Fyctia
Chapitre 07
Sydney m’observait sans dire un mot. Elle ne m’avait pas arrêté une seule fois au cours de mon récit, et je voyais bien que malgré son air impassible et rassurant, une pointe d’inquiétude avait germée au fond de ses yeux.
– Eh bien… Ça fait beaucoup d’infos d’un seul coup, lança-t-elle pour elle-même dans un léger rire qui avait sans doute pour but de réchauffer l’atmosphère.
Je me demandais ce qu’elle pouvait en penser. Me croyait-elle folle ? Bien que j’étais persuadée qu’elle ne pourrait jamais me tourner le dos, que notre amitié était aussi solide que la roche, pouvait-elle prendre la fuite de peur d’être impliquée dans des choses qui surpasseraient la limite de ses croyances ?
– Tu penses que je suis folle ? me risquais-je à demander.
Elle secoua directement la tête de gauche à droite.
– Pas du tout ! s’exclama-t-elle. Mais je pense quand même qu’il y a quelque chose de sacrément malsain enfoui dans ton esprit. Je le vois comme ça : quelque chose essaie de te faire du mal, mais ton corps, ton subconscient essaie d’y résister comme il le peut.
J'acquiesçais en l’écoutant parler, ne perdant aucune miette de ses hypothèses.
– Ton rêve me semblait être lucide. Je sais que beaucoup de monde essaient de travailler sur leur sommeil pour entrer en phase dite lucide, mais c’est vraiment dangereux. C’est comme ça que tu peux laisser entrer des choses qui ne sont pas censées être là, m'expliqua-t-elle en mimant ses paroles de ses grandes mains basanées ornées de bijoux dorés.
J’haussais un sourcil, très peu sûre de comprendre ce à quoi elle faisait allusion.
– Comment ça ?
– Le rêve lucide laisse une porte ouverte entre le réel et le spirituel, parce que tu es à la fois consciente et endormie. C’est comme ça que ces entitées que tu as vu ont pu se faufiler jusqu’à toi. Elles savent qu’elles ne peuvent pas interférer avec le monde physique pour des raisons plus que logiques, elles n’ont pas de forme charnelle. Alors elles trouvent un moyen de s’en rapprocher le plus : par le biais de ce qui sépare l’inconscient de la conscience.
Plus j’y pensais, et plus ce qu’elle disait faisait sens.
– Je te préviens tout de suite, je suis sûre que tu n’es pas hantée par le diable, alors retire toi ça de la tête ! me lança-t-elle en me frappant doucement l’épaule.
Et ce n’était pas grand chose, juste une simple phrase. Un simple geste.
Mais c’était ce qui arrivait à calmer la douleur qui sévissait dans mes tempes, annonçant la venue d’un début de mal de tête particulièrement amer.
Mon rire suivit le sien.
Sydney était le rayon de soleil dont j’avais éperdument besoin pour ne pas sombrer dans toutes ces histoires de cauchemars et de diable tentateur.
Elle était la pseudo sorcière qui embelissait ma vie de joie et de bonheur.
Celle à qui je pouvais confier ce qui me brûlait les pensées.
J’étais très heureuse de l’avoir à mes côtés, et même si je ne m’en rendais pas souvent compte, Sydney était l’un des piliers centraux qui m’aidait à marcher sans tituber sur la ligne droite de la vie tracée à la craie.
Elle reprit son sérieux, puis reprit également la parole.
– Tu devrais avoir de l’eau de lune à disposition, et peut-être un attrape-rêve ! Ça pourrait vraiment te servir, qui sait ?
L’eau de lune, c’était simplement être à disposition d’une bouteille d’eau simple laissée toute une nuit sous les rayons de la pleine lune. Et l’attrape-rêve… comme son nom l’indiquait, il attrapait les rêves, mais seulement les mauvais.
Un attrape cauchemars, du coup ?
Je hochais la tête après chacune de ses phrases, n’en perdant aucune miette.
De l’eau de lune ainsi qu’un attrape-rêve…
– Bon ! Maintenant qu’on a éclairci tous ces mystères, je propose qu’on termine la soirée sur une note d’Harry Potter ! lança-t-elle en se dirigeant vers la grande télévision, attrapa la télécommande et l’alluma.
Je riais légèrement.
Je la connaissais bien là, elle était incontestablement la plus grande fan d’Harry Potter, de cet univers magique, du château aux escaliers tournants, d’Harry mais surtout de Ron.
Elle les avait déjà tous regardés trois fois, et seulement avec moi ! Qui sait combien de fois elle les avait déjà regardés en étant seule.
Et pour une raison que j’ignorais, elle ne s’en laissait absolument jamais.
Lorsque le film commença, elle éteignit la lumière et vint se blottir à mes côtés, côté gauche du lit, collée au mur. Elle sortit de son sac un paquet chocolats Schoko Bons – alors qu’on venait à peine de terminer de manger la pizza – et me le tendit après qu’elle ait pioché un petit oeuf enfermé dans du papier blanc teinté de rouge.
Elle ne parlait plus, aspirée par la magie du film, du garçon à lunettes claustré dans un placard sous les escaliers et de lettres magiques qui noyaient la maison.
Lorsque je la voyais comme ça, aussi émerveillée, je me demandais comment elle pouvait garder une certaine innocence face à toutes les sombres facettes de la vie dont elle avait connaissance, face à toutes que l’univers amenait avec lui mais ne récupérait jamais, et du hibou qui hululait sur l'arbre en face du balcon.
Elle gardait toujours un calme imparable que j’enviais en secret.
Et puis, elle avait cette force mentale qui m’aidait toujours à aller de l’avant, à aller toujours plus loins et à marcher à ses côtés, c’était une force qui ne me laissais jamais seule et qui, spirituellement, m’accompagnait sur l’étrange chemin que j’avais emprunté.
Lorsque mes yeux croisèrent son reflet dans le miroir au fond de la chambre, je me sentais soudainement bénie des dieux d’avoir à mes côtés une personne aussi douce et aimante.
Je la remerciais intérieurement pour tout ce qu’elle faisait pour moi, elle était mon ancre bénie des dieux, et je m’y accrochais comme les anneaux qui tournaient autour de Saturne : elle était l’anneau qui m’empêchait d’exploser.
1 commentaire
Jessica Goudy
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Il y a un an