Fyctia
Question
Après la venue de Marie, je me sens mieux, allégée à cinquante pour cent. Elle a réussi, grâce à sa gentille proposition, à me délester d'un poids énorme.
Notre discussion m'a perturbée, laissée perplexe mais persuadée que mon état émotionnel a une origine plus grave. Elle est psy, je lui fais confiance.
Notre conversation fait naître en moi de nouvelles interrogations. Pourquoi ma grand-mère est un problème et un mystère pour moi. Pourquoi je n'ai aucun sentiment ni souvenirs positifs ?
Ce ne peut pas être juste une simple histoire de traditions, de confort et de façon de vivre différente. C'est ce que je croyais jusqu'à présent, et je m'en portais très bien. Mes certitudes s'envolent ce soir, comme un château de sable fragile balayé par la mer.
Vers 21 heures, je m'installe devant mon ordinateur, pour le test Skype, avec mes parents.
- Salut ma puce. Comment vas-tu ?
- Ca va Papa.
- J'aime beaucoup ce… Skip machin pour te voir.
- Pas skip mais SKYPE, Papa
- Oui, ben moi et l'anglais, on n'est pas copain. Dis donc, la tête que j'ai… Pop pop pop ! C'est la caméra ?
- Tu as des cernes papou et c'est pas ta caméra. Lui retorqué-je en riant.
- Que veux tu, je suis débordé. Avec mon vide grenier et mon vide garage, ça n'arrête pas. J'ai des visites toute la journée et le téléphone sonne tout le temps.
- Tant mieux ! Ça va vous renflouer un peu.
- Oui, je ne pensais pas avoir un tel succès ! J'ai bien vendu, tu sais. Ta mère râle car elle voulait garder et emmener toutes ses "antiquités". J'ai vendu un carton entier d'assiettes qui dataient, hou… De notre mariage, au moins. Du coup, elle me boude.
- Elle est chiante avec ses vieilleseries !
- Chut !
- Elle est où ?
- Elle finit de ranger sa cuisine. Elle s'en remettra. Au fait, elle a mis un carton de côté pour toi. Des affaires de toute sorte, quand tu étais petite. Tu le prendras et tu trieras.
- Ah bon. Bah, tu peux tout jeter, papou. Je ne veux pas m'encombrer. Les vieux objets poussiéreux ne m'intéressent pas. Je les aurais pris, sinon !
- Écoute, fais plaisir à ta mère. Tu y jetteras un œil quand même, dimanche.
Maman apparaît alors devant la caméra.
- Bonsoir ma chérie. Ce sont de belles affaires que j'ai garder précieusement. Je ne veux pas qu'un jour tu me demandes nostalgique : Maman, où est cette vieilleserie comme tu dis, que j'aimais tant petite, tu te rappelles, tu l'as gardé, j'espère ?
- OK ok m'man. T'as raison.
- Tu as une petite mine, ma fille. Tu travailles trop, toi !
- C'est pas le taf, non. Je ne suis pas très en forme, cette semaine.
Mon père fronce les sourcils.
- Arrête de ruminer et t'inquiéter pour nous, ma puce.
- Je ne peux pas contrôler mon esprit papa. Si j'étais zen, ce serait anormal, non ?
- Oui, mais tu es toujours dans l'excès avec nous. Tu nous SUR, SUR...AIME.
Je ris de bon cœur.
- N'importe quoi ! Tu as le chic et le mot pour rire, toi alors !
C'est au contraire vous qui m'avez SURprotégée !
D'ailleurs, tiens, j'ai une question à vous poser.
- Oh oh attention. On t'écoute, hein M'man ? Dit-il ironique en fixant sa femme.
Qu'est ce qui te tracasse, ma Lulu ?
Je ne me laisse pas attendrir.
- Je fais des rêves étranges. Des cauchemars.
- Ma pauvre chérie. C'est notre départ qui te cause tout ça ?
