Fyctia

Gabriel ne sait pas quoi me répondre. Il ne dit rien. Reste planté devant moi. Sans bouger. Sans rien dire. Je m'énerve contre lui. Je lui sors tout ce que j'ai sur le cœur. Tout, sans aucunes barrières. C'est quoi au juste une moitié. Qu'est-ce que cela représente ? J'ai confiance en lui alors que je ne le connais pas. Ma confiance a été immédiate. J'ai ce sentiment en moi. Celui qui me dicte qu'il ne me trahira jamais. Et j'avoue. Oui. Cela m'énerve. Il m'énerve. Il ne me répond même pas à mes questions. Il reste pantois devant moi. Ses mains sont posées sur mes épaules, elles ne bougent pas. J'essaie de me dégager mais il raffermie sa prise. Je vois bien dans ses yeux. Son désir de m’explique, de me faire comprendre. Tout. Tout ce qui n’ai pas à ma portée. Seulement, quelque chose l’en empêche.

— « Parle-moi. Dis-moi la vérité Gabriel. J’ai besoin de savoir.

— Tu n’es pas en colère contre moi. Je savais pourtant la vérité concernant Omaël.

— Si, je suis en colère mais c’était à lui de me dire la vérité. Il l’a fait. Maintenant, nous n’en parlons plus. Du moins, cela ne nous concerne pas. C’est une histoire entre Omaël, Nathan et moi. Ce qui m’intéresse là, tout de suite, c’est de savoir. Oui, explique-moi. Qu’est-ce que c’est qu’une moitié ?

— Je… Je ne devrais pas.

— Mais tu es ma moitié, je le sens bien. C’est juste que je ne comprends pas. Je ne demande pas la lune. Juste des réponses.

— Très bien mais pas ici. Suis-moi. »

Il me prend par la main et me tire à sa suite. Nous traversons plusieurs couloirs. Il me guide à travers les étages, nous les descendons petit à petit. Nous nous enfonçons encore et encore dans les profondeurs de cette cachette. De la tanière des anges. Il me guide connaissant parfaitement les lieux. Nous nous arrêtons finalement, dans une immense galerie. Non pas une galerie, une immense pièce dont au centre s’écoule une cascade. Une sublime cascade d’une eau presque transparente. C’est magnifique. Je n’en reviens pas qu’un lieu pareil puisse exister à une telle profondeur. Cette caverne cache beaucoup plus de merveilles que je ne l’aurais cru. Mais pourquoi m’y avoir amené ?

Il tient toujours ma main dans la sienne. La resserre légèrement. Je le regarde un instant, il est soucieux. Comme s’il s’apprêtait à sauter d’une falaise. Mais ce n’est que moi. Moi, Anna. Il hésite mais je finis par entendre son murmure. « Fais-moi confiance. Tu comprendras. » Je comprendrais ? Vraiment ? J’ai confiance en lui. Je sais que c’est étrange. Pourtant quand il se met à bouger, je le suis sans protester. Il se dirige droit vers l’eau. Commence à y avancer. Il s’enfonce progressivement dans l’eau sans que je ne puisse rien faire. Je le suis, c’est tout. Je n’ai pas peur. Nous avons pieds. Il continue à s’enfoncer dans l’eau jusqu’à atteindre le centre de la cascade. Du lac formé à son tronc. Nous sommes au centre de ce lac. En plus, nous sommes habillés… Super. Bonne idée de suivre Gabriel dans ses délires. Il ne peut pas m’expliquer tout simplement.

— Tu es prête ?

— Prête ? Pourquoi ?

— Anna !

— Oui, oui. Je suis prête.

— Très bien alors ne me lâche pas. Ce lac va te révéler tout ce que tu veux savoir. Je ne pars pas. Fais moi confiance.

