Fyctia
Défi13-J'ai été, dit, pu, fait
Le temps et ses ombres se transforment en pluie, qu'ils pleuvent sur les décombres dans le précipice de nos vies. Qu'on puisse trouver dans les ruines d’un passé quelques moments de joie et se les remémorer, quand l’heure de la vieillesse se pointera dans nos esprits. L’âge n’a pas été de quelques rotules qui grincent, de quelques amnésies, mais de ce regard flétri sur un avenir qui ne regarde que les quatre murs. On se contraindra à se noyer par une fenêtre où la vie continuera de s’écouler, sans nous.
Je vois la batterie de mon ordinateur diminuer. On coupe l’électricité dans un monde en souffrance par un coronavirus qui ne devrait que toucher les êtres, mais finalement touche tout ce qui vit. La solitude inhibe le monde en l’attachant par ce phénomène plus sombre qui le rend addict, le virtuel. Personne ne se parle, alors le silence prend possession de l’espace. Seul à me poser mille questions qui ne trouveront qu'une réponse, l’écho sur le blanc des murs. J’insiste de mes pensées puis de ma voix qui hurle, je crois en cette niaiserie que l’on peut m'entendre. Je m’époumone dans l’obscurité et me convaincs de t’attendre. Mes muscles raidissent au son de l’ignorance. Quand ma peau marque un temps certain, pourtant sans rides, me donne l’impression de connaître des siècles sur mon vécu.
On entre dans mon appartement de la dimension d’une chambre, on s’approche de moi et l’on me contemple. Je ne crie plus, ma gorge sèche ne le veut plus. Mes yeux finissent par bouger et regardent cet étranger, cette étrangère, mais à quoi bon s’assurer qu’il ou elle s’assoit là, si près de moi que je sens son souffle.
Une main se pose sur le fauteuil où je me trouve, je perçois sa chaleur, mais je reste dans le lointain. Quelques mots me parviennent, je tourne enfin les yeux et je vois une forme qui ne trouve plus de formes, je tends l’oreille, car on me parle encore.
— Bonjour, comment tu te sens ? On t’entend crier, on s’inquiète.
Je ne réponds pas, mais la question a glissé jusqu’à moi. On insiste, ça m’agace.
— Tu ne me réponds pas, on dit que tu entends et que tu parles, alors pourquoi rester confiné ?
Mais quelle idée impose une réponse aux questions. Les gens de bizarreries se sentent si importants qu’ils attendent comme des cons que je leur réponde. Je suis fatigué et je ne connais pas cette personne.
— Allons Jérol, tu devrais répondre ! J’ai vu Alaïa hier. Alors je suis venue, une fois ici tu ne dis rien, je suis déçue.
Quoi, qu’ai-je entendu ? Alaïa, mon trésor, mon unique, celle qui a fleuri les heures de ma vie. Dès sa naissance, son cœur battait contre et avec le mien, son petit souffle court, trouvait près de moi sa respiration. De ma peau, de mes lèvres, de mes yeux, de mes oreilles et de mon nez des espaces pour la rassurer, quand dans le creux de mes bras la chaleur réconfortante lui donnait le sommeil. Je l’aime, une partie de moi, une douceur dans mes rêves. Voilà ce à quoi, le prénom d’Alaïa au fond de moi, donne comme fredaine. Je me résous à entendre la voix de cette forme à côté de moi.
— Jérol, tu te décides à me répondre ? Alaïa ne mange plus et elle reste allongée, je t’en prie réponds moi, elle veut te retrouver.
Je la fixe encore et fronce les sourcils, forçant sur mes poumons pour me donner l’air d’un souffle, pour répondre. Il faut qu’Alaïa retrouve sa place près de moi et il faut me la ramener pour que l’on vive encore. Sans elle, je ne respire plus. Cette bouche qui me parle de ma douceur et les nouvelles de son état, caressent ma tristesse.
Un sifflement sort de ma respiration, je voudrais parler, mais je n’y arrive pas. La voix reprend.
— Jérol, je vais la ramener et je viendrais vérifier que tu t’en occupes, mais pour cela, tu te lèveras, hein ?
Ma main bouge et se pose sur cette main chaude sur mon accoudoir. Je sens le sourire sur ce visage inconnu. Je le méprise.
— Bien Jérol, je la ramène dans une heure, je t’ai mis sur la table toutes ces affaires et dans des boîtes en plastiques, quelques repas pour faciliter vos retrouvailles.
Je trouve la force, on ne sait où, d’acquiescer. La voix et sa forme quittent ma pièce, j’entends la clef tourner, je profite de ce silence retrouvé. L’après-midi s’ouvre sur mon attente. L'heure est passée, la porte d’entrée grince, le fauteuil me tient toujours entre ses accoudoirs, aucun mouvement, j’attends…
Voilà trois mois que mon corps clame sa fatigue et j’ai repoussé tout le monde. Ils n’ont rien trouvé de mieux que m’enlever Alaïa, je les hais et mon monde explose depuis. Ils disaient « on préfère te protéger, tu ne saurais pas la garder, tu es âgé ». Les cons !
Mon âge, quel beau prétexte, ils ne venaient jamais me voir, ils restaient là-bas dans leur suffisance et moi confiné en souffrance.
Pour elle, je me relève sur des jambes tremblantes. Ma douceur se jette sur moi avec des cris de bonheur. Je la prends dans mes bras et nos cœurs tapent plus fort. Je ris, je vis…
Je ferme la porte sur l’inconnu venue plus tôt, sans me soucier de sa forme sans formes. Je vais vers la kitchenette sous les baisers brûlants que nous nous échangeons. Son corps frétille, le mien déborde d’énergie et d’amour. Je prends un petit bol de pyrex jaune, je le remplis d’eau et le pose à terre. Je me dirige vers mon lit en quatre-vingt-dix et m’assois à côté d’elle. Je vois les fenêtres et devine le soleil, les oiseaux virevoltent et ma chambre m’ouvre un ciel sans nuage, tous soucis sont dissous.
Mon espace redevient un univers, une galaxie. Les aléas électriques, ce coronavirus, ces moments de silences noirs viennent dans mon âme se noyer dans les soucis d’un siècle, dont je ne fais plus partie.
Ses grands yeux de miel se lèvent vers moi, c’est Alaïa mon petit bichon, ma vie, une moitié de moi, nous vivons l’un pour l’autre, depuis ce jour où je l’ai pris dans mes bras.💖
6 commentaires
Helen Mary Sands
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Il y a 5 ans
Sand Canavaggia
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Il y a 5 ans
Ludivine474748
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Il y a 5 ans
Sand Canavaggia
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Karl Toyzic (Ktoyz)
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Il y a 5 ans
Sand Canavaggia
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Il y a 5 ans