LilouJune Un peu, beaucoup... AVEUGLEMENT Dure réalité

Dure réalité

Petite, je pensais que les dessins animés reflétaient à la perfection ce que la vie offrait de meilleur. L’amour. Pur, sincère et passionné. Une rencontre fortuite d’un prince charmant trop bien élevé, un échange de regard transpirant le coup de foudre assuré et hop ! Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.


Bien sûr, je n’étais pas dupe au point de croire que le grand amour viendrait sur un cheval blanc ou que de petits oiseaux ou autres animaux tout aussi charmants m’aideraient à effectuer des tâches ménagères que je prendrais plaisir à faire. Mais le conditionnement insoupçonné de Walt Disney a opéré, comme par magie, et je suis devenue ce cœur d’artichaud qui a ardemment souhaité devenir femme avant l’heure et trouver ce prince tant attendu.


Ma naïveté m’a donc conduite à croire toutes ces belles paroles qui m’ont été données et qui m’ont aveuglée le temps d’un instant pour certains, le temps de toute une vie pour un autre.


Me voilà donc, à l’aube de mes vingt-huit ans, célibataire au cœur brisé, avec une irrémédiable envie de finir propriétaire de quarante chats.


- Agathe, tu m’écoutes ?


Comme ramenée dans la réalité, je tourne rapidement la tête vers la voix qui m’interpelle. Des yeux noisette m’observent, sourcils levés, sur un visage au teint halé. Mon amie, assise en face de moi à la table d’un café, n’attend pas réellement de réponse étant donné qu’elle la connaît déjà. Non seulement je suis facilement déchiffrable, mais surtout elle sait qu’en ce moment la joie de vivre ne fait pas partie de mon état d’esprit, je pars donc dans les méandres de mes pensées à la moindre occasion.


C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est là aujourd’hui, ainsi que tous les autres jours, depuis que je suis devenue la fille qui s’est faite jetée après dix ans de vie commune…


- Oui, évidemment, dis-je sans grande conviction.


- Et tu es d’accord ?


J’écarquille les yeux en la fixant un instant et essaie de donner la meilleure réponse qui ne soit ni un oui ni un non. Le problème quand on n’écoute pas, c’est qu’on peut vite se retrouver dans une situation embarrassante, surtout quand on a une amie qui s’appelle Audrey et qui essaie coûte que coûte de trouver un moyen de vous redonner le sourire.


- Heu… Je ne sais pas…


Ses yeux étonnés et son léger sourire en coin qu’elle me sert ne laissent présager rien de bon. A croire qu’elle s’attendait à une réponse plus catégorique. La curiosité s’empare de moi et l’honnêteté surgit avant même que je le décide.


- Ok, ok, j’avoue tout. J’étais ailleurs, je ne t’ai pas écoutée. Tu disais ?


- Je te disais que j’avais un ami, fort sympathique, qui venait dîner à la maison demain soir. Et que tu étais la bienvenue. Soirée raclette et bonne ambiance !


Surprise, je la dévisage mais garde tout de même mon faux sourire plaqué continuellement sur le visage ces derniers temps. Là, tout de suite, je meurs d’envie de lui demander si c’est une blague ou si elle souhaite simplement que nous ne soyons plus amies !


Le temps que je prends avant de répondre pourrait passer pour de la réflexion. Il n’en est rien. Ce n’est que de l’incrédulité. A croire que finalement, c’est elle qui ne m’écoute pas !


- Tu plaisantes ?


- Jamais avec une raclette…, me sort-elle sérieusement.


Je ne peux m’empêcher de rire. Cette fille est une perle, une adorable petite optimiste qui me fait sourire et rire, même dans les moments les moins hilarants.


- Evidemment que c’est non !


- Ah, je me disais bien aussi que ton « je ne sais pas » était trop beau pour être vrai, souffle-t-elle les yeux au ciel. Agathe, ça fait 8 mois maintenant. Je ne sais pas ce que tu endures en ce moment, même si je fais tout ce que je peux pour comprendre, mais tu es encore jeune, t’as la vie devant toi. Faut que tu rebondisses !


- Non merci. J’ai déjà donné, et beaucoup je crois. C’est terminé pour moi, j’arrête les frais.


