Fyctia
The necklace ~Jae
Je déglutis, hébété. Son visage rayonne d’un sourire sans chaleur, quand elle coupe l’appel.
—On t’attend en bas, mon chéri. Tu viens ?
Aké se lève d’un bond, il semble aussi surpris que moi par son arrivée impromptu et la rapidité avec laquelle elle avait traversé ma chambre et arraché le téléphone. Elle ne pouvait tomber plus mal !
—Oui...bien sûr. Je …j’arrive, articulé-je au bout de quelques secondes.
Tiraillé entre la joie d’avoir entendu la voix de ma bien-aimée et l’irritation d’avoir été interrompu par la reine, je m’applique à afficher un visage serein. Je décide qu’il ne fallait pas la contrarier. Pas quand elle tient le contact d’Araya entre ses mains. Pourvu que celle-ci ne rappelle pas ce numéro.
—Très bien mon garçon, dit-elle, satisfaite, en passant sa main guidée par la tendresse maternelle sous ma joue.
Malgré moi, je tressaillis légèrement, sans comprendre pourquoi. Ai-je donc inconsciemment peur de ma propre mère ? Je la contemple un moment, me demandant comment la confiance totale que j’avais en elle, c’était envolée. Pourquoi je n’arrive plus à me fier à ma génitrice. Après tout, elle n’a rien fait de mal. Elle veut le meilleur pour moi, de quel droit, la tiens-je ainsi en aversion. Poussé par un élan de culpabilité, je la serre dans mes bras.
—Ton fils va se marier. Il sera heureux. Tout ira pour le mieux, prononcé-je.
J’aurais voulu me dupliquer. Crée une version de Jae qui satisferait la volonté de ses parents et un autre qui serait libre d’aimer et de s’unir avec une intouchable.
—Tu renonces définitivement à elle ? demande la reine.
—Je n’ai pas d’autre choix. J’ai laissé trop longtemps mon cœur me dicter ses lois. Il est temps de donner les commandes à ma raison.
J’irais à l’encontre de mes qualités intrinsèques, s'il le faut. Qui font de moi un prince raté, un fragile, qui met l’amour au-dessus de tout.
Tout m’indique à présent que je dois changer mes habitudes. Pour une fois, je vais écouter les apôtres, aussi désagréables que cela puisse être. Cette décision me débarrasse d’un poids énorme. Ce n’est pas commode de vouloir se battre contre ceux qu’on aime. Cela dit, je me sens très lâche d’abandonner aussi facilement.
—C’est étonnamment sage de ta part, me confie mon frère en se rapprochant pour me tapoter dans le dos, en signe d’encouragement.
La reine prend du recul et saisit mon visage dans ses mains, plonge son regard attendri dans le mieux.
—Je suis si fière de toi, clame –t-elle.
Ils étaient tous deux visiblement émue par ma décision.
—J’espère que tu as un bon cadeau de mariage pour moi, mon frère, lancé-je avec un sourire bonasse.
—Ne t’en fais pas. Tu ne seras pas déçu, fait-il avec un clin d’œil. Avec le concours de la reine, je t’ai choisi la meilleure épouse qui soit, pour commencer.
—Ma future femme est un cadeau ? m’étonné-je. Aké, c’est d’une personne dont tu parles là.
—Vous discuterez de tout cela plus tard. Il y a un prêtre qui nous attend, s’impatiente la reine.
Elle passe son bras sous le mien et m’entraîne à sa suite hors de ma chambre. Dans le salon et la cour, la fête bat son plein. Les représentants de la chaîne de télévision locale ne ratent rien du spectacle. Des danseuses engagées pour l’occasion, se déhanchent gracieusement au rythme de la musique jouée par l’orchestre royale.
Je marche en silence, répondant par un mouvement de tête aux félicitations qui fusent.
Dans la salle de prière, le prêtre trône. Il m’invite à me placer tout prêt de lui. C’est un vieil homme, à la longue barbe grise, portant un turban épais sur la tête. Il flotte dans la majestueuse robe des religieux. Il prononce des prières inaudibles sur une poignée d’offrandes, avant de la jeter dans le feu sacré, qui vacille devant nous.
Ensuite, ses mains se referment sur les miennes et il entre dans une transe.
<< Que les dieux nous montrent le chemin. Qu’ils nous aident à accomplir ce mariage selon leur volonté. Qu’ils nous arrêtent, si une offense répréhensible est sur le point d’être commise. Soyez témoins, de cette union. Que votre bénédiction soit avec eux. Nous demandons votre permission avant de commencer le rituel. Par le nom sacré de Shiva, de Braham, de Kalyanam…>>
Le feu s’éteint aussitôt qu’il prononce le nom de ce dernier. Le dieu du mariage. Je lis dans les yeux du prêtre une certaine panique. Il recommence la prière en rallumant le feu, comme si de rien n’était. L’œil inquisiteur de la reine le suit attentivement. Intrigué, mes yeux allaient de ma mère au grand-prêtre.
—Que se passe –t- il, demandé-je.
Il m’ignore et continue à réciter son mantra, à présent prosterné devant les statuettes de Dieux. Quand il finit, il revient vers moi et me prie de le laisser un moment seul avec ma mère. Son air troublé ne m’échappe pas.
—Il s’agit de mon mariage. Vous ne pouvez me mettre de côté, fais-je, irrité.
Il cherche une approbation dans le regard de ma mère. Celle-ci hoche la tête pour lui signifier de parler librement.
—Pardonnez-moi, si je me méprends, mais d’après les signes que j’ai perçu… le prince est déjà lié à une autre femme.
Je me mets aussitôt debout, surpris par sa parole. Comment est-ce possible ? La reine restée de marbre, lui demande de développer.
—Eh bien, il semblerait que Jae ait passé le thâli autour du cou d’une autre femme déjà. Mais ce n’est pas un collier nuptial quelconque. Celui-ci porte la marque divine. Je perçois nettement sa puissance, son énergie irradie fortement. Si ce lien n’est pas défait, je crains de ne pas pouvoir célébrer ce mariage. Jae, vous devez briser cette première union. Pourrez-vous lui faire enlever le collier ?
De plus en plus étonné par ses dires, je reste planter devant lui incapable de formuler une phrase. Le bijou que j’ai ramassé dans une grotte à Aïn kelfa n’était donc pas une simple chaînette ? Je l’ai offert à Araya, loin de me douter qu’il s’agisse d’un collier nuptial. Et comment ce prêtre pouvait –t-il savoir ? Mes croyances chavirent devant cette révélation. Ce pouvait- il, qu’il soit vraiment en communication avec les dieux ? Alors que mes sens s’affolent, j’entends ma mère proférer :
—Jae, laisse-nous un moment, veux-tu ?
—Quoi ? Il faudra me traîner par la peau du cou ! Je suis le principal concerné ici, mère.
Elle m’incendie du regard. Mais j’étais trop absorbé par les faits pour lui accorder mon attention. Si ceci n’est pas un signe des dieux, je ne sais pas ce que c’est ! Alors même que je viens me soumettre à leur volonté, j’apprends que je suis techniquement déjà mariée à la femme que j’aime. À quelques détails prêts.
—Vous entendez les dieux, mais vous ne les écoutez pas, leur reproché-je.
—Jae, réfléchi à ce que tu vas dire, intervient ma mère.
Elle craint que je n’offense le prêtre de mes mots. Celui-ci ne dit plus rien et retourne à sa prière. Mère confie à Aké la tache de faire enlever le collier à Araya. Il lui suffit de demander à son espion de s’en occuper.The
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Jo Mack
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Luna-Bella-Me
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Véronique Rivat
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