Gabriel me rassure encore un peu avant de me dire de laisser sortir mon aura. De la laisser aller. De la faire briller hors de mon corps. Alors je l’écoute. Je le fais. Le lac se met à s’illuminer, à s’instiller de milliers de couleurs. Une voix que je ne connais pas s’immisce alors dans mes oreilles. Tel un chuchotement. « Anna. Enfin. » Qu’est-ce que cela signifie ? Je lance un regard de détresse vers Gabriel, lui me sourit, me rassure. Cette voix reprend le dessus sur tout. « Tu veux des réponses, je le sais. Alors en voilà. » Je suis prise de légers tremblements, mes doigts tiennent fermement la main de mon ange. Je ne le lâcherais pas.

« Anna. Un ange peu importe son âge aura toujours besoin de sa moitié. Sa moitié est la face cachée de son âme. La partie qui fait de cet ange un être à part entière. Un être plein de sentiments et d’émotions. Une moitié est l’âme sœur. L’âme-sœur d’un ange. Il arrive que certain ange comme Gabriel mettent des années, voire des siècles à trouver sa moitié.

Un détail que tu ne dois effectivement pas encore connaître. Les anges s’arrêtent de vieillir dans le cours de leur vingt-cinquième année. Ils ne sont pas pour autant invincibles. Non. Sinon, ils seraient tous présents aujourd’hui. Tes anges gardiens y compris. Cela signifie seulement que l’organisme des anges, ou plutôt leur vieillissement est plus lent que celui des hommes.

Seulement, Anna. Tu fais partie d’une nouvelle génération d’ange. Alors tu auras besoin de retrouver tes ailes pour battre tes démons. Ta moitié d’aidera. Il a souffert de ne pas te trouver, d’avoir été obligé de t’abandonner. La Légion à ses bons et ses mauvais côtés. Tu dois retenir une dernière chose. Juste une dernière, Anna.

La vie n’est ni grise, ni terne. Elle est composée d’une infinité de nuances colorées. Alors garde espoir. Garde espoir. Ton frère sera toujours présent pour toi. Même si aujourd’hui tu en doutes. Sache qu’il y a une raison. Il faut juste que tu essaie de comprendre. Cherche la vérité. Car toi comme tout autre a le droit à cette vérité.

Maintenant, pars. Retourne auprès de ta moitié. Personne ne reste, ne m’entends parler si longtemps. Ta moitié s’inquiète pour toi. Je te l’ai dit. La bon n’est jamais sans le mauvais. Tu dois remonter. Sortir de mes eaux. Et accomplir le destin qui t’attend. Va, Princesse d’une nouvelle ère. »

La voix disparaît. Elle ne m’adresse plus la parole. Je suis prise d’une forte toux, je sens quelqu’un me porter au bord de l’eau. J’avais pourtant pieds, non? Je panique un peu. Comment ai-je pu ne me rendre compte de rien? Une fois de plus. J’ouvre les yeux. D’ailleurs, depuis quand sont-ils fermés? Je ne sais pas, ne sais plus. La première chose que je vois en les ouvrant c’est Gabriel. Mon Gabriel. Mon ange. Ma moitié. Oui, ma moitié. Celui qui m’a cherché pendant des années. Je comprends à présent ce que représente ce lien. Le lien de deux moitiés.

— J’ai eu si peur. Tu ne remontais pas à la surface…

— Je suis désolée. Il me fallait beaucoup de réponses.

— Anna! Ne me refais pas une chose pareille. Sinon j’enfreins la règle et je te sors de ces eaux de malheurs. Je ne t’ai pas retrouvé pour te perdre.

— Je vais bien. En revanche, j’ai faim! Nous pouvons retourner avec les autres? Je crois que j’ai eu assez d’informations pour aujourd’hui.

— Oui. On peut.

— Et puis, nous ferons moitié-moitié!

Je le regarde avec un grand sourire. Oui, j’ai osé. Je vois apparaître son sourire, n’y résiste pas. Il est ma moitié. Alors je me rapproche le plus possible et pose mes lèvres sur les siennes. Il est surpris mais reprend vite contenance. Il me rend mon baiser avec ardeur. J'aime sa douceur et la puissance de son baiser. Je me laisse aller contre lui. Je ne pense plus à rien d'autre que lui.