Fyctia
11 - Victoria (2/2)
Le guide s’approche, inconscient de l’ampleur de mon désespoir. Il est grand et plutôt mignon, quand j’y pense. Ses yeux d’un bleu océan me captivent alors qu’il me détaille de la tête aux pieds.
— Pas d’inquiétude, c’est moi qui conduis.
Ouf. Bien sûr, je me sens bien plus en sécurité avec un professionnel qui sait comment commander ses chiens. Le guide vient poser sa main dans le creux de mes reins et me pousse doucement vers l’endroit où je suis censée m’installer. Non pas que je n’aime pas ce contact à la fois viril et romantique, mais je n’aime pas particulièrement être touchée. Surtout si je ne connais pas la personne.
Nicolas s’approche de nous, un sourire faux sur le visage. Avec lui, c’est reconnaissable : ses lèvres ont du mal à rester dans la même position. Je suppose qu’il aime autant cette idée que moi, et que c’est pour cette raison qu’il agit comme ça.
— Dommage. J’avais un plan pour me débarrasser de Victoria en pleine forêt, lance Nicolas.
Quel connard !
Mes envies de meurtre se font plus fortes alors que le guide désigne les places : un derrière, un devant. Et évidemment…
— Je vais derrière, s’empresse d’affirmer le capitaine, un sourire bien plus sincère sur le visage.
— C’est exactement ça. Mademoiselle, vous êtes plus petite et plus fine ! enchérit le guide sans toutefois me lâcher.
— Y a une autre option ?
— Oui : rester ici.
Je capitule et grimpe dans le traîneau. Je ne peux rien faire, et retarder l’inévitable n’est pas dans mes habitudes. Nicolas prend place derrière moi. Et là, l’horreur : je suis littéralement entre ses jambes, posée contre un endroit stratégique auquel je ne veux surtout pas penser. Il passe les bras autour de ma taille dans un geste lent. Je frissonne.
— C’est une blague, je marmonne.
— Je te protège, ma beauté.
Je ne sais pas comment me mettre. J’essaie de ne pas trop m’appuyer contre lui, mais je n’arrive pas à trouver une position suffisamment confortable qui nous conviendrait à tous les deux.
— Ne bouge pas autant, Victoria…
Je serre les dents. Je sais où il veut en venir, et rien que d’y penser, j’en ai des haut-le-cœur. Il n’a pas intérêt.
— J’essaie juste de respirer sans coller mon dos à tes abdos, merci.
— Mauvaise nouvelle : tu vas devoir t’y habituer.
Sa voix est grave, légèrement irritée. Une chaleur se diffuse soudain en moi, mais je la fais fuir. Ce n’est ni le lieu, ni le moment pour des bêtises de ce genre !
Le guide siffle dans un sifflet et les chiens se mettent à courir. Et ce qui devait arriver arriva : je bascule, malgré moi, contre Nicolas.
— Tu vas y prendre goût, ma beauté, me souffle-t-il.
Je vais l’étrangler. Mais plus tard. Parce que là, la magie opère.
Le traîneau glisse à travers la forêt. Le silence est sublime. Les chiens filent. Nous restons dans cette position pendant un bon moment, oubliant que je suis contre le capitaine que je déteste. Le vent froid me pique le visage, mais ça en vaut la peine. Le paysage s’ouvre sur un lac gelé, une cabane en bois, des lanternes suspendues… C’est irréel.
— Wow…
C’est officiel, je suis bluffée.
— Ouais… souffle Nicolas, sincèrement.
Ses mains sur mon ventre sont devenues plus douces, presque… tendres. Je le ressens à l’intérieur de mon corps. Je ne peux pas le nier. J’aime cette sensation.
Le traîneau ralentit. Je reste figée, hypnotisée. Puis, retour à la réalité. Hors de question de rester une minute de plus contre lui.
— Ok. Maintenant, DÉGAGE DE LÀ.
— Tu veux pas rester encore un peu ?
Je me tourne légèrement pour apercevoir son sourire d’idiot.
— JE VAIS TE TUER.
Je saute hors du traîneau comme si ma vie en dépendait, tangue, puis me redresse, rouge pivoine. Je ne vais pas me laisser avoir par lui. Nicolas descend nonchalamment, ce salaud, l’air de rien.
— J’ai hâte de faire le retour.
— Encore un mot, et je t’enterre SOUS le lac.
Henry arrive avec Rémi, hilare. Je sais qu’ils ont tout vu, et c’est exactement ce qu’ils voulaient.
— Alors ? Balade en duo réussie ?
— Vic était aux anges, répond Nicolas, toujours ce sourire de démon au coin des lèvres.
Je m’apprête à le corriger, mais Rémi s’arrête, bouche bée.
— Ok… là, Henry, je dois admettre. C’est une surprise de génie.
— Je le sais ! Bienvenue au Lac des Vœux, mes amis.
Je lève un sourcil.
— Le lac des quoi ?
— Des Vœux. On dit que si tu fais un souhait ici, au moment où le soleil touche l’horizon… il se réalisera.
Silence.
Je jette un œil à Nicolas. Il semble ailleurs, comme s’il pensait à quelque chose d’important.
Moi ?
Je ne crois pas aux contes. Mais en fixant ce paysage, ce moment irréel, avec le froid qui me pique et son regard que je sens toujours posé sur moi… une partie de moi se dit…
Et si c’était vrai ?
1 commentaire
Eva Baldaras
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Il y a 22 jours