May Darmochod Un coeur à caster Chapitre 4 : Le plan (3)

Chapitre 4 : Le plan (3)

Je gravis les marches avec une telle lenteur que je me demande subitement si nos plats ne seront pas froids au moment de les déguster. Arrivée devant chez moi, je marque une pause quand j’entends du bruit dans l’escalier et, avant que je n’aie le temps de réagir, Jared apparaît.


— Tiens, Camille, qu’est-ce que tu fais devant la porte ? T’as oublié tes clefs ?


Je décide de mentir, n’ayant pas de meilleure réponse à fournir. Jared ne dit rien et se contente de déverrouiller la serrure d’un geste vif. Il franchit le seuil et allume immédiatement sa lampe de sel, agacé de la trouver éteinte.


— Elle doit rester sur on, elle chasse les mauvaises ondes et j’en perçois beaucoup, maugrée-t-il.


Mon colocataire croit au paranormal, aux esprits, au mystique comme il le dit lui-même. Des idées qu’Amélie et moi ne partageons pas et qui sont un sujet facile de taquineries. Cependant, pour une fois, je veux bien le croire. Je suis sûre que l’on peut ressentir ma détresse à des kilomètres à la ronde. Je me décide, toutefois, à pénétrer dans le salon.


— Ah ! s’exclame Tania.


— T’en a mis du temps, fait remarquer Jérémy.


— Elle était coincée derrière la porte, elle avait oublié ses clefs, répond Jared pour moi.


— Pourquoi tu n’as pas frappé, s’étonne Amélie.


— J’ai… vous ne m’avez pas entendue.


Je m’enfonce dans mon mensonge. Honteuse, je plonge la tête dans le sac afin de faire la distribution. Si seulement ma courte absence avait permis à la discussion de se tarir. Je sers, en premier, les plats chauds encore tièdes puis tends ses sushis à Jérémy. Nos regards se croisent. Je sais, enfin j’ai l’impression, que, dans ce court laps de temps, nous nous comprenons, comme avant. Mon cœur se serre.


— Bon, alors c’est un non catégorique ? demande subitement Tania.


— Non, enfin oui, c’est un non, bégayé-je.


— Pas très clair tout ça, commente Jared à qui on n’a pourtant rien demandé.


Il demande curieux :

— Oui, non à quoi ?


— Je ne veux pas passer le casting, répond Jérémy.


— ON ne veut pas passer le casting, rectifié-je.


Tania se sent alors obligée d’expliquer son plan machiavélique. Je savoure mes brochettes, d’une oreille distraite. Son idée je la connais déjà et je veux l’oublier. Je m’autorise même à quitter la pièce pour aller au petit coin. J’en profite pour faire un tour dans la salle de bain et me passer un peu d’eau fraiche sur le visage.


— Ton plat était si épicé que ça ?


Je sursaute. Jérémy se tient derrière moi.


— Je n’aurais pas dû ajouter la sauce.


Troisième mensonge de la journée, je bats des records. Au moins celui-là a le mérite de me servir deux fois puisqu’il excuse la bouffée de chaleur qui empourpre mes joues.


— Tu me diras combien je te dois pour le plat.


— C’est pour ça que tu m’as suivie ?


— Oui, enfin, non, je voulais savoir comment tu allais. Tu n’avais pas l’air dans ton assiette mais, maintenant que je sais que c’est dû au wasabi, tout va bien.


Loupé, Jérémy ironise, il n’est pas dupe. C’est le souci avec les personnes qui vous connaissent vraiment…


— J’ai eu une semaine compliquée, expliqué-je.


— C’est ce que j’ai cru comprendre.


L’angoisse me prend. Qu’est-ce que Tania a bien pu lui raconter, je lui ai dit 100 fois de ne pas lui parler de moi. Mon ex poursuit :

— Te servir dans les provisions d’Amélie…


Ouf, ce n’est que ça. Je fais diversion :

— On devrait retourner voir les autres.


— Sans doute.


Il quitte la salle de bain et tandis qu’il remonte le couloir, il s’arrête devant la porte de ma chambre restée entre-ouverte.


— Alors c’est là que tu dors.


— Oui, sur un lit, comme tout le monde. Tu croyais que j’avais une paillasse.


Je suis plus agressive que je ne l’aurais voulu. Mon objectif est de le dissuader d’entrer, mais c’est raté. Mes vêtements traînent au sol négligemment, résultat de ma précipitation de ce matin.


— Tu es toujours aussi bordélique.


Il rit mais, moi, je sors de mes gonds :

— Tu es venue pour me juger ?


Jérémy semble confus :

— Non, pas du tout. J’ai suivi ta sœur et puis, j’avais très envie de te voir.


Le rythme de mon cœur s’accélère. Comment ose-t-il ?


— Tu sais, ce silence radio m’a fait beaucoup de mal. J’ai respecté mais tu me manques.


Je ne sais pas quoi répondre. C’est lui qui a voulu cette situation, comment peut-il me le reprocher ? Je n’ai pas les armes pour riposter alors je prends la fuite :

— On nous attend dans le salon.


Il ne proteste pas, ne renchérit pas. Il se contente de me suivre. Oui, il est juste venu me tourmenter. C’est lui l’esprit démoniaque qu’a perçu Jared, j’en suis sûre. Je regagne au pas de course l’espace commun, Jérémy sur mes talons, mais il n’y a pas de répit pour les braves. En arrivant dans la pièce j’entends un « marché conclu » de la part de ma sœur. Ses yeux brillent d’une lueur nouvelle. Il ne faut jamais baisser sa garde. J’en prends doublement conscience quand je l’entends m’annoncer un grand sourire aux lèvres :

— Camille, tu vas passer le casting avec Jared, lui, il est d’accord !


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3 commentaires

Caroline-Noëlle

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Il y a 2 ans

A jour chez toi ! N’hésite pas à venir liker mon histoire 😁

May Darmochod

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Il y a 2 ans

Merci ! Je vais passer voir ;)

Jessie Moon auteure

-

Il y a 2 ans

👍😊
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