Nesrine Ammari Les Trônes Trahis CHAPITRE 18 : Emrys.

CHAPITRE 18 : Emrys.

Tous les sens en alerte, je bondis sur mes pieds. Près de moi, Callie retenait son souffle. À mon grand étonnement, sa demoiselle de compagnie nous rejoignit en un clin d’œil. Je l’avais à peine vue bouger. Elle se déplaçait avec une telle agilité que sa robe volumineuse m’évoquait un tourbillon bleu. Un nouveau hurlement retentit, et j’identifiai une voix féminine.


— Mademoiselle Pyrrha, je dois vous mettre à l’abri, lança Yeorgia d’un air pressant.


— Excellente idée ! approuvai-je, l’épée au poing. Vous devez retourner à l’intérieur.


Je tendis l’oreille puis m’élançai en direction de la source des cris. Ils provenaient de la cour d’entrée du palais. Quoi qu’il arrive, on y trouvait toujours des gardes en faction. Que se passait-il, bon sang de bois ? Je courus à en perdre haleine entre les arbustes et les sculptures d’animaux marins. J’empruntai un raccourci derrière une fontaine. Le son de l’eau ruisselante rappelait celui du sang qui fouettait mes veines.


Les semelles de mes chaussures crissèrent contre le gravier de la cour. Je levai mon arme et avançai lentement dans l’obscurité. Je pouvais entendre une femme pleurer. La respiration lourde, je captai une forme blanchâtre à quelques mètres de la herse. C’était la robe d’une débutante. Un sentiment d’horreur me traversa l’échine.


— Mademoiselle ? l’appelai-je. Êtes-vous blessée ?


J’approchai d’elle en limitant les gestes brusques. J’avais encore du mal à distinguer ce qui se passait. Lorsque mes yeux s’habituèrent à la pénombre, je compris que la jeune fille était accroupie près d’un corps. Je poussai un juron dans ma barbe. Allongé au sol, un homme pressait les deux mains contre sa poitrine ensanglantée. Ses bras remuaient avec faiblesse. Il n’en avait plus pour longtemps. Je laissai échapper une exclamation rageuse en le reconnaissant. Le mourant n’était autre que le médecin royal. Je me précipitai sur lui.


— Theos, qui vous a fait cela ? m’écriai-je en tombant à genoux dans la poussière.


Une mare de sang entourait le blessé. Je posai le regard sur la débutante qui continuait de se lamenter. Ses gants étaient en lambeaux, et des éclats de bois reposaient dans sa paume. Avec une grimace épouvantée, je réalisai que la pointe de la flèche était bien plantée dans le torse de Theos.


— C’est trop tard, sire, articula-t-il d’une voix étranglée.


— J’ai voulu retirer la flèche mais cela a empiré les choses, se justifia l’adolescente.


Son chignon était complètement défait. Une pellicule de sueur collait ses cheveux roux à son front. Elle paraissait au bord de la crise de nerfs. Je n’allais pas tarder à me retrouver dans un état similaire.


— Vous ne pouvez pas mourir, suppliai-je le médecin. Vous devez d’abord réveiller mon père. Accrochez-vous…


Ma voix se brisa à la fin. J’essuyai du poing une larme qui avait échappé à ma surveillance. Le teint cendré du médecin empirait de minute en minute. Ses rares cheveux gris étaient plaqués contre son crâne. Sa respiration se faisait laborieuse. Un profond désespoir m’électrisa le cerveau.


— Vous aviez promis de trouver un moyen ! m’emportai-je. Vous et vos confrères m’avez fait tourner en bourrique pendant deux ans, espère d’incapable !


Il fut pris d’une quinte de toux, et un sang écarlate jaillit de sa bouche. Theos leva une main tremblante pour m’empoigner par le col. Je me laissai faire en le sentant dépenser ses dernières forces pour m’attirer à lui. Ses lèvres s’arrêtèrent à quelques centimètres de mon oreille :


— Gregoria, murmura-t-il. Gregoria est la clé.


— Quoi ? bafouillai-je. Quel est le rapport avec ma mère ?


La pression sur mon col se relâcha. Son bras retomba mollement contre son flanc. Les yeux révulsés, le médecin royal poussa un dernier râle. Je restai tétanisé pendant une minute entière. Si j’avais déjà vu des dizaines de cadavre, celui-ci me glaçait les sangs. Cet homme était parti enquêter sur le mal du roi Damian, mais sa mystérieuse piste lui avait coûté la vie. Une fois remis du choc, j’abaissai ses paupières du bout des doigts.


— Votre Majesté, couina la débutante, je vous jure que je n’y suis pour rien. Je l’ai trouvé agonisant avec une flèche en travers du corps.


— Taisez-vous, l’interrompis-je en fermant les yeux. Quel est votre nom ?


— Sybille Dubanes, sire.


