Fyctia

Je détourne le regard. Je ne parle jamais de mes cauchemars. Je ne suis pas à l’aise pour parler de ce rêve, où il a pris la place de mon frère, ce que je me garde de lui dire. Je prends une grande respiration et je me concentre dessus quand je relève la tête.

— Je suis désolée… commencé-je

— Non, surtout pas! Tu n’as pas à t’excuser Ana, tu vis une tornade émotionnelle en ce moment avec le deuil que tu dois surmonter, c’était l’anniversaire de sa mort, putain! C'est normal que tu ais voulu penser à autre chose.

Il est tellement compréhensif!

Il pense que je m’excuse d’avoir été malade avec l’alcool, mais moi je pensais surtout au fait d’avoir voulu l’embrasser.

— Je dois aussi me faire pardonner pour ça c’est vrai, mais en fait je m’excusais pour le fait de t’avoir sauté dessus, avoué-je penaude.

— Ne t’excuse pas pour ça non plus, jamais! Il s’exclame avec un sourire naissant sur ses lèvres, même s’il m’a fallu faire preuve d’une volonté exceptionnelle pour résister tellement j’en avais envie aussi.

— Alors pourquoi tu t’es retenu?

Je suis réellement curieuse de connaître sa réponse, oui j’étais ivre, mais j’étais tout à fait consciente de mes actes et j’en avais vraiment envie. Je suis certaine que mon désir n'a rien à voir avec ma consommation d'alcool. Elle est bien réelle et elle est surtout impossible à ignorer.

Tu en as encore envie! me fait remarquer ma conscience qui n’a pas tort.

— Parce que tu étais ivre et plus vraiment maître de toi-même. Quel homme je serais si je profitais de toi ainsi? C’est vrai, qu’il y a encore quelques mois, l’ancien Stanley, ne se serait pas posé mille questions face à tes avances.

Il s'arrête un instant, comme pour se concentrer et ordonner les mots qu'il souhaite divulguer.

— J’aurai été incapable de rester si près de toi, sans te toucher. Je t’aurai baiser jusqu’à ne plus pouvoir bouger, déclare t-il crûment pour que je comprenne le personnage qu'il était avant son accident.

Je manque de lui cracher l’eau à la figure dans un toussotement désagréable. Il me laisse quelques secondes pour encaisser ses propos et reprend avec sérieux tout en me dévorant de ses yeux verts.

— Si je dois te faire l'amour c'est parce que tu me l'aura demandé Ana, finit-il d'une voix cruellement sensuelle qui suffirait presque, à elle seule, à me faire me consumer sur place. Une sensation de chaleur se répand dans tout mon bas ventre traduisant l'excitation qi envahit mon corps.

Il accompagne sa déclaration d’un regard intense que je soutiens par défi. Et pourtant, c'est difficile, et il doit le ressentir au feu sur mes joues que je peux sentir et à la dilatation de mes pupilles qui doivent se remarquer.

J’apprécie son honnêteté et le respect qu’il me porte.

J’ai déjà eu l’occasion de passer la nuit avec un homme après avoir un peu trop bu, et ce dernier n’a pas été dérangé du moins du monde, par mon alcoolémie élevée. Je répondais positivement à ses avances, donc il ne s’était pas posé plus de questions que ça!

J’ai du mal à imaginer qu’il était comme il se décrit. Je le vois comme un homme respectueux des femmes, attentionné et doux. C’est terriblement attirant!

Alors pourquoi tu bloques?

Je n’ai pas le loisir d’y songer plus en détails car le téléphone de Stanley émet une sonnerie signalant l’arrivée d’un message et lui fait baisser les yeux.

— C’est Paul, m'informe t-il en riant, il se demande pourquoi mon lit est vide.

— Vas-y, retourne à la fête, dis-je en tentant de garder un air neutre.

— Tu es sûre que ça va toi?

— Oui, t’inquiètes pas, tout alcool a quitté mon corps, lui fais-je remarquer avec un geste vers ma salle de bain tout en souriant pour le rassurer sur mon état.

Je n’ai pas envie qu’il parte mais en même temps, je dois le laisser partir rejoindre ses amis. Je ne peux pas être égoïste et lui demander de rester. Je ne suis qu’une simple collègue. Bon, on peut dire que nous commençons à être amis, mais l’attirance qui crépite entre nous est difficile à ignorer.

Il se redresse, se dandine d’un pied à l’autre hésitant.

— Ok, si tu as besoin tu m’appelles d’accord, exige t-il, en mettant ses chaussures.

Je hoche la tête en guise de réponse. Ne sachant pas quoi dire.

Dis lui que tu veux qu’il reste et que tu veux qu'il te fasse l'amour!

Il contourne le plan de travail qui nous sépare, s’avance vers moi d’un pas lent tout en me fixant de ses prunelles vertes. Je suis incapable de bouger, comme figée par un lien invisible qu’il est le seul à pouvoir rompre. Il prend mes mains dans les siennes dans un geste incroyablement envoûtant.

— Promets moi de m'appeler quand ça n’ira pas!

— Je te promets, répondis-je dans un souffle, mes lèvres se séparant à peine les unes des autres.

J’apprécie le fait qu’il n’utilise pas le conditionnel et qu’il soit conscient que, oui, j’aurai encore des moments de profonde tristesse.

Il approche son visage du mien, je peux sentir son souffle sur ma joue. Il m’embrasse sur le coin de la bouche pendant ce qui me semble durer une éternité. Je ferme les yeux pour mieux apprécier ce contact. Quand je les rouvre, les siens sont brûlant, incandescent.

Sans réfléchir, je tourne suffisamment la tête pour que nos bouches se touchent.

Je goûte à ses lèvres. Il goûte aux miennes. Notre baiser est timide, hésitant comme retenu. Nous savons l’un comme l’autre que si nous approfondissons, il sera d’autant plus difficile de s’arrêter. Je recule doucement et inspire lourdement les paupières toujours closes.

Mais, non, fais pas ça!

— Je n’peux pas, j’suis dés…

— Chut! Il pose son index délicatement sur ma bouche pour me faire taire. Pas d’excuses pour ça, on a dit! Au revoir Anabeth.

D’un geste infiniment tendre, il s’empare de mon visage, embrasse mon front et s’en va, me laissant seule dans ce silence assourdissant. Seule avec ma frustration pour seule compagnie.

Contrariée et éprouvée par ce tourbillon émotionnel, je retourne me coucher espérant trouver un sommeil réparateur.