Luna-Bella-Me Toi, moi et les Dieux Call her~ Jae

Call her~ Jae

Réveillé par des bruits inhabituels, je prends quelques minutes pour remettre mes idées en place. Après un bâillement, je sors du lit et prends une douche à la va vite. À peine habillé, je sors ma tête dans la cour, pour voir ce qui s’y passe. Déjà, dans les couloirs, je rencontre des serviteurs, chargés à outrance d’ornements qu’ils disposent tout le long du palais. Des rubans multicolores, des guirlandes de fleurs, sont placés sur toute la longueur des escaliers. Une atmosphère de fête règne. J’ai dû oublier qu’il y’avait une célébration. En même temps, il y a tellement de cultes et de cérémonies que c'est facile de s'y perdre. J’ai beau me creuser les méninges, je ne me rappel pas. Sur la dernière marche des escaliers, j’accoste un serviteur.


—Mon ami, j’ai l’impression qu’on organise des festivités ici, vraie ? En quel honneur?


Les yeux du bonhomme s’ouvrir grandement. Il semble surpris et me dévisage sans répondre.


—Eh bien parle, le pressé-je. Quelle est la raison de ces jouissances ?

—Votre altesse…vous savez bien…vous devez savoir. Enfin, je…la reine…


Son visage tout rouge et son balbutiement me jettent dans une plus grande curiosité. Il ravale difficilement sa salive, la tête baissée, me dit :


—Vous devez parler à votre mère.


Son hésitation commence à m’agacer. Je me tiens plus droit, adoptant une posture imposante et reprends, la voix volontairement enflée :


—Le prince vous a posé une question. Répondez-y !

—Je m’occupe de cela, continuez votre chemin, intervient Aké, venant dans ma direction.


Le serviteur ne se fait pas prier et disparaît aussitôt. Mon frère a la figure grave. Il n’est pas d’humeur festive et me paraît plutôt préoccupé. J’attends qu’il daigne me mettre dans le bain.


— Suis-moi, on doit voir mère, dit – il.

—Pourquoi tant de mystère ? Je veux juste savoir ce qu’on fête. Je ne bougerais pas d’ici sans être fixé.


Pour renforcer mes dires, je croise les bras sur la poitrine, et m’appuie sur la rambarde. Il soupire voyant que je ne risque pas de céder.


—Jae, on va célébrer ton mariage ce soir.


Ses mots brûlent mes oreilles. Célébrer. Mon. Mariage. Je manque d’air. Mes bras tombent tout seul. Mon frère en saisit un et me tire à sa suite vers le grand salon. Je m' absente de mon corps quelques secondes, l'esprit complètement hébété. Aké me plante au milieu de la scène, où la reine et d’autres dames entourent une jeune femme en tenue de mariée traditionnelle. Elle est en train d’accomplir la cérémonie du henné, avec les cantatrices qui chantent la gloire d’Azbar autour d’elle. Son visage est caché par une voile multicolore, brodée dans le mêmes motif que le reste de son costume. Mon regard se fige sur la reine. L’air aux anges, elle accompagne les chanteuses d’applaudissement rythmique. Elle s’arrête net, en me voyant. Un sourire anime ses lèvres, elle se lève et viens me prendre par la main.


—Eh bien, en voilà un qui est attendu par ici. Le grand-prêtre est dans la salle de prière. Il aimerait te dire quelques mots, si tu es d’accord.


Je cligne des yeux. D’accord de quoi ? Que se passe –t-il bon sang ? Je retire doucement ma main de la sienne. Les mots refusent de sortir de ma bouche, alors c'est mon regard qui lui parle, qui la questionne.


—Allez, viens. Il va tout t’expliquer. Aké et moi t’avons choisi une excellente femme. Et les dieux se sont accordés pour dire qu’un mariage en ce jour serait propice.

—Les dieux ? Murmuré-je comme sortis d’un songe.

—Oui. Le grand prêtre a lu les étoiles. Les signes sont bons. Très bon, pour ton union avec Aditya, ce soir même. N’est-ce pas là une bonne nouvelle ? Le temps a été choisi par les dieux eux-même ! On ne pouvait pas rater cette occasion. Cela n’arrive qu’une fois dans une vie.

Je sens le regard de toute l’assemblée sur moi. Ils ne devinent rien du combat interne que je mène pour ne pas exploser de colère. Le visage de ma mère me paraît sous un nouveau jour. Comment peut-elle me faire ça, tout en gardant le sourire ? Elle m’écrase, m’étrangle, m’empêche de respirer, sous ces mots lancés comme des coups de poing au cœur. Je veux me sauver, m’évader, avant qu’on ne m’emprisonne dans ce mariage à coup de ‘dieu a dit’ , ‘ prêtre a lu’. Mais c’est impossible. Elle a tout bien calculé. Quelle excuse pouvais-je donner, pour me défiler encore face à mes responsabilités ? Au fond, une partie de moi espère qu’en obéissant à sa volonté, j’apaiserais le cœur de la reine et lui ferais oublier ses plans pour Araya.



