Fyctia
Clara-Valise à l'arrachée(1/2)
C’est décidé. Je ne passerai pas Noël en famille cette année. J’attrape mon téléphone et je cherche le numéro de mes parents. Je prends une grande inspiration avant de cliquer sur appel et je me prépare mentalement à cette conversation. Ma mère décroche dès la première sonnerie,
— Allo Clara ! Quelle bonne surprise, dit-elle d’une voix joyeuse ! J’attendais ton appel, quand est-ce que tu arrives ?
Je ferme les yeux.
— Maman, je... Enfin, ça va être compliqué cette année. J’ai un empêchement de dernière minute. Un gros dossier est tombé et le bureau a besoin de moi.
Mentir, c’est mal, Clara. Très mal, surtout à sa maman.
De l’autre côté du téléphone, le silence tombe. Malgré l’ambiance chaotique qui règne dans notre foyer, ma mère considère Noël comme un moment sacré, une des rares occasions de pouvoir se réunir en famille. Je pense qu’elle ne réalise pas à quel point c’est une épreuve pour moi.
— Pourquoi fais-tu passer ton travail en priorité, même à cette période de l’année ? me répond-elle sèchement.
Je serre les dents.
— Ce n’est pas ça, maman, c’est juste que... Le monde ne s’arrête pas de tourner parce que c’est Noël, et puis comme la plupart de mes collègues ont des enfants, alors… Euh… Je me suis portée volontaire pour qu’ils soient présents lors de l’ouverture des cadeaux. Tu vois ? Sacrifiée sur l’autel de la famille. Qu’est-ce qu’elle va pouvoir répondre à ça ? C’est tout en mon honneur. Enfin, si c’était vrai…Le silence qui suit me fait douter. Puis, le soupir tant redouté arrive, comme un coup de massue.
— Oh, Clara... C’est tellement dommage. Mais bon, si tu te sacrifies pour que d’autres puissent être avec leurs enfants… C’est plutôt louable de ta part. J’espère que ton entreprise saura s’en souvenir et tu ne manqueras pas de le rappeler à tes collègues, que ça ne soit pas toujours les mêmes qui profitent. On ne sait jamais si toi aussi, un jour, tu avais des enfants… Enfin…
— Exactement ! Ce ne serait pas juste de les priver de ce moment, tu comprends ?
Je m’accroche à cette excuse comme à une bouée de sauvetage.
— Bien sûr. L’année prochaine, nous nous rattraperons, n’est-ce pas ? Dit-elle.
Cependant, je perçois une pointe de déception dans sa voix.
Je me force à sourire, même si elle ne peut pas le voir à l’autre bout de la ligne.
— Oui, d’ailleurs, je passerai quelques jours à la maison après le jour de l’an, pour vous souhaiter la nouvelle année !
— C’est vrai, mais tes oncles et tantes seront sûrement repartis, il n’y aura plus que nous !
— Ce n’est pas grave. Je leur enverrai une carte postale pour leur présenter mes meilleurs vœux.
En réalité, j’ai le choix, et même un excellent choix, mais ça, je me garde bien de lui dire. Parce que, même si l’idée de fuir Noël à la maison me remplit d’un bonheur immense, je sais que ma mère s’effondrerait si elle savait la vérité.
— Bon, je suppose qu’il faut faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Mais fais attention à ne pas travailler trop, hein ? C’est Noël, quand même !
Son soupir exaspéré résonne dans le combiné et me transperce le tympan et le cœur.
— Oui, oui, promis. Je t’appellerai pour te donner des nouvelles. Et joyeuses fêtes à vous. Passe le bonjour à tout le monde.
— Je n’y manquerai pas, bisous, ma fille. Ton père t’embrasse également.
Je raccroche rapidement avant que la culpabilité ne me ronge davantage.
Voilà, c’est fait. Maintenant, il ne me reste plus qu’à préparer ma valise. Ce serait bien si j’avais une idée de ce qu’il faut emporter pour un séjour à la montagne pour éviter de mourir de froid tout en restant un minimum stylée. Mais voilà, j’ai été un peu prise de court.
Je jette un coup d’œil à mon dressing. Des talons, des robes, des pantalons à pinces, des petits pulls en mohair, des manteaux ... Rien qui ne convienne vraiment pour un séjour à la montagne. Pas le choix, j’enfile mon manteau, j’attrape mon sac à main et je pars ventre à terre dans les centres commerciaux. J’espère que les magasins de sport n’auront pas été dévalisés et qu’il restera encore quelque chose d’à peu près portable pour mon escapade.
J’entre dans le premier magasin, et je fais face à une scène apocalyptique. Les rayons de vêtements de ski sont presque vides.
Mais, où est donc passée la crise ? Les vacances au ski, ça coûte une blinde, mais apparemment tout le monde a les moyens d’y aller !
Je parviens à attraper au vol une paire de gants qui me semble de la bonne taille. Je trouve également trois pantalons de ski, mais ils sont soit taillés pour des mannequins de 1 m 80 soit pour des hobbits. C’est bien ma veine !
Je tente quand même ma chance dans la cabine d’essayage, avec le seul susceptible de m’aller. Je tire, je tire encore, mais... impossible de le fermer. Allez, entre là-dedans ! Ma bedaine fait de la résistance, à moins que ça ne soit mes grosses fesses qui prennent trop de place ? Je me bats littéralement avec la fermeture éclair, mais rien à faire. Je ressors de la cabine, rouge de honte et de frustration.
Tant pis, murmuré-je à moi-même en me rhabillant. Je trouverai bien là-bas.
Le problème, c’est que je n’ai aucune idée de ce qui m’attend vraiment. Entre le froid, les activités en extérieur, et cette famille que je ne connais pas encore, je sens déjà venir le grand décalage entre la citadine que je suis et la vie à la montagne. J’aurais au moins aimé trouver une paire de chaussures. Mais là, non plus, pas de chance. J’imagine que mes baskets feront l’affaire, du moins les premiers jours. Mon butin est maigre : j’ai quand même réussi à dégoter une paire de gants bien chauds et une polaire doudou. Je pense que je vais prendre aussi avec moi ma doudoune avec le gros col en fourrure, que je ne porte quasiment jamais, en espérant qu’elle sera assez chaude.
Je rentre chez moi en catimini pour finir de préparer ma valise. Autant dire que j’ai rarement voyagé aussi léger. Je ne voudrais pas que nous soyons en retard. Je regarde l’heure et Marie va bientôt venir me chercher. Nous avons encore trois heures de route pour rejoindre La Clusaz. Je dois avouer que l’idée de quitter Lyon pour un séjour à la montagne me semble… assez excitante, à moins que ça ne soit le soulagement d’échapper à des remarques lourdingues et des sourires de façade.
Je vérifie rapidement que je n’ai rien oublié, je ferme soigneusement la porte et je me dirige vers l’ascenseur. J’ai à peine le temps de sortir de l’immeuble que j’aperçois la voiture de Marie. Elle se gare en double file, me récupère au vol et redémarre rapidement pour ne pas gêner la circulation.
5 commentaires
Akiria.s
-
Il y a 21 jours
Emma Hermosa
-
Il y a 21 jours