Mon amie ne peut s’empêcher de secouer la tête pour exprimer son incompréhension et sa démotivation.


- Et qu’est-ce que tu vas faire ? Devenir vieille fille ?


- Ouais… ou lesbienne, lui souris-je en posant nonchalamment mes bras sur la table devant moi.


- Ah bah s’il n’y a que ça, je dois bien avoir quelques copines qui aiment la raclette…


Je ris à nouveau et lui envoie ma serviette en papier posée juste devant moi.


- Sérieusement, je n’ai ni la force ni l’envie de m’embêter avec un mec. Ce sont tous les mêmes ! Ils te promettent la lune et ne sont même pas capables de t’offrir une étoile. Et quand tu penses avoir trouvé le bon, que tu donnes tout ce que tu peux dans cette relation, ils se barrent sans demander leur reste… Alors, je te le répète, arrête de jouer les entremetteuses. Et oublie la raclette en plein été !


Audrey lève les mains devant elle et abdique beaucoup trop facilement pour m’assurer qu’elle ne recommencera pas. Un rictus m’échappe et je laisse mes yeux dériver vers ma montre qui m’indique que je vais être en retard pour mon rendez-vous.


Le stress me gagne immédiatement et je me lève aussi vite que j’en suis capable. Mon amie regarde son portable et comprend la raison de ma fuite en avant.


- Ah, mince ! Je n’avais pas vu l’heure. T’es sûre que tu ne veux pas que je t’accompagne ?


Je secoue la tête et l’embrasse rapidement avant de chercher la monnaie dans mon sac pour payer le sirop que j’ai pris en arrivant. D’un geste, elle me stoppe en posant la main sur mon bras.


- Laisse, c’est pour moi. File et appelle-moi en sortant.


- D’accord. Merci.


Je tourne les talons et pousse la porte du café pour en sortir. Avant même que mes pieds n’atteignent l’extérieur du bistrot, j’entends Audrey crier.


- Je suis sérieuse, j’ai pas envie de te harceler, alors appelle-moi !


- Ouais, ouais !


Ni une ni deux je me dirige d’un bon pas vers mon rendez-vous situé à quelques centaines de mètres de là. Pendant le trajet, entre deux essoufflements et l’injonction de me remettre au sport, je repense à Audrey et à son ordre non dissimulé pour la tenir informée de cet entretien peu réjouissant que je m’apprête à passer.


Elle me connaît trop bien et sait déjà qu’elle va devoir m’envoyer une multitude de messages avant que je ne daigne l’informer de ce qu’il s’est dit. Pas que je veuille la tenir à l’écart, je l’aime bien trop pour ça, mais quel est l’intérêt d’avoir une amie qui passe son temps à se plaindre ?


Devant la porte du cabinet du Docteur Wemar, je ne trouve pas la réponse à cette question et je décide de jouer la carte des habitudes. Sourire et faire comme si tout allait bien.


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4 commentaires

Rose Lb

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Il y a 5 ans

un chapitre de lu et je suis déjà sous le charme de ta plume! Je vais me trouver un temps tantôt pour tout lire d'une traite. Et pour Walt Disney, entièrement d'accord !

LilouJune

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Il y a 5 ans

Merci Roseline, ça me touche. Walt Disney ne fait pas que du bien 😅

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

Que j'aime la douceur de ton écriture et ce que tu racontes est tellement le reflet de nos vies quand on a vécu des contacts plus ou moins difficiles, on en vient à penser que rester seule est bien plus agréable laissant à la vie le choix de nous présenter la lumière qui nous rendra ce sourire presque enfantin de candeur en regardant les yeux que nous voyons presque notre tant nous restons rivés dessus...Mon plaisir de te compter dans mes lectures et d'être avec toi dans ce petit flash...un bonheur absolument pas dissimulé et pleinement assumé👏😊😘

LilouJune

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Il y a 5 ans

Je te retourne ce joli compliment cher lectrice et autrice de mon coeur :) Oui, la solitude semble souvent être notre meilleure amie après un obstacle difficile ou une déception. On refuse de voir la lumière alors qu'elle est là, tout près, à nous attendre et à éclairer nos jours, même les plus obscurs. Merci pour ton passage :*
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