Fyctia

Il est un peu plus de vingt heures trente alors que j'attends ma collègue devant le musée.

Nous nous sommes données rendez-vous à cet endroit, par simplicité. Je suis tellement casanière et introvertie que je ne connais pas vraiment la ville. La retrouver complètement ailleurs aurait été compliqué, bien que de nos jours de nombreuses applications d'aide à la conduite existent.

Il fait froid, presque trop pour que l'insociable que je suis ne décide pas de changer d’avis et de retourner chez elle.

Je ne savais pas comment me vêtir. Je ne vais jamais en boîte de nuit, je ne sais pas ce qui est recommandé ou non, ce qui est apprécié et ce qui ne l'est pas.

Alors j'ai sorti un de mes pantalons noirs et chics du travail, avec une petite chemise beige, j'ai enfilé un gilet par-dessus mais ça ne suffit pas pour contrer la température qui frôle les cinq degrés.

Marie arrive près de vingt minutes après moi, en retard et dans la précipitation.

Elle s'arrête au bord de la route en activant les feux de détresse et baisse la vitre pour me faire signe de monter à bord de la voiture.

Je repère rapidement trois autres filles. Ce qui signifie que je vais devoir me serrer contre deux d'entre elles à l'arrière alors que je ne les connais pas.

Je suis assez rapidement anxieuse et rien que cette idée me met mal à l'aise mais je n'ai pas le choix.

L'une d'entre elles m'ouvre la portière arrière droite de la voiture et se décale d'une place, que je puisse m'installer. Je me serre le plus possible vers la portière l'air de rien pour essayer de me rendre invisible et prendre le moins de place dans cette voiture. Pour une fois que je sors, qu'une personne me propose de m'emmener quelque part depuis plusieurs mois maintenant, je n'ai pas envie d'offusquer ma collègue. Et nous voilà parties pendant de longues minutes, probablement vingt ou trente, en direction de la boîte de nuit.

Elles passent tout le trajet à chanter à tue-tête les musiques de la playlist que Marie a choisi. Même elle s'y met à cœur joie et se transforme complètement. Elle est joviale, enjouée, et ne craint pas le ridicule. Elle se dandine avec ses amies tout au long des musiques qui défilent.

Je suis partagée entre rire avec elles et avoir un pincement au cœur. Je suis si calme et sensible que jamais je n'ai été capable de mettre l'ambiance de cette manière. J'ai peur du jugement, peur du ridicule et peur d'aller au-dessus de mon tempérament. Certes, j'ai un caractère bien trempé, une carapace solide mais ça ne fait pas tout malheureusement. En même temps, elles me font rire. Ses trois amies ont entre vingt-cinq et trente-cinq ans j'imagine. Elles n'ont pas pris le temps de se présenter, déjà trop dans l'idée de faire la fête. Elles sont tellement vivantes, drôles et motivées que c'en est drôle à voir d'un point de vue extérieur.

Ça me fait déjà plaisir d'avoir accepté de sortir ce soir. Depuis ma rupture avec Ethan, je me suis renfermée dans mon travail et ma famille bien que ce soit compliqué également en ce moment. Pour une fois, ce soir, je pense à moi.

Nous arrivons devant la boîte de nuit, semblant bondée avec une file d'attente à l'extérieur aussi grande que si une boutique de cosmétiques ouvrait à cette heure-ci sur les Champs Élysées. Par chance, Marie trouve une place de parking facilement un peu plus bas dans la rue. Nous sortons de la voiture et je peux enfin regarder les personnes qui m'accompagnent ce soir. Elles sont toutes sublimes dans des robes et paires de talons ne reflétant pas leur âge réel. À côté, je dois être ridicule.

- On va réellement attendre tout ce temps ?

Je ne peux m'empêcher de poser la question. Attendre des heures pour enfin fouler une piste de danse ne me correspond pas.

- La plupart n'entre pas maintenant ma belle. Nous, nous allons assister au before, rigole-t-elle en me faisant un clin d'œil.

Je ne sais pas ce que ça veut dire mais je lui fais confiance. Elle gère la soirée comme elle l'entend après tout.

Nous contournons réellement les dizaines de personnes présentes dans ce froid hivernal et elle se présente aux videurs devant les portes pour annoncer son arrivée. Un de ceux-ci met un pied à l'intérieur de la boîte pour interpeller une personne.

Aussitôt, un jeune homme sort avec plusieurs feuilles à la main, semblables à une liste de noms. Marie doit y être enregistrée. L'homme relève ses lunettes noires pour s'adresser à ma collègue.

Et là, je réalise.

Le sol semble se dérober. sous mes pieds. Où que je sois, je ne suis jamais seule.

Parce qu'il est là, devant moi.

Ethan est cet homme.

Celui qui va me permettre de passer une de mes meilleures soirées depuis la rupture.

Je le vois relever la tête et me regarder, avec stupeur.

Lui aussi est étonné de me voir ici.