Fyctia

Je ne l'ai connu que deux fois.

La première, à l'âge de dix-huit ans.

J'étais follement attirée par un mec de la fac, qui avait des yeux aussi bleus que l'océan, des cheveux bruns impeccablement coiffés et une assurance naturelle qui lui permettait de conclure en un regard. Il n'était pas très grand mais il était beau comme un Dieu.

Plus, il voulait coucher avec moi, plus je résistais, car il courait après d'autres filles. Plus il me poursuivait et plus je jouais avec ses nerfs, pour me prouver que j'étais capable de plaire.

J'acceptais donc que nous flirtions jusqu'à en perdre haleine. Je le rendais jaloux et mon plan fonctionnait à la perfection. Il revenait toujours vers moi... Mais à long terme, cette situation m'épuisait. Je voulais être aimée, avoir un petit-ami comme toutes les filles de mon âge et ce n'était clairement pas ce qu'il souhaitait. À ce moment-là, j'avais perdu énormément de poids, je devenais aigrie, je ne me reconnaissais plus.

Puis, il a changé de filière et nos chemins se sont séparés, même si nous avions gardé le contact et que je sentais bien qu'il était encore intéressé... uniquement par mon corps. Seulement, un jour, je suis tombée sur, celui qui est devenu mon véritable amour.

Je m'en souviens encore comme si c'était hier...

J'avais vingt-et-un ans et lui vingt-deux.

Notre rencontre était improbable, le fruit d'un pur hasard.

À l'époque, je sortais depuis peu, avec un radin de la pire espèce. Nous nous étions rencontrés via internet, par l'intermédiaire d'amis. Il étudiait les sciences sociales, à Sherbrooke, au Canada. Et lorsqu'il était revenu en France, nous avions conclu mais je ne ressentais rien pour lui. Dans la vraie vie, je n'avais rien à lui raconter et lui non plus.

Alors, un jour de Mai, j'ai accepté l'ultime conversation sur le réseau « social » MSN avec celui qui allait changer ma vie à jamais...

Vincent...

Sa photo de profil était des plus amusantes et pas à son avantage. Un énorme dollar créé de toute pièce via Photoshop trônait autour de son cou, avec pour seul message :

Salut, j'ai vu ton profil, et je te trouve hyper canon. Si ça te dit de papoter un peu, je suis, le mec qu'il te faut.

C'était l'époque ou Meetic n'existait pas encore. Les seules rencontres par internet se faisaient ainsi.

J'avais tellement ri par sa maladresse et sa légèreté que j'ai répondu. Nous nous sommes rencontrés physiquement, le vingt-huit mai pour être exacte, et ce fut le début d'une histoire intense et passionnée.

Dès les premiers instants de notre idylle, nous passions des nuits blanches, la plupart du temps dans sa Clio, pour parler de nous, de nos projets, de nos rêves tout en admirant les étoiles. Mais surtout, nous nous effleurions à en perdre la tête. Nous nous embrassions, jusqu'à ne plus pouvoir nous passer l'un de l'autre, prolongeant cette attirance irrésistible. Cela a duré un temps, jusqu'à ce que je le présente à ma famille et qu'il fasse de même.

Ainsi, tous les soirs, pendant deux ans, après nos cours ou notre alternance, Vincent passait me voir et nous faisions l'amour, à en avoir le tournis et les oreilles bourdonnantes. S'en était irréel. Tout était prétexte pour nous frôler car l'alchimie sexuelle que nous éprouvions nous enflammait toujours plus.

Un raclement de gorge me ramène brusquement au présent, en constatant que la file d'attente pour l'embarquement s'est formée. Les gens s'apprêtent à entrer dans le sas qui amène jusqu'à l'avion. Dans toute cette foule, je m'aperçois que l'inconnu s'est placé derrière moi.

Une chaleur étrange s'est progressivement installée dans mon ventre, m'enivrant.

Son parfum boisé titille mes narines, des souvenirs enfouis qui...

Stop ! Pas de ça !

Tu es en vacances et te divertir fait partie de ton mantra...

Alors, joueuse, je pivote et le scanne.

Ses yeux s'accrochent aux miens, cherchant quelque chose que je n'arrive pas à nommer.

Il glousse, mais... J'y vois une faille, une nuance.

Tu vas réussir à le gêner.

Parfait !

Pour la première fois depuis une éternité, je me surprends à savourer l'instant.