Fyctia

- T’es pas sérieux, souffle Lisandre. C’est un pas vers l’enfer dans ce que tu t’engages là.

Adrian et James ont sorti le pop-corn. Lisandre reste à l'affût si Auden commence à prendre les mains. Ils doivent avoir peur qu’on leur prenne leur petite sœur et qu’on l’emmène loin.

- D’accord, tu feras partie de la famille si tout se passe bien. Peut-être même l’entremetteur entre nous et les journalistes et je répondrais à toutes tes questions.

- Et si tout se passe mal ? sourié-je amusé.

- Je m’assurerais que vous ne vous approcherez plus jamais tous les deux.

Est-il vraiment capable de faire ça ? Pour le bien de sa sœur, il est prêt à tout. L’histoire d’il y a cinq ans est le seul moyen pour que Rachel puisse avancer. Puis, le directeur est bien au courant de pourquoi les professeurs ont l’interdiction de la mettre avec un garçon pour les projets à deux. Sauf qu’il peut tout aussi bien dire qu’elle a un suivi avec un psychiatre. Donc, secret médical.

- Très bien. Marché conclu ? dis-je en tendant ma main vers lui.

Il serre ma main en signe de réponse.Son regard peut me tirer plusieurs balles dans la tête. Auden Walker se rassoit et commence à manger. La dernière clope que j’ai fumé est de hier soir. Le matin même, le stress et mon retard m’ont fait oublier cette petite détente. Le repas se transforme en une nourriture fade. Le moindre geste et j’ai l’impression que je vais vomir. Ils ont pourtant mis leur cœur dans ce dîner. Je vais tout gâcher.

Doucement, une main se pose sur ma cuisse. Je suis surpris qu’on puisse me toucher alors qu’elle sait très bien que ses frères ne veulent pas de nouveaux membres dans la famille avant un bon moment. De simples petites caresses commencent à m’apaiser. Je la regarde discrètement et elle continue de manger un tout petit peu avant de se lever.

- Je vais emmener Lincoln sur la terrasse, interrompe Rachel en prenant ma main.

- Nous avons à peine commencé à manger, se plaint son grand frère aîné. Vous ne pouvez pas attendre la fin du repas ?

- Non, insiste-t-elle. J’ai besoin de prendre de l’air frais avec lui.

- Si dans quinze minutes vous n’êtes pas de retour, souffle-t-il, ça va mal barder pour vous deux.

- Merci Auden.

Rachel ne me lâche pas la main et nous avançons sous le regard méprisant envers moi et protecteur pour sa petite sœur. Je vais avoir du mal à le faire changer d’avis. Nous arrivons devant une porte blindée de serrure et d’un code électronique.

- Vous vous faites souvent cambrioler ? me renseigné-je après que nous avons passé cette sécurité.

- Il nous est arrivé une personne qui marchait depuis les toits pour rejoindre un groupe de jeunes en train de faire une fête dans un autre immeuble pas loin. J’étais toute seule à ce moment-là et James dans le salon. Ce gars a essayé de me draguer et de me suivre jusqu’à l’intérieur et dès qu’il a vu mon frère, il a vite repris sa route. Depuis, il y a des caméras et une sécurité pour éviter que ça recommence.

- Comment est-ce que vous faites lorsqu’il y a une coupure de courant ?

- Il y a un générateur d’électricité de secours qui a été ajouté au soins des finances par mes frères.

Ma main commence à trembler et nous arrivons dehors sur le toit. Enfin presque. Une serre nous empêche de profiter de l’air frais. Rachel ouvre une fenêtre impossible à atteindre sauf si on prend une échelle. L’air s’infiltre et les plantes autour de nous, nous chantent une mélodie apaisante. On s’assoit sur la baquet avec une vue sur les autres toits où certains font la fête.

- Tu es vraiment un malade d’avoir accepté ça ! s’écrit-elle une fois que nous sommes enfin seuls.

- Et c’est maintenant que tu me le dis ?

- Tu étais à deux doigts de t'évanouir.

- Comment est-ce que tu peux savoir ça ?

- Je reconnais une crise d’angoisse avant que ça puisse s’intensifier.

- Tu en as déjà eu ? demandé-je les sourcils froncés. Tu ne peux pas en avoir, tu es Rachel Walker la petite sœur des Rois de la mode.

- Je suis humaine Lincoln. J’en fais avant de défiler sur le tapis rouge ou avec la tenue spéciale que mes frères me font à chaque saison. C’est dur de rester sérieux alors qu’on marche avec le bouquet final.

- Je ne savais pas que tu faisais opérer le plus gros du défilé, soupiré-je.

- Même l’incident d’il y a cinq à débuté mes crises d’angoisses. J’ai dû rester plusieurs jours pour réussir à respirer convenablement.

Je ne réponds pas. Elle a dû beaucoup souffrir avant de pouvoir reprendre sa vie en main.

- Tu vois, sourie-t-elle. Ta crise est passée.

J’observe ma main qui ne tremble plus. Elle est ma guérison. Je veux vraiment connaître le cœur de toute cette histoire. Ses sourires sincères commencent à se montrer sur son visage.

- On va y retourner, se lève-t-elle en faisant craquer son corps. Ils doivent s’impatienter pour manger ce désert.

Je me lève et je passe devant Rachel qui ouvre la voix. Ce petit temps entre nous deux et un bien fou avant de continuer cette soirée. Ils avaient déjà débarrassé la table dès que nous sommes arrivés. Je présume que Rachel a dû envoyer un message pour prévenir que nous allions plutôt passer au fromage ou bien le désert directement.

James et Lisandre avait sorti un jeu sur la table. Le pouilleux. Un jeu auquel nous jouions au primaire.nous devons assembler chaque carte de la même couleur et le même chiffre. Enfin sauf le valet où il est tout seul. Je ne suis pas du genre perdant mais cette famille me teste dans la limite du raisonnable sur est-ce que je vais me faire avoir ou arriver à bien mentir. Nous ne sommes plus que deux. Auden et moi en face à face. Mon regard est perçant. J’ai fini par avoir le pouilleux. Il ne doit en aucun cas avoir la carte gagnante. Pour éviter la triche, ses frères et Rachel sont derrière lui. Je fais tout mon possible pour qu’il ne l’ai pas. Même moi je ne saurais dire. J’affiche les cartes face cachée devant moi dès que je me sens prêt. Il pioche et son visage se décompose.

- Tu as pris la mauvaise, se plaint Lisandre. Vous allez jamais finir ce jeu. Je veux ma part du gâteau.

- Je n’y peux rien, soupire Auden, il cache bien ses cartes.

-Montre lui que tu es le plus fort, encourage James.

Auden mélange très vite les cartes devant moi. Mes yeux n’arrivent pas à suivre. J’ai la tête qui tourne à force de regarder. Il s’arrête et met en face caché. Ma main se place sur l’une des deux et l’expression de Auden reste neutre. Le choix me revient tout seul. Le stress monte et j’en prend une.

La carte paire qui me restait à mettre avec le reste des cartes.

L'aînée de la fratrie Walker tombe des nues.

- Fin de la partie, ajouté-je en m’enfonçant sur ma chaise.

- Ce n’est pas vrai, râle Lisandre. Tu ne vas plus pouvoir en manger du gâteau si tu continues de jouer comme ça.

- Je pense plutôt que je vais rentrer chez moi, enchaîné-je après avoir vu l’heure. Je ne voudrais pas trop me coucher tard pour demain.

- Oh non, se plaint Auden. Nous ne faisions que commencer.