parce que j'avais envie de tuer une femme que j'avais aimé ?

La stupeur s'empare de Lilly, alors qu'Emmy ne peut s'empêcher de remarquer :

_ Vous avez tuer une personne ? Vous êtes un meurtrier ? Et vous n'êtes pas en prison ?

_ Et non mon enfant, rigole-t-il. J'avais passé suffisamment de temps dans les prisons de la RDA pour ne pas vouloir y retourner, même en France. Mais je n'ai tué personne. Parce que le jour où je l'attendais à la sortie de son travail, je l'ai vu….

_ Et ? veut savoir Lilly.

_ Ce jour-là, il pleuvait, je me tenais sous un porche d'un immeuble voisin. Je l'ai vu sortir, et mon cœur a explosé. Elle avait bien 10 ans de plus, mais elle restait la même, pleine d'assurance et de beauté, son sourire ravageur. Et tous mes plans ont explosé. J'ai faillit retourner le revolver contre moi, car j'ai compris que je souffrirai éternellement de cet amour perdu.

_ Mais Helmut, j'espère que vous avez essayé de la reconquérir alors ?

_ Je ne vous ai pas dit, mais je m'étais renseigné sur elle. Je savais qu'elle était mariée, tout en gardant son nom de jeune fille, qu'elle avait eu deux enfants.

_ Mince alors…

_ Comme vous le dîtes.

_ Et vous êtes malgré tout resté sur la région stéphanoise ?

_ Oui, parce que je me suis lié d'amitié finalement avec son mari. Pour me rapprocher d'elle. Imaginez le choc pour elle quand il m'a reçu chez eux la 1e fois, rigole-t-il.

_ Est-il au courant de votre liaison passée avec elle ?

_ Bien sûr que non !

_ Comment a-t-elle réagit alors ?

_ Je ne saurai trop vous répondre. Elle m'a reconnu, mais n'a jamais montré une quelconque peur à mon égard. Au contraire, elle semblait... ravie, contente de me revoir. Tout en gardant notre liaison passée secrète.

_ Vous en avez parlé avec elle ?

_ Je ne suis jamais arrivé à lui témoigner de la profondeur de mes sentiments, si telle est votre question.

_ Et... vous la voyez toujours ?

Helmut sourit et fit un signe de tête en direction de deux personnes pénétrant dans la salle de restaurant.

_ Bien sûr. Et pour preuve, je la vois encore maintenant.

Lilly se retourne alors et découvre avec stupéfaction sa proie approcher, sa femme lui tenant le bras. Cette femme qu'Helmut n'a jamais cessé d'aimer.