Fyctia

14 août 2011

- J’ai peut-être la solution, dis-je en souriant.

Je sors de mon placard sous ses yeux amusés deux grosses couettes.

- Juste à les poser par terre à côté du lit. Nous dormirons ensemble sans être dans le même couchage.

- Alors beau sourire, on devient entreprenante ?

Finalement, Ethan avait raison.

Peut-être que j’ai cru qu’il dormirait avec moi. Peut-être que l’idée m’a effleuré l’esprit. Mais il avait raison dans son discours, dormir avec lui était trop tôt et ne me correspondait pas. Ça ne veut pas pour autant dire que nous ne pouvions pas dormir dans la même pièce.

- Tu as de la suite dans les idées, dis voir, continue-t-il. Mais dormir avec toi ne m’aurait pas dérangé tu sais.

Sauf que moi si.

Je préfère l'alternative de ce faux matelas en couette pour qu'il puisse y dormir.

- Je ne pense pas que nous ayons les mêmes attentes… Je ne te connais pas et nous faisons déjà assez comme si et…

- Beau sourire, je te taquine ! D’où te vient cette soudaine susceptibilité ?

- Désolée, bafouillé-je.

- Je t’ai dit. Nous sommes faits l’un pour l’autre. J’ai tout mon temps pour passer la meilleure des nuits avec toi.

D’un point de vue extérieur, il pourrait faire peur à n’importe qui. Il est là, lourd et a des plans indécents mais son regard en dit tellement long. Il ne plaisante pas, il a l’air sincère. Je ne me suis pas sentie une seule seconde en danger. Derrière ces beaux airs de séducteur, il est sûr de lui et c’est ce qui est le plus rassurant pour moi.

Je dois vraiment lui plaire.

- Tu sais que tu pourrais faire peur aux trois quarts des filles de la ville ?

- Ah ! Je retrouve la Inès que j’ai rencontrée. Allez viens, enchaîne-t-il en me tirant le bras. Il me faut un autre verre si tu veux qu’on passe la soirée à discuter.

Et j’ai passé une des meilleures soirées de ma vie.

Nous nous sommes en effet resservi un verre, avant de nous préparer un dîner apéritif avec les quelques aliments qui traînaient dans ma cuisine. Nous sommes tout de même parvenus à dresser un plateau de fromage accompagné de charcuterie avant de se rendre dans la chambre où nous avons décalé mon lit pour faire le matelas le plus douillet possible au sol.

Nous avons disposé les deux couettes que j’avais sorties du placard, avec divers plaids et couvertures de mon appartement avant de s’allonger tous deux, à regarder la lumière tamisée qui se diffusait sur le plafond de la pièce.

Il avait choisi la couleur verte, sans savoir qu’il s’agissait de ma couleur préférée, synonyme des fêtes de fin d’année, le sapin... Il m’a alors expliqué que toutes les teintes avaient une signification mais celle-ci était sa préférée (un point commun !) parce qu’elle était synonyme de renouveau, de douceur, d’équilibre et de sécurité.

Commencer notre nuit de cette manière était la meilleure occasion. Il en a profité pour développer.

Il a commencé par s’excuser de la manière dont il m’avait accosté, mais qu’il voulait que je sache que j’étais en sécurité avec lui, qu’il ne me voulait pas de mal, tout en continuant ses blagues, comme le fait que toutes les justifications des tueurs en série des films commencent par “tu es en sécurité avec moi”.

Il m’a avoué qu'accoster une fille de cette manière était nouveau pour lui mais que certaines choses ne s’expliquent pas et l’ont mené à se surpasser. Il ne savait pas l'expliquer mais il s'était intéressé à moi au premier regard, et ce n'est pas parce que c'était moi la pauvre serveuse à cet instant précis.

Je l’ai vu fragile, sensible, comme il ne l’a pas montré pendant ces deux soirées au restaurant et son attitude m’a fait plaisir.

Puis, il a retrouvé rapidement son côté taquin, à la limite du lourd. Il s'est intéressé à moi sans arrêter pour autant d'être provocateur.

Nous avons parlé de nos métiers, lui est organisateur d'événements pour de grandes marques célèbres. Nous n'avons pas le même milieu. Tous deux avons expliqué à l‘autre ce qui nous a poussé à en être là où nous en étions aujourd’hui.

Il a vécu une enfance compliquée où ses parents dictaient toute sa vie. Son père était un alcoolique, quand il ne le frappait pas pour une note jugée trop basse ou un tee-shirt qu'il n'aimait pas, il lui demandait de lui ramener sa bière. Sa mère, elle, ne défendait pas son père mais lui non plus. Elle faisait comme si elle ne voyait rien et tous les deux ont exigé qu'ils fassent de telles études. Puis, à ses dix-huit ans, il a fait son possible pour prendre son indépendance contre leur gré avant d'apprendre un an plus tard que sa mère est décédée sous les coups de son père. Ce dernier a été incarcéré alors qu’Ethan aura toujours sur la conscience d’être passé à côté de la souffrance de sa mère.

Il n'a plus jamais vu son père et n'a pas voulu savoir davantage d'informations sur l'affaire mais il se demande depuis si sa mère avait caché qu'elle était aussi elle victime, et si quelqu'un avait été mis dans la confidence.

Et la manipulatrice qu'elle était, devenait quelqu'un qu'on aurait dû protéger, selon lui.

Depuis, il se dit solitaire. Il n'a confiance en personne, est autonome et se débrouille seul. Ce à quoi il a ajouté qu'il ne l'était plus maintenant en me faisant un clin d'œil.

Je ne pouvais pas me permettre de rester froide. Il m'avait émue avec son histoire et me l'a racontée sans pudeur alors que nous ne nous connaissions que depuis peu. Je lui ai parlé à mon tour de ce que j'ai vécu. De ce que ma mère m'a fait traverser avec ses états d'âme, du divorce qu'elle a souhaité avec mon père, la figure masculine qui compte le plus pour moi.