Fyctia
Chap. 6: Une star est née (1)
J’ai hésité, mais je n’ai finalement pas mis de masque dans le métro. Après tout, je ne suis pas malade, juste « hypocondriaque », car j’ai peur d’être reconnue alors que je ne suis personne. Tandis qu’un jeune homme me tourne le dos et que j’admire, d’un peu trop près, sa nuque, l’image furtive de ma probable rencontre avec Leo Per refait surface. Suivie, rapidement, des réflexions de Jared et de ma sœur, restés dubitatifs face à une telle probabilité. Mon acteur préféré aurait-il réellement osé s’aventurer dans les entrailles de Lyon ? Dans ce cas, en plus d’être carrément canon, il est super courageux ou moi paranoïaque ? Je dévisage chaque passager, mais ils affichent tous le même air antipathique. Oreillettes vissées sur les tympans, portables collés au nez, ils sont totalement déconnectés du moment présent. Je retiens, toutefois, un soupir, craignant encore de me faire remarquer. Je dois bien avouer qu’il n’y a rien de sexy à prendre les transports en commun. Il fait chaud, moite, on est collés-serrés... A la réflexion, ça se rapproche d’une partie de jambes en l’air, mais sans le plaisir. Sauf si on est sado-maso, car une jeune femme vient de m’écraser le petit orteil, sans ménagement, avec son énorme talon et elle ne semble pas vouloir s’excuser. Je me racle la gorge, souffle un peu bruyamment, mais elle feint de m’ignorer et descend à l’arrêt suivant. Mes craintes de me faire afficher ont totalement disparues puisqu’il est évident que je suis transparente. Ça y est, je suis de mauvaise humeur, ça y est la rame commence à se vider.
Je m’assois, agacée. Et là, à ce moment précis où je baisse ma garde, je remarque, face à moi, la librairie. Elle fait la une d’un quotidien local gratuit. Je meurs d’envie de me le procurer pour lire l’article et, surtout, savoir s’il y a également une photo de moi. Malheureusement, deux mains noueuses sont cramponnées au papier, telles des serres, et bientôt une paire d’yeux ronds apparaît au-dessus du média. La vieille dame cligne des paupières, m’observe, et disparaît derrière le journal. Ouf, elle n’a pas fait le lien ! Tout à coup, elle abaisse le quotidien et dévoile son visage creusé. Ses lèvres se pincent dans une moue sévère et elle lâche :
— C’est vous !
Je sursaute, intimidée, et hésite à répondre « c’est moi ». Heureusement, mon sourire crispé parle pour moi.
— La photographie ne vous rend pas justice, vous êtes mieux en vrai.
Que veut-elle dire ? Je repense à l’image de moi sur « Instantané ». J’espère que ce n’est pas la même photo qui est imprimée dans ce journal ! Il faut absolument que je me le procure. La vieille dame poursuit :
— Vous avez, ainsi, eu la chance de rencontrer Madame Augustin. Comment est-elle ?
— Normale.
A son regard offusqué, je réalise que je n’ai pas fourni la réponse attendue.
— Elle est simple, comme tout le monde, elle achète des ouvrages… Elle est très cultivée.
J’essaye d’argumenter, j’ai l’impression de repasser l’oral de philo avec, pour juge, la chouette d’Athéna en personne.
— Évidemment qu’elle l’est !
Décidément, cette dame n’est pas commode. Heureusement pour moi, le métro s’arrête et je descends. Une fois dehors, je réprime un frisson. Qui tenir pour responsable ? L’air frais ou la dame au regard glacial ? Je ne parviens pas à trancher et décide de rejoindre, le plus rapidement possible, la librairie pour me mettre au chaud et à l’abri. Je regarde, au passage, si je ne vois pas un numéro du quotidien, ils se font de plus en plus rares. Tous mes espoirs reposent, à présent, sur Suri.
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Jessie Moon auteure
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Il y a 2 ans