Fyctia
Louis, suite et fin
La semaine suivante, tu as rencontré à ton tour la directrice.
Elle t’a présenté l’école, montré ta future classe et parlé de ta future institutrice.
-Tu verras Donovan, elle va beaucoup te plaire. Je t’ai volontairement mis dans sa classe. Elle saura te réconcilier avec l’école, je te le promets.
Tu n’as pas répondu, tu arpentais les couloirs de cette école le regard hagard, perdu.
Même si mon cœur me soufflait que je prenais la bonne décision, il était torturé de t’imposer tout ces bouleversements.
Tu allais entamer un Ce2 dans une école aux petits couloirs froids et sans couleur, sans copain, sans ta sœur, sans repère.
Comme je l’ai souvent fait au cours de ma maternité; comme je l’imagine le font souvent bien des mamans; je t’ai vanté cette fabuleuse école.
Nous sommes remontés en voiture et j’ai mis ta musique à fond, pour cacher les larmes qui ruisselaient sur mes joues.
Après en avoir parlé longuement, la nouvelle directrice et toi avez estimé qu’il était plus sage de finir l’année dans ton ancienne école.
« Si jamais ils lui font du mal à nouveau, je m’engage à le reprendre sur le champ ou à lui envoyer les cours pour qu’il finisse son année au calme, mais pour son intégration, je pense qu’il est préférable qu’il fasse sa rentrée en même temps que tout le monde »
Était ce mieux ?
Peut être.
Surement.
Contrairement à ce que pensent les enfants, les parents improvisent la plupart du temps.
Je dois dire que l’annonce de ton départ a allégé l’ambiance.
Ta maitresse s’est mise à te traiter à nouveau à peu près correctement.
Mais il y en a un que ton départ imminent n’a pas laissé indifférent.
Louis.
Louis, le bourreau.
Louis la victime.
Il s’est mis à te tyranniser quotidiennement.
Chaque fois, ta sœur dont le cœur parlait plus que la raison s’interposait.
Il te harcelait littéralement mais jamais, pas une foi, tu n’as réagi.
Cela exaspérait ta sœur.
-Pourquoi tu ne te défends pas ?
_Il ne m’intéresse pas.
-Mais dis le au moins à la maitresse.
-Elle ne m’aime pas, elle prendra sa défense.
-Tu ne peux pas le laisser te menacer !
-Il ne me fait pas peur !
-Vraiment ?
-Vraiment. Il ne compte pas.
J’assistais tous les soirs à ce genre de discussions entre vous, ne sachant trop dans que camp je devais poser ma balle.
Il t’insultait, te menaçait.
Je l’avais vu faire plus d’une fois , mais dans ton visage, je ne lisais pas la peur, pas plus que la tristesse ou la colère.
J’y lisais de l’indifférence.
Et contrairement à ses autres victimes, jamais, pas une fois il n’a mis sur toi ses menaces à exécution.
Je m’en étais inquiété auprès de ta psy
-Comment voudriez vous qu’il réagisse ?
-J’aimerais qu’il se défende, qu’il riposte. Je crois même que s’il lui collait une baffe une bonne foi pour toutes ça me soulagerait.
-Vous pensez que c’est ce qu’il devrait faire ?
-je pense surtout qu’il se laisse torturer.
-Je ne vois pas les choses comme ça. Il se défend. Intelligemment. Brillamment. Mais il se défend. Louis n’est rien pour votre fils, il n’a aucun poids. On est harcelé quand on souffre, mais pour souffrir il faut que l’autre compte pour vous. Laissez le faire. ¨Pour le moment, il se débrouille très bien. Nous l'aiderons le cas échéant.
Alors je t’ai laissé gérer, rongeant souvent mon frein devant ce petit teigneux.
Il ne t’a jamais touché c’est vrai .
Tous, en revanche, n’ont pas eu ta chance.
Et début juin, lors du spectacle de fin d’année, l’épisode Louis a pris fin, brutalement.
Je n’ai pas vécu la scène, on me l’a racontée.
Tu ne te sentais pas bien ce jour là , nous avons donc quitté le spectacle à peine ton tour de chant fut il terminé.
Plusieurs parents ont confronté les parents de Louis ce soir là.
Excédés du harcèlement quotidien voire des violences quotidiennes que Louis infligeait à leur enfant en toute impunité pendant des mois.
Une maman un peu plus frontale que les autres n’est pas allée au dialogue.
Elle a attrapé Louis en lui disant que la prochaine fois , elle n’hésiterait pas à le corriger en personne puisqu’apparemment ses parents ne savaient pas l’éduquer.
L’histoire a fini à l’hôpital.
La maman vengeresse a reçu un coup de poing en pleine face de la mère de Louis, y laissant deux dents au passage.
En plein spectacle de fin d’année, pendant le passage sur scène des maternelles.
Cette histoire ne te concerne pas bien sur et est affligeante à tous niveaux. Pourtant chaque fois que je me la remémore, je pense à ta réaction, à ton indifférence.
Tu avais tout petit bien plus de tact et de savoir être que bien des adultes.
Je t’imagine sourire à ces mots, te disant que je suis ta mère et que de toutes façons quoi que tu fasses j’y aurais trouvé une justification te mettant en valeur.
Non , non. Je te regardais comme on prend trop peu le temps de regarder les gens. Je t’étudiais pour mieux te connaitre et t’aider avec respect, bienveillance et je l’avoue bien volontiers, une pointe d’admiration.
Louis a été renvoyé de l’école dès le lundi suivant.
Il a postulé dans ta future école (les deux seules écoles privées de notre coin , c’était couru d’avance) .
J’ai averti ta nouvelle directrice et la problématique que la venue de Louis dans ton école risquait de poser.
Elle m’a remercié et a refusé son inscription.
Je me demande parfois ce qu’il est devenu.
J’ai agi en tant que ta maman. Je l’ai fait pour ton bien.
Mais ce petit garçon n’avait il pas, encore plus besoin que toi d’être protégé par un cadre bienveillant ?
Etre une bonne mère implique parfois d’être humainement moyen.
11 commentaires
Lys Bruma
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Il y a 8 mois
Vinnie Catz
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Il y a 8 mois
Lys Bruma
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Il y a 8 mois
loup pourpre
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Il y a 8 mois
Naelly2023
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Il y a 8 mois