Les commissures de mes lèvres se tordirent. Quelle ironie. Le seul témoin de cette macabre scène n’était autre que la fille du baron Dubanes. Ce dernier détenait la palme du noble le plus excentrique de Catarrias. Il passait peu de temps à la cour et n’avait jamais prétendu à un siège au conseil. On le disait toujours plongé dans des volumes au contenu obscur. La rumeur lui prêtait une fascination pour tout ce qui concernait Cidia. Une affaire mêlant son enfant à un meurtre pouvait lui coûter son titre.


— Savez-vous qui a tiré cette flèche, mademoiselle Dubanes ? demandai-je d’une voix douce mais ferme. Auriez-vous un individu rôder dans les parages ? Quelque chose qui sortait de l’ordinaire ?


— Non, assura-t-elle en secouant la tête. La cour était déserte lorsque je suis arrivée. Je présume que l’assassin a eu le temps de s’enfuir.


— Que faisiez-vous ici ? ajoutai-je. Vous devriez être dans la salle de bal.


Sybille retira ses gants sales et les tordit entre ses doigts. Ses lèvres blêmes s’agitèrent sans produire le moindre son. Elle ne parvenait pas à soutenir mon regard. Soudain, une voix familière me héla. Eberlué, je me retournai pour voir Callie accourir vers nous. Les yeux écarquillés, elle s’arrêta à bonne distance du cadavre. Je me relevai en la fusillant du regard.


— Je vous avais dit de vous mettre en sécurité, grognai-je. C’était un ordre de votre roi.


— J’ai pensé que vous pourriez avoir besoin d’aide, riposta-t-elle d’un ton essoufflé. Apparemment, j’avais raison.


Quelques pas derrière Callie, Yeorgia semblait aussi irritée que moi. Elle dévisageait son amie avec intensité, comme si elle désirait accéder à ses pensées. Je réprimai un soupir las et m’intéressai de nouveau à Sybille. Le pas titubant, la fille du baron s’éloigna du corps inanimé. Je la rattrapai de justesse lorsque ses jambes se dérobèrent sous son poids. Elle tremblait si fort que ses dents s’entrechoquaient.


— Je suis innocente, répétait-elle d’une voix faible. Je n’ai rien à voir là-dedans.


Au loin, j’aperçus un groupe de gardes émerger du palais pour venir me rejoindre. Je me décidai en une fraction de seconde.


— Occupez-vous de cette jeune fille, glissai-je à Callie. Emmenez-la loin des regards indiscrets.












Message final de Nesrine Ammari

Les Trônes Trahis est disponible dans toutes les (bonnes) librairies, en broché aux éditions Hugo Stardust, en livre audio et prochainement en format poche <3

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18

18 commentaires

EL Shepard

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Il y a 5 mois

félicitations pour ta publication ^^ après avoir lu ton texte je vais me renseigner sur le roman ;)

Jolie Ruwen

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Il y a 2 ans

Quand sortira la suite? Pas obligée de répondre, c'est juste au cas où, pour avoir une idée...

Nesrine Ammari

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Il y a 2 ans

Coucou ! La suite ne sortira pas sur Fyctia, puisque le roman est sous contrat d'édition. L'histoire sera disponible à l'achat en version papier en octobre 2023. Tu peux me suivre sur Insta pour avoir la date de sortie officielle ^^

Jolie Ruwen

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Il y a 2 ans

A! C'est trop bien ! On dirait un livre avec un prix et tout et tout tellement c'est bien ! Vous êtes une autrice connue ? Parce que c'est vraiment incroyable ! Je l'ai dévoré (le livre ) en moins de deux heures !

Nesrine Ammari

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Il y a 2 ans

Hello ! Merci pour ton enthousiasme haha. Le roman sortira en librairie au mois d'octobre, et c'est le premier que je publie du coup ^^

Emma_et_Lou

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Il y a 2 ans

Heureusement que j'arrive après le concours... Et que je sais que la suite sortira en librairie ! xD Hâte de lire la suite ! L'intrigue, ta plume... Tout est minutieusement travaillé. Félicitations ! ^^

Nesrine Ammari

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Il y a 2 ans

Merci pour ton retour Emma ! J'ai hâte que tu puisses découvrir le roman entier ♡

Fmusset4

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Il y a 2 ans

Super Histoire, n'hésitez pas à faire un tour sur mon profil

Anne-Estelle

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Il y a 2 ans

Quelle fin ! Quel rebondissement. Merci de nous avoir tenus en haleine jusque là. Et bonne dernière ligne droite pour le concours. On a plus de questions que de réponses, mais Callie et emrys se rapprochent, se dévoilent, millimètre par millimètre. Ils vont bien finir par s'entraider, se considérer autrement qu'en ennemis. Merci pour cette histoire qui va rester un moment dans ma tête, et dont j'espère un jour lire la fin 💛

Nesrine Ammari

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Il y a 2 ans

Merci à toi pour tous tes beaux commentaires ❤ j'ai adoré t'avoir comme lectrice !
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