Fyctia

— Camille ?

— Jared ?

— J’ai cru que tu ne décrocherais jamais.

Ce n’est pas parce que l’on a un téléphone portable que l’on est joignable tout le temps, mais il ne me laisse pas le temps de riposter.

— Écoute bien ce que je vais te dire, c’est hyper important !

Je me concentre, Jared ne m’appelle jamais, c’est donc qu’effectivement il se passe quelque chose de grave.

— Tu prends le livre de Louisa Augustin. C’est bon, tu l’as ? On cherche un post-it.

— Quoi ? lâché-je, surprise, mais qu’est-ce qu’il raconte.

— Dans le livre, si tu avais commencé à le lire, tu aurais vu que j’ai mis des post-its. Bref, sur l’un d’eux, au tout début, je crois, ou à la toute fin, j’ai noté un numéro de téléphone. C’est hyper important.

Mon visage devient blanc, je le vois dans le miroir, j’ai la même couleur que les carreaux sans charmes de la petite pièce d’eau.

— Attend, faut que j’aille le chercher.

— Vite, vite, vite ! Camilla, je dois appeler avant 13h30, j’avais complètement oublié.

Un rapide coup d’œil m’indique qu’il est 13h 25. Je me précipite dans la remise et fouille dans mon sac à la recherche de la pile de post-its.

— Mais quelle idée d’avoir noté une information importante sur un post-il ! tempesté-je tout haut.

— J’étais en train de lire quand mon ami m’a donné ce numéro hier soir, j’avais la flemme de me lever, je l’ai noté sur ce que j’avais sous la main. Il m’a dit d’appeler avant 13h30. Tu le trouves ? C’est à l’intérieur de la couverture du début ou de fin, ce n’est pas compliqué !

Il marque une pause et s’écrie :

— Ne me dis pas que tu l’as perdu en le feuilletant.

— Je cherche, laisse- moi me concentrer.

J’inspire, expire - exercice de cohérence cardiaque - tout en faisant défiler les bouts de papiers entre mes doigts, afin de ne pas imploser. Là, un numéro, il y a quelque chose d’inscrit en dessous mais je n’arrive pas à déchiffrer.

— Tu mets trop de temps à le trouver, ce n’est pas normal.

J’annonce alors, rapidement, avec gravité, comme s’il s’agissait des numéros du loto :

— 07.32.25…

— Va moins vite, moins vite !

Il faudrait savoir…

— C’est bon.

— Tu veux que je répète ?

Jared raccroche sans un merci.

Alors que je glisse la pile de petits papiers dans mon sac, l’un d’eux s’en échappe et tombe au sol. Je le ramasse, dessus, est inscrit un numéro de téléphone, mais ce n’est pas celui que j’ai donné à Jared. Tout à coup, j’ai des sueurs froides. Et si je m’étais trompée de post-it ? Je souffle bruyamment, la porte s’ouvre et M. Pero apparaît.

— Tout va bien, Camille ? Je t’attends pour prendre la relève. Suri est partie manger à 12h30, mais elle n’est pas revenue. Moi, je vais y aller maintenant, pour être de retour à 14h, avant le prochain coup de bourre !

— Oui, j’arrive.

J’ai l’impression que tout s’accélère…