Fyctia
Chapitre 6 pt.2
Cette fois-ci, c'est à moi de froncer les sourcils et de répondre plus durement que je ne l'aurai voulu.
- Ils sont tout ce qu'il y a de plus ordinaires Jenny, ils sont des êtres humains comme nous.
Jenny me dévisage et reste pensive un court instant.
- C'est vrai, mais on ne peut pas non plus faire comme s'ils étaient exactement comme nous. Ils ont quelques billets en plus dans leurs comptes en banque grâce à papa et maman et leurs noms sont affichés en première page des magazines peoples. elle contre-attaque en haussant les épaules.
- Ce n'est pas parce qu'ils font la une des magazines et qu'ils ont de l'argent qu'ils n'ont pas les pieds sur terre. Valentin s'est toujours battu pour se faire son propre nom dans le monde des affaires et sortir de l'ombre de son père qui est un vrai tortionnaire en plus.
Je réalise seulement en voyant le visage de Jenny passer de l'incompréhension à la surprise ce que je viens de dire. Putain, mais pourquoi a t'il fallu que je prenne sa défense ?!
- Tu le connais ! elle s'exclame en pointant un doigt accusateur vers moi.
- Qui ça ? je demande feignant de n'avoir pas compris de qui elle parle.
Je lève le bras pour héler la serveuse et lui fait signe que l'on voudrait l'addition quand Jenny s'écrie en face de moi :
- Mais Valentin ! Tu le connais hein avoue ?
- Bien sûr que je le connais Jenny, j'organise son mariage, je te rappelle. je soupire en continuant de faire l'idiote.
- Non, non, tu ne m'auras pas comme ça Hannah. Tu le connais d'avant sinon pourquoi tu aurais dit "toujours" et comment tu saurais que son père est un tortionnaire ?
Merde comment je vais me sortir de là maintenant ? C'est pas possible, je vais vraiment devoir apprendre à me taire ! Parfois, je me donnerai bien une ou deux claques histoires de me remettre le cerveau à l'endroit.
- Je l'ai lu dans un magazine ou dans une de ses interviews à la télé, je ne sais plus. j'invente.
Nouveau froncement de sourcils de la part de Jenny qui ne paraît pas gober une seule seconde mon mensonge.
- Tu es en train de me dire qu'il a traité son père de tortionnaire devant des journalistes ? Ça me parait peu probable, il doit faire attention à tout ce qu'il dit plutôt non ?
- Non, il est plutôt disons très spontané. j'essaye de riposter sans trop en dévoiler ou me griller.
- Tu m'as l'air bien informé sur lui quand même. elle ajoute suspicieuse.
Que répondre à ça ? Évidemment que je suis bien informé sur lui, c'est mon premier amour, on est restés 3 ans ensemble et on était sur le point d'emménager ensemble avant qu'il ne laisse tout tomber et qu'il ne me jette sans explication. Heureusement que je le connais à peu près ou en tout cas, je pensai le connaître.
- Je les ai déjà vus plusieurs fois et on parle ensemble donc forcément, je suis un minimum informé et oui je suis aussi allé me renseigner un peu pour savoir à qui j'avais affaire. Tu l'as dit toi-même, on ne croise pas des personnalités tous les jours. je continue d'inventer en espérant qu'elle me croit.
Elle hoche lentement la tête, mais ne parait toujours pas complètement convaincue. Heureusement, la serveuse arrive avec l'addition et me sauve la mise. Comme Jenny m'invite je laisse quand même un pourboire à la serveuse pour la remercier d'avoir sauvé mes fesses même si ça, elle ne le saura jamais.
Quand on sort du restaurant, j'ai l'impression de respirer de nouveau. Je prends conscience que ça fait un moment que je devais être tendu parce que mes muscles se relâchent. Heureusement, Jenny a décidé de ne pas plus s'attarder sur le sujet Valentin et on recommence à rigoler dans les transports. L'atmosphère redevient légère et ma bonne humeur revient. Je n'aurai pas pu rêver mieux.
De retour au bureau, je me plonge dans le travail jusqu'à 14 heures puisqu'avec ses retrouvailles inattendues, j'avoue m'être un peu laisser allée mais c'est fini. Il faut que je prenne ma vie en main et que j'avance quoi qu'il m'en coûte. Plus le temps passe et plus j'ai la boule au ventre à l'idée de me retrouver seule face à face avec Valentin.
Je fais de mon mieux pour l'ignorer, mais c'est dur, je ne peux le nier et d'ailleurs quand Émilie m'appelle à 14 heures pour m'annoncer l'arrivée de Julia et Valentin, je ne saurai dire si cela me soulage ou m'enfonce un peu plus. Lorsque j'entends toquer à ma porte un peu plus tard, je me lève pour les faire entrer et plaque un sourire sur mon visage que j'espère accueillant et enjoué.
- Bonjour, entrez je vous en prie. je propose en m'écartant pour les laisser passer.
Julia entre la première en me rendant mon sourire, mais je remarque que Valentin ne passe toujours pas devant moi. Lorsque je me tourne vers lui, mes yeux sont immédiatement happés par les siens. Toujours aussi familier, si profond, si envoûtant, mais plus sombre qu'avant. Il me détaille des pieds à la tête et j'en veux à mon corps d'être à cet instant encore plus attiré par lui qu'il y a cinq ans. Je meurs d'envie de me jeter contre lui et d'enfouir mon visage dans son cou pour respirer son odeur si particulière qui n'appartient qu'à lui et qui lui va si bien. Un parfum avec autant de caractère que lui à la fois boisé et épicé avec cette petite touche de cannelle qui me fait vibrer.
Mais à la place, je ne bouge pas, mes pieds restes bien ancrés au sol alors que les regrets me submergent. Je ne suis plus la fille qui a le droit de faire tout ça. Le prendre dans mes bras, l'embrasser, celle qui le faisait rire en faisant n'importe quoi, celle qui lui préparait son petit-déjeuner ou simplement celle qui se baladait à son bras. Je ne suis plus cette fille et ne le serai plus jamais. Mes yeux quittent les siens et je le détaille à mon tour. Il est habillé tout en noir ce qui ne fait que me rappeler la couleur de ses yeux. Ses mêmes yeux dans lesquels je pouvais tout deviner, chacune de ses émotions ou pensées. Mais pareil, tout ça, c'était avant maintenant cet homme est devenu un étranger pour moi. Et d'ailleurs, je le vérifie lorsque je plonge à nouveau mes yeux dans les siens et que je n'arrive pas à le déchiffrer.
Mais soudain, une étincelle, si furtive que je pense l'avoir rêvé, traverse son regard lorsqu'il passe devant moi pour entrer dans mon bureau à son tour. Son parfum me parvient et je ne peux me retenir de le respirer à pleins poumons. Ça fait mal et je prends un instant pour serrer très fort mes paupières. Comme si avec ce simple geste lorsque je rouvrirai les yeux tout serait revenu à la normale, Valentin serait toujours avec moi et Julia ne serait pas dans mon bureau parce que je n'aurai jamais croisé sa route.
Je rouvre les yeux et referme la porte avant de faire face aux futurs mariés. Valentin est au milieu de mon bureau et me dévisage toujours, il essaye sûrement de savoir si j'ai bien reçu son mot. Il le saura bien assez vite lorsque je lui en parlerai directement. Je passe devant lui en essayant de ne pas avoir l'air de vouloir aller me cacher derrière ma chaise.
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