Fyctia
Chapitre VI - Partie II
Ils finissent par sortir pratiquement au bout du jardin, proche des fondations qui le protège des villageois. Sous les conseils de Cailen, elle referme la grille qui tient l’entrée sans en être verrouillé, celle-ci grince tellement que Riona pense qu’on va la repérer mais personne ne vient. Elle éteint la lanterne, avant de se frotter les cheveux et les vêtements de ses mains. Puis le Prince, la guide tout droit au cimetière.
Celui-ci se trouve au fond des jardins visités plus tôt, loin derrière une rangé d’arbre, comme une barrière entre ceux qui ne sont plus, et les vivants. Derrière eux, les rires se tarissent et les voix se meurent. Ici il n’y a plus rien de joyeux. Face à eux, se dresse un caveau hors-sol accueillant les différents cercueils des rois. Une porte en fer en bien meilleur état que celle prise plus tôt en garde l’entrée, qui couine un peu quand Riona la pousse.
Ils s’avancent dans un jardin décoré de fleurs de saison, comme la tulipe et la jacinthe qui colorent et parfument l’endroit. Et d’autres qui poussent à l’année. Même si les gens ne viennent pas ici, on pourrait croire que tout est prêt pour accueillir un enterrement à venir.
Le monument est maintenu par une porte en bois très épaisse, recouverte d’une représentation des Dieux dos l’un à l’autre, et des armoiries royales, que Riona pousse mais qui demeure clos.
— Vous n’y arriverez pas, l’endroit est fermé à clé.
Comment puis-je trouver d’autres esprits si à chaque fois que je m’aventure quelques parts des barrières se dresse devant moi ?
— Il suffit de contourner, dit Cailen comme si c’était censé être une évidence.
Elle s’apprête à riposter, mais il contourne déjà le lieu. Elle le suit le long de l’endroit, jusqu’à arriver à l’arrière du bâtiment, où elle pousse une porte en bois, faiblement décoré d’une lune mangeant le soleil, et qui, malgré un bruissement, se laisse écarter.
— C’est ici que tous ceux qui ne furent pas roi, reposent, dit Cailen d’un ton détaché. Mon corps également, répond-il à la question qui allait franchir les lèvres de Riona.
Elle allume la lanterne qu’elle tient dans la main grâce à son paquet d’allumette emprunté, et se glisse dans l’entrée sombre de la crypte. Une odeur de moisissure et de pourriture emplit l’air rendu respirable uniquement par la porte ouverte. Après quelques pas dans un passage assez spacieux pour accueillir quatre personnes en même temps, elle débouche sur une vaste salle souterraine où sont disposé plusieurs tombeaux éclairés par de petites fenêtres à peine assez grande pour faire passer un bébé, mais qui suffisent à laisser un filet de lumière complété la lueur de la lanterne.
Absorbé dans la contemplation des gravures, elle ne voit pas Cailen avancé vers le fond de la grande salle et s’allongé sur l’un des tombeaux, les bras le long du corps. A la place, elle se concentre sur ce qui l’entoure. Chaque tombeau dispose d’une gravure précise, elle devine une couronne à trois branches pour celles qui furent reine, les plus nombreuses, une à cinq pour les héritiers mal, et une simple, ronde pour celles qui devaient être les princesses, mortes avant d’avoir quitté le foyer.
— La princesse Edna, elle aurait dû avoir votre âge si elle n’était pas morte née.
— Je suis désolé, ne puit-elle s’empêcher de répondre tout en sachant que ces paroles n’atteignent jamais vraiment ceux qui sont concernés, du moins, elles ne l’ont pas atteinte au décès de sa grand-mère.
— Ne le soyez pas, vous n’y êtes pour rien. Après son décès notre mère n’a plus jamais été pareil. A la naissance de Victoria, six ans plus tard, on pensait qu’elle aurait été remise du choc, mais ce n’était pas le cas, et même pas deux ans plus tard, elle suivait à la naissance de Koa. Elle l’a connu à peine une semaine.
Des doigts, elle suit le tracé du nom qui figure dessous la couronne, le nom d’une personne qu’elle ne connaitrait jamais mais qui aurait pu être-elle. Si elle s’était déjà posé des questions sur les morts à qui elle avait à faire, jamais elle ne s’était sentie aussi proche de quelqu’un.
— C’était mon bébé, et ils ne m’ont même pas laissé la voir, sanglote une voix derrière elle.
Riona se retourne pour faire face à une femme sans doute élégante autrefois, mais négligé à sa mort. Sur son front ceigne une couronne à trois branches, retenant ses longs cheveux roux. Elle n’est vêtue que d’une chemise de nuit blanche qui lui couvre à peine les genoux squelettiques, tout comme ses bras. Son visage possède une rage, mêlée d’une tristesse qui ne disparaitra jamais.
— Pourquoi restais-vous là ? lui demande Riona, votre fille doit vous attendre de l’autre côté.
— Je ne sais pas, il m’est impossible d’aller la retrouver. Elle est seule depuis si longtemps, renifle-t-elle. Mon bébé ! explose-t-elle en se jetant sur le tombeau. Laisse-moi te rejoindre, je t’en supplie.
— On devrait y aller, dit Kienan. Ce n’est visiblement pas ici que tu trouveras les réponses à tes questions.
Riona s’empresse de quitter les lieux en retenant ses larmes, sans s’apercevoir de la présence d’anciennes reines venus réconfortés celle éploré devant sa fille.
La moiteur de la crypte laisse place à une chaleur printanière alors qu’elle s’affaire à refermer la porte en bois, quelque peu perturbé par sa rencontre avec la reine. Avant de se remettre en route, elle se tourne vers le soleil dont la position a baissé depuis leur entrée. Si elle prie plus souvent la déesse de la lune, elle sait que l’un ne va pas sans l’autre et qu’elle a besoin que les dieux soient avec elle si elle veut aider ceux qui cherchent son aide.
Ils reprennent leur chemin le long des plantes et des insectes qui grouillent pour retourner près du château. Riona voudrait voir sa mère, quitter cet endroit et retourner au près des siens avant de finir dans un endroit aussi froid et terne que cette crypte. C’est souvent dans ces moments-là qu’on réalise l’importance de la famille, quand on se souvient qu’on n’est rien d’autre qu’un grain de sable parmi toute une étendue. Riona ne veut pas que sa vie soit vaine, elle souhaite au moins que le temps qu’elle a vécu puisse aider les autres comme sa grand-mère avant elle. Et non pas se retrouver à pleurer un enfant déjà partir rejoindre la lune alors que son propre esprit ne serait pas prêt à quitter cette terre.
Cailen ne dit pas un mot. S’il est troublé par la vue de sa mère un peu plus tôt, il n’en fait pas part à la jeune spirite. Ils retrouvent les jardins et la vie qui animent ceux-ci, sans que personne ne sache rien de leur trouble. Cailen l’a reconduit par les chemins dérobés à la chambre de Kienan où celui-ci n’est toujours pas de retour de son entrevue, et Riona s’affale dans un des fauteuils, exténués et perdu. Leur enquête n’avance pas et d’ici deux semaines elle devra rentrer chez elle, et s’expliquer auprès de sa mère, même si elle doute que quelqu’un la croit à son retour.
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Amphitrite
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Il y a 3 ans