Fyctia
J'ai vaincu !
J’ai préparé une vengeance comme peu d’hommes s’y sont un jour retrouvés confrontés. Et c’est ce qui me pousse à sourire de manière aussi machiavélique à mon miroir alors que je vient de me peindre la bouche avec le dernier Dior. Je me passe une dernière fois un coup de brosse avant d’ajuster les plis de ma robe noire fendue sur les courbes de mon corps. Dire que ces courbes ont rendues fou Lance durant ces trois années.
Ça fait trois ans aujourd’hui que j’ai laissé cette bête puante me transformer en poule de luxe. Je me rappelle avec amertume à quel point son entrée dans ma vie était irréelle, comme tout droit sortie d’un mauvais roman d’amour. Je déboulais du bureau de mon boss, il faisait super chaud, ce jour-là. J’avais envie de pleurer tant mes vieux escarpins me faisaient souffrir et que mon patron m’en avait fait baver, je devais porter une bonne tonne de dossiers dans mes bras et là, il est arrivé. Il tenait un bouquet de roses rouges et quand nous nous sommes percutés, les fleurs se sont mélangées aux feuilles éparpillées de mes dossiers ouverts sur le trottoir. Il s’est accroupi en s’excusant et j’ai fait pareil. Je tentais de rattraper mes bourdes en me dépêchant de ramasser ses roses que le vent brulant s’amusait à disperser çà et là tandis qu’il en faisait de même avec mes dossiers. Et il y a eu, ça. Ce premier contact. Ces frissons qui vous courent le long de l’échine pour atterrir au creux de votre ventre.
Il a posé sa main sur la mienne.
Nous nous sommes regardés et c’est là que je me suis rendu compte à quel point il était beau. Je me suis noyée dans l’océan que ses yeux m’offraient et mon souffle s’est coupé quand il s’est penché doucement pour venir me baiser la main.
Un vrai film, je vous dis !
Je secoue la tête énergiquement histoire de me sortie une bonne fois pour tous ces souvenirs qui ramollissent mon envie de broyer les testicules de Lance. Finalement, mon enquête fut très courte et mis à part que je sais qu’il a des goûts de chiottes en matière de femme -sauf pour moi, bien sûr- je ne sais pas d’où il sort sa fortune qui parait inépuisable.
Mais qu’est-ce que j’en ai à faire maintenant ?
Je sais que sans lui pour m’entretenir, ma vie va radicalement changer. Fini les sacs hors de prix, les hôtels luxueux, les massages et les soins à pas d’heure. Je vais devoir revoir les choses à la baisse mais tant pis.
Trois ans, ça suffit !
Je m’empare de ma pochette soulignant l’élégance de ma tenue. J’ouvre le tiroir de la table de nuit pour en sortir un petit flacon qui me sera d’une grande utilité tout à l’heure.
De la strychnine.
Trente minutes pour agir.
Trente minutes pour l’observer mourir…
***
Quand je suis me suis dirigée vers le restaurant du Georges V, j’ai, bien entendu, tenue à passer aux cuisines avant de faire face, une dernière fois, a celui à qui je tenais à faire payer ces trois années de vie perdu pour rien. J’ai tenue à procéder comme d’habitude : Lance adore que je prépare tout pour lui et cela allait me faciliter grandement la tâche. Je me suis donc occupée de commander le repas histoire de ne pas perdre de temps.
Un magret et ses pommes de terre persillées pour monsieur.
Un pavé de chevreuil et ses haricots verts pour moi.
Sans oublier la bouteille de Chardonnay que nous descendions sans problème à deux.
Mais ce n’est pas ces choses qui m’intéresse. Je sais que Lance ne commence jamais un diner sans son traditionnel scotch de 12 ans d’âge. Et quand j’ai eu le groom responsable du service restauration au téléphone, j’ai tenu à ce que ce verre arrive servi.
Avec ses trois glaçons.
Le repas est prévu pour 19h30 précises c’est pourquoi, je me hâte pour finalement réussir à me glisser dans les cuisines grouillant sous l’activité du coup de feu pour la préparation des repas du soir. Personne ne me voit même si ma longe robe aussi noire que sexy dénote avec les sacs à patates blancs dont les cuisiniers sont affublés. Mon regard balaie rapidement le pass et détecte tout de suite notre repas qui est déjà prêt. Je m’en approche à la vitesse de l’éclair avant de déverser le contenu entier du flacon de strychnine dans le verre de scotch suintant de fraicheur. En me retournant, je butte contre un commis qui me scrute de haut en bas. Son regard sombre, son sourire narquois et ses tics nerveux me font penser à quelqu’un mais il est impossible de savoir où j’ai vu ce mec.
-Madame, les cuisines sont interdites à la clientèle, fait-il en plissant les yeux.
Même sa voix me dit quelque chose, c’est dingue…
-Euh, je me suis perdue, je ressors immédiatement…
-Une belle plante comme vous ne devrait pas se trouver ici, voulez-vous que je vous reconduise à la salle à manger ? Vous risqueriez de manquer l’essentiel de la soirée.
Son sourire et cette impression de déjà-vu me mettent mal à l’aise sans parler des odeurs de cuisson qui me donnent mal au crâne. C’est dommage, il était plutôt mignon, ce commis…
Il s’efface pour me laisser passer et telle une tache d’encre, je me coule hors de ces lieux échauffés en me disant que de toute façon, quitte à finir en prison, il y aura au moins un témoin qui pourra affirmer que j’étais une bombe atomique, ce soir-là.
***
Comme d’habitude pour ce genre de diner, Lance a souhaité que nous nous placions à l’abris des regards indiscrets. Notre table est donc située dans un coin reculé, bien cachée. Assise, j’observe la façon dont les lèvres de mon amant se posent sur le bord de son verre de scotch et je me retiens d’applaudir quand sa pomme d’Adam monte et descend, me prouvant bien que mon plan fonctionne à la perfection. Quand il redépose le verre vide sur la table, je marque le top départ de sa lente agonie à la vitesse du poison qui est déjà en train de se répandre dans ses veines.
30 minutes, ok.
-Tu es vraiment belle ce soir, Antonia. Encore merci de nous avoir accordé cette soirée à toi et à moi.
Je lui souris en faisant glisser mes ongles sur mon verre à vin. Je pense que je ne vais pas boire, ce soir. J’ai trop envie de voir à quelle vitesse il va s’éteindre devant moi et surtout comment.
-Moi aussi, je suis contente d’être là avec toi. Dis-moi, tu es bien parti jeudi pour Paris ? fais-je innocemment en croisant et décroisant mes jambes, galbées par des heures de solitude et de salle de sport.
-Euh…bien sûr, pourquoi cette question ?
-Pour rien. Juste pour être sûre, c’est tout.
Déjà, des minuscules perles de sueur apparaissent sur son front. Que se passe-t-il Lance ? Est le poison qui te fait transpirer ou le fait d’être là à me mentir comme un arracheur de dents ? Je ne laisse rien paraitre de mon amusement. Deux serveurs viennent nous apporter nos plats en respectant une cadence parfaite. Les cloches s’ouvrent sur nos assiettes fumantes. La vengeance me donne faim. Je m’empare avec élégance de mes couverts et me coupe un morceau de chevreuil qui s’avère être cuisiné comme je l’aime : tendre, fondant et saignant.
A l’image de ma vengeance.
(A suivre...)
2 commentaires
JowKTaylor
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Il y a 6 ans
alexia340
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Il y a 6 ans