Fyctia

Un peu retournée par la pause plutôt stimulante qu'ils viennent de faire, Marylou a du mal a trouver la motivation pour terminer l'ascension de la paroi.

- On pourrait redescendre au village maintenant, non ?

Joan la fixe, un peu surpris.

- Tu manquerais la vue superbe sur la vallée de Sallanches et le Mont Blanc !

- J'aime assez la vue qu'on a ici.

- Ma petite louve serait elle un peu faignante ?

- Ce n'est pas ma faute, c'est mon apollon qui m'a rendue toute alanguie.

Joan rit à ce qualificatif plutôt glorieux.

- Je n'ai rien fait ! C'est toi qui es venue te frotter à moi, petite coquine.

Il la mord alors gentiment dans le cou, provoquant des ondes de bien-être le long de sa moelle épinière. Marylou est dans l'instant à nouveau paralysée par le désir. -Je suis complètement à sa merci, et j'en suis heureuse ! Je suis perdue.-

- Si tu monte jusqu'au col de Doran avec moi, je te promets des acrobaties bien plus élaborées quand nous serons dans un endroit plus intime.

- Ah bon. Il y a moyen d'avoir de l'intimité là haut ?

- Cela dépend si le refuge est occupé ou non.

Marylou lui répond, soudain hilare.

- Tu sais comment motiver les troupes toi ! Tu proposes des parties de jambes en l'air à tes clientes pour les motiver ?

Joan prend un air un peu bougon.

- Arrêtes tes bêtises. Je n'ai jamais proposé ça à qui que ce soit.

Marylou le chambre encore tandis qu'ils se remettent en route.

L'ascension de la cheminée se termine dans les rires et les taquineries. Puis ils entament une nouvelle phase de randonnée plus classique, et commencent à échanger sur des sujets plus intimes, plus sérieux.

- Je n'ai pas osé te le demander directement, mais Lily m'a dit que tu es célibataire depuis un moment.

- Oui, depuis trois ans environ. Cela ne me dérange pas. J'ai une vie bien remplie et peu de temps pour moi, donc c'est mieux ainsi.

- Ou vit le père de Mandy ? Vous vous voyez de temps en temps ?

-Il est resté vivre à Aix-les-Bains. Il loue un appart. Je ne le vois que quand Mandy va chez lui ou qu'il vient la chercher. Je l'évite au maximum, il me tend en quelques secondes quand on échange quelques paroles.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé entre vous ?

- Sans rentrer dans les détails, il était devenu toxique. Pour lui et pour nous.

- Toxique ?

- Oui. Trop d'addictions l'ont rendu instable mentalement. La crise du covid n'a pas arrangé les choses. Il a perdu son boulot, il était en CDD à l'époque. Il a ajouté de nouvelles addictions à celles qu'il avait déjà. Il pouvait devenir dangereux, pour lui, pour moi, et pour Mandy. Quand il la prend, j'exige qu'ils soient chez les grands parents, pour que Mandy ne se retrouve pas livrée à elle-même.

- Cela a dû être difficile pour toi.

- Oui. Plutôt dur. Mais la vie de mère célibataire n'est pas très facile non plus. Mais assez parlé de moi. Elle se tourne vers lui et sourit. Explique moi comment un bel apollon, sans aucune addiction il me semble, peut encore être seul ?

Joan hausse les épaules.

- Plutôt compliqué à expliquer en quelques mots.

- On est pas pressés, on a du temps de marche avant d'arriver au col. Prend tout ton temps !

- Alors pour commencer, les filles de mon âge, ou plus jeunes, sont des consommatrices d'hommes. Elles scrollent les mecs comme sur leurs écrans. J'ai l'impression qu'il n'y a que les coups d'un soir et les trophées qui les attirent. Moi je suis passé à autre chose depuis longtemps.

- Etonnant. La plupart des mecs doivent être super contents de pouvoir aller à droite à gauche sans s'engager !

- C'est un plaisir éphémère, une illusion. A force de partager l'intimité de personnes que l'on ne connaît pas, juste pour leur physique, on finit par se perdre sois même.

- Je ne peux pas m'imaginer ce que ça fait. Je n'ai connu que le papa de Mandy, et j'étais très jeune.

- Tu veux dire que tu n'as connu intimement qu'un seul homme ?

- Et bien oui, je n'ai aucune honte à l'avouer.

Joan sourit et la taquine un peu.

- Tu es presque une nonne alors !

- Si cela peut te faire plaisir, appelle moi la nonne ! Je préfère avoir connu peu d'hommes plutôt que de collectionner leur photo sur mon tableau de chasse.

Joan soupire.

- Tu as bien raison. Les quelques filles que j'ai connu sont loin de t'arriver à la cheville niveau vertu. Elles sont vides à l'intérieur à force de vouloir toujours séduire leur écran.

Ils arrivent alors au niveau du col. Ils posent leur matériel sur un gros rocher et admirent la vue dégagée sur les deux vallées. La chaîne du Mont Blanc est magique, recouverte d'un beau manteau blanc.

Ils tournent sur eux-mêmes plusieurs fois, admirant le ciel d'une pureté rare, les montagnes qui découpent l'horizon.

Joan la prend dans ses bras et la serre fort en lui faisant une confidence.

- Quelle chance que le pont ait cassé pour que je puisse te rencontrer !

- Tu étais quand même très mal parti avec tes techniques de drague de vieux !

- Je ne suis pas très doué pour ça. Tu m'impressionnais. Séduire une vraie femme n'a rien à voir avec un "date" par écrans interposés.

- C'est vrai que c'est de plus en plus dur de faire de vraies rencontres. Les écrans éloignent les gens au lieu de les rapprocher. Si nous mangions ! J'ai une faim de louve !

Joan rit du jeu de mot et la libère pour aller fouiller le contenu de son sac.

- Alors voyons voir. J'ai un peu de lembas.

- Non ! Tu as cette réf ! Incroyable ! Je suis une fan du seigneur des anneaux !

- Normal, c'est la meilleure trilogie de tous les temps.

- Assieds toi. Je nous ai préparé un pique-nique de rois.

Marylou prend place sur un gros rocher plat situé à côté et attend de se faire servir. Cela ne lui arrive pas souvent. Joan dispose devant elle des tranches de pain de campagne, de la charcuterie, des graines, du fromage.

- Un vrai festin ! S'exclame Marylou.

Joan sourit d'un air coquin.

- Attend de voir le dessert ma petite louve.