ÉlisaMars Un Noël islandais Chapitre 18

Chapitre 18

Angus, qui me connaît depuis l’enfance, a bien compris qu’il ne fallait pas m’arrêter. Hanna a également beau me connaître depuis des lustres, elle tente de me retenir par le coude.

– Qui est-ce, Emma ?

– Ma cliente, et maintenant laisse-moi passer.

Je l’entends reprocher à Angus de ne pas faire son boulot mais je suis déjà à portée du merdeux qui serre Emma.

Je la protège instinctivement en l’encadrant de mes bras et c’est là que je vois la main immonde du gamin posée sur sa cuisse.

– Tu m’as commandé quelque chose, chérie ? lui dis-je en m’imposant.

Moi Tarzan, toi Jane… pas très subtil, mais avec ce genre de gars et vu de son haleine alcoolisée, je doute que faire plus compliqué serve à quelque chose. Je vois la peur dans ses yeux et sa main qui quitte la cuisse d’Emma. Parfait. J’avoue que j’ai toujours éprouvé un petit plaisir sadique à provoquer la crainte chez les cafards de son espèce.

Aussi loin que mes souvenirs puissent remonter, j’ai toujours su tenir les autres à distance avec pour seule défense, une carapace si épaisse que je me suis emmuré vivant. Elle comporte tout de même quelques avantages, puisque plus rien ne m’effraie.

Je sens le dos d’Emma se détendre contre mon ventre et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ça ne m’excite pas, qu’elle réagisse ainsi au contact de nos corps. Curieusement, son abandon m’émeut, et je suis d’autant plus déterminé à botter le cul de ce Néandertal qui a osé la toucher. J’ai passé l’âge des bagarres de fin de soirée d’autant plus qu’Angus ne me pardonnerait pas de démolir sa réputation et son décor, mais le gamin a intérêt à vite dégager. Je lui fais signe de me laisser son tabouret.

– Tu permets ?

Je m’installe nonchalamment tout en continuant à jouer au petit ami protecteur. Je dis à Emma de rejoindre la table d’Angus et je peux lire dans son regard le soulagement et… de la colère ?

Après avoir bien ridiculisé le gosse devant toute sa bande qui fait déjà comme si rien ne s’était passé, je retrouve Emma en plein discussion avec Angus. Vu la tête de Hanna, je peux sentir d’ici les problèmes.

– C’est qui celle-là ? me demande-t-elle en islandais.

– La cliente de Ragnar.

– Ah, la chieuse qui passe sa vie à photographier sa petite personne ? lâche Hanna dégoûtée. Je me demande bien qui peut être intéressée par ce qu’elle poste, elle me fait l’effet d’une petite personne tout à fait quelconque.

Un regard bien appuyé lui fait comprendre de fermer son clapet, mais je reste sur la brèche car elle n’est pas du genre à ravaler son venin bien longtemps. J’entends Angus et Emma parler tricot et laine mais je n’y prête pas attention car à côté de moi, j’attends que la bombe dégoupillée explose, et je ne suis pas déçu. Hanna commence à attaquer Angus tout en rabaissant Emma. Je m’apprête à répliquer quand Angus s’en charge.

– Je tricote pour qui je veux.

Hanna a tendance à oublier que tous les hommes ne tombent pas à ses pieds, surtout pas Angus qui ne la tolère que par égard pour notre histoire chaotique. Je n’écoute que d’une oreille Emma et Angus qui s’entendent comme deux collégiens. Je sais qu’ils discutent chiffons lorsque Angus nous fixe à Emma et moi rendez-vous pour le lendemain à la boutique de laine. Manque de chance, Hanna n’en a pas perdu une miette et je la sens bouillir à côté de moi et là, avant que je n’ai le temps d’intervenir, elle nous lâche l’une de ses attaques perfides dont elle a le secret.

– Vous savez que Angus fait aussi des plats à emporter ?

Je retire sa main que je viens de remarquer posée sur mon avant-bras pour baliser son territoire. Et cela n’a rien à voir avec le regard appuyé d’Emma sur ce geste d’intimité qui la fait plus réagir que la pique d’Hanna. Elle commence par ailleurs à rassembler ses affaires et mon cerveau s’emballe. Ce n’est pas à elle de partir, pas si vite.

– Elle mange ici. Mais si tu es si occupée, Hanna, personne ne te retient.

– Et la réunion ? On n’a pas finalisé tous les détails je te rappelle, dit-elle, boudeuse.

Il faut qu’elle comprenne qu'avoir un jour couché ensemble ne lui donne aucun droit sur moi. J’ai commis cette monumentale erreur jusqu’à l’année dernière et puis j’ai compris. J’ai compris que ce genre de relation me donnait un goût amer et ce que je faisais pour tromper ma solitude ne la rendait que plus sordide, une fois l’effervescence passée.

Hanna couine et se défend comme elle peut, mais Angus passe déjà à autre chose. Qu’est-ce que je deviendrais sans ce gars ? Je ne me souviens pas très bien de la suite, car je suis trop occupé à épier la moindre réaction d’Emma sur son beau visage. Je sais simplement qu’elle prend rapidement congé et je m’aperçois avec horreur qu’Hanna la piste depuis le comptoir. Au moment où elle se retourne, j’ai déjà traversé la salle avec mon manteau sous le bras.

– Regarde-la, elle se croit dans Emily in Paris ! J’en peux plus de ces touristes ! suffisamment fort pour attirer l’attention.

J’imagine que la référence n’est pas très flatteuse pour Emma parce que tout son être irradie la fureur. J’ai à peine le temps de me faufiler derrière elle pour ouvrir la porte et l’y pousser avec douceur. Une fois dans la rue, elle avance au pas de charge et je me dis que la bombe prête à exposer n’est pas forcément celle que je croyais. Qui aurait pu soupçonner que cette petite touriste sans histoire aurait hérité d’un tempérament volcanique ?

J’aurais dû me douter que sous l’apparence de la jeune femme à l’affût des dernières tendances digitales se cachait une personnalité un peu plus complexe mais, pour ma défense, il y a bien longtemps que je ne me suis pas senti attiré par qui que ce soit.

J’attends patiemment qu’elle déverse tout ce qu’elle vient d’encaisser et j’ignore pourquoi, mais j’aime la voir combative, plutôt que pelotonnée dans l’humiliation et la honte. J’ai toujours été l’homme fort, celui sur lequel on peut compter.

Dans mon métier comme dans ma vie privée, ou du moins en amitié, j’ai à cœur d’être un roc inébranlable, celui qui ne vacille jamais devant l’adversité. J’ai cette capacité à jauger chaque situation avec sang froid, et si je déchausse pendant une randonnée sur un glacier ou qu’un volcan crache sa lave un peu trop près de moi, je ne tremblerai pas.

Comment se fait-il alors que je me sente aussi tributaire de la moindre de ses réactions ? On pourrait penser que mes dix ans d’écart avec Emma feraient de moi un pygmalion naturel, mais je n’ai jamais eu autant l’impression d’être dépendant d’une femme.





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1 commentaire

izoubooks

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Il y a 10 mois

Petite pluie de likes en soutien !! J’espère que tu auras l’occasion de découvrir « ROSE » ;)
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