—Vous avez gagné, ma Reine, je vous suis, articulé-je, sèchement.


Mon vouvoiement soudain l’incommode, je le vois sur son visage. Elle sait que de ma part, c’est plus un signe de distanciation que de respect. Je m’approche davantage, pour la prendre dans mes bras, afin de lui parler tout bas à l’oreille.


—Vous pouvez me marier à qui bon vous semble. Mais à une seule condition. Promettez-moi de laisser Araya tranquille. Ne lui faite aucun mal.

—Une chose à la fois. Maries-toi d'abord, après on verra pour le reste, fais sa voix dénuée de sa tendresse habituelle.


Ensuite elle se détache de moi et se dirige vers l’emplacement du grand-prêtre. J’allais la suivre quand Aké m’empoigne par le bras et m’amène à l’écart. Je le sens gêné, il vérifie que personne ne nous écoute. Sa figure désolée, me fait du bien. Je sais qu’il n’est pas de mèche avec la reine. Celle-ci l’oblige à s’impliquer, pour me donner le sentiment d’être seul contre eux tous. Aké veut que j’épouse une femme digne d’un roi. Mais il ne m’aurait jamais manipulé de la sorte pour ce faire.

—Ce soir, après le mariage , je te laisserai l’appeler, juste une fois, chuchote –t-il, comme quand on se racontait des secrets, plus jeune.


Je n’ai pas besoin de poser de questions, sachant pertinemment de qui il parle. Je reste de marbre.


—Non, Aké.


Je vois l’incompréhension s’inscrire sur son visage. Il s’attendait à une tout autre réaction.


—Comment ça ? Mais, c’est ce que tu voulais tout ce temps, non ?

—Ce que je veux, c’est la retrouver et construire ma vie avec elle. Mon frère, après ce mariage, je ne serais plus le même homme. Que veux-tu que je lui dise ? « Bonsoir Araya, je viens de te trahir en m’engageant avec une autre femme ? ». Si je dois lui parler, c’est maintenant ou jamais. Appelles la tout de suite.


Il refuse de la tête. Dans un moment de faiblesse, il pourrait me donner satisfaction. Il suffit juste que je l’aide un peu.


—Aké, tu nous dois bien ça. Surtout à elle. Tu l’ignores, mais Araya t’a une fois sauvé la vie, lui confié-je.


Mon frère incrédule, me regarde d’un air suspicieux.


—Tu es prêt à inventer de pareilles sottises, pour me faire céder ?

—C'est la vérité. Je peux te le prouver. C’était à la bataille d’Aïn-Kelfa.


Je me souviens de cette lutte comme si c’était hier. Et lui aussi. Il frémit quand je prononce ces mots. Aïn-Kelfa est un royaume allié. Il était entré en conflit avec des barbares. Son armée s'étant affaiblie, le roi a lancé un appel à Kainan pour l’aider.

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34 commentaires

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Aïe aïe aïe ce chapitre... Quelle tristesse de lui imposer une femme qu'il ne connait pas. J'espère que cet appel va lui permettre de se sortir de cette mauvaise passe.

Jo Mack

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Il y a 5 ans

tu me tiens en haleine!

Luna-Bella-Me

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Il y a 5 ans

J'en suis ravie 🤸‍♀️

Marie-Eve Tries

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Il y a 5 ans

Je trouve intéressant que c’est un homme qui subisse le mariage forcé. Cela sort des clichés et éveille l’empathie... le pauvre j’espère qu’il va s’en tirer.

Luna-Bella-Me

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Il y a 5 ans

Oui, c'est un point de vue peu explorer. Merci de ta lecture !

Lyaminh

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Il y a 5 ans

C'est terrible ce mariage forcé qui se prépare... Ton texte est vraiment beau, vivant, et retranscrit parfaitement les sentiments de Jae. J'espère secrètement qu'il s'opposera à sa mère et trouvera une solution pour éviter ce mariage... Tu nous montres dans cette histoire que Dieu sert parfois de prétexte aux hommes pour faire appliquer arbitrairement d'anciennes traditions et aller contre la volonté du cœur des hommes (ou des femmes, ça dépend !). Le thème est original et habilement raconté ;-)

Luna-Bella-Me

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Il y a 5 ans

Mille merci; ce commentaire me touche énormément; ça me va droit au coeur. Croisons les doigts pour Jae. Oui Dieu est utilisé par certains à tort et à travers

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

Suspens...

Luna-Bella-Me

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Il y a 5 ans

Merci
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