- Oui, sûrement, un peu. Mais selon Marie, ce ne sont pas des rêves anodins.
- Marie… Marie ? C'est à dire ?
- Oui, Marie, mon amie. Elle est venue tout à l'heure. Mes rêves sont liés à mémé Lucie et… Je me réveille avec des sueurs et des nausées.
- Merde. Il se prend un coup de coude dans les côtes.
Heu, mince. Tu rêves quoi, mon ange ?
- Bon, je vous passe "mémé en sorcière", "les araignées". Dans le dernier, j'étais sur une balançoire. Vraiment l'impression d'y être. J'étais très haut. Je me balançais si fort que j'ai fini par glisser et lâcher… je me suis réveillée à ce moment là et j'ai dû me lever pour vomir. Vous voyez le topo ?
C'est alors, que je perçois une indicible expression chez mes parents. Ils se regardent hébétés et leur visages inquiets m'indiquent clairement un grand embarras. J'ai déclenché et mis le doigt sur un hic.
- Les rêves sont farfelus, c'est bien connu surtout quand on est torturé, justement. M'explique mon père.
- C'est bizarre, oui ! N'en tiens pas compte. J'ai de l'homéopathie pour calmer le stress. Tu les prendras dimanche.
- Oui, cela calmera tes nuits, ma puce.
Ils sont malins tous les deux. Je poursuis car je suis sûre de les avoir déstabilisés et je veux découvrir la suite.
- Me cachez-vous quelque chose ?
- Que veux tu dire !?
Je tente le tout pour le tout.
- J'ai l' impression qu'il s'est passé un événement quand j'étais enfant que j'ai refoulé et que vous me cachez.
Ils se regardent encore plus hébétés, presque abasourdis, comme si je venais de leur annoncer sans préparation mes fiançailles.
- Depuis que j'ai parlé avec Marie, je pense que mon blocage avec mémé n'est pas normal.
Silence radio. Je viens de les achever.
- Je me trompe peut-être mais c'est à vous de me le dire.
La connexion choisit de faiblir à ce moment là et j'ai des loupés, des interruptions. Mes parents se parlent, mais je ne distingue que des bribes.
pas dû... demander ça... Pas prête... Mais le réseau se rétablit et je perçois nettement
On lui dit ou pas ?
- Papa, je suis revenue. Faut couper le micro, si tu ne veux pas que j'entende.
- Merde. Désolée chérie.
- Dites moi maintenant ! Hein ? Pas PRÊTE À QUOI ?
- Il s'est bien passé oui, oui, un évènement que… que tu as complètement oublié et…
- C'est pas vrai !? C'est pas possible ! Pas vous ? Un secret ? Mais c'est QUOI ?
- C'est pas exactement un secret, puce. On t'expliquera dimanche. S'il te plaît, pas derrière cette… cette caméra.
- Si DITES MOI !
- Tu es énervée bisous on t'aime chérie.
Et là, mon père coupe la communication. J'hallucine. Non non et non. Je veux savoir. Je les appelle à nouveau. Ils ne répondent plus. Ni par Skype ni par téléphone. Je suis dans une colère terrible. Je rage. Je serre les poings. Je tourne en rond comme une lionne. Mon cerveau bout à cent à l'heure. Je suis accablée, prise dans un vertige, un tourbillon de pensées. J'aime pas la campagne, suis pas nostalgique, les vieux en général et ma grand mère en particulier, je ne les aime pas non plus.
Et ce soir, c'est plus normal !
Je m'écroule sur mon lit, seul refuge possible à mes émotions, et je crie, tape dans mon oreiller de toutes mes forces.
Je vous HAIS je vous Déteste
puis les nerfs lâchent et j'éclate en sanglots. Je pleure longtemps. Je finis par me calmer, exténuée et m'endormir.
Je me lève dans la nuit. Je bois un verre d'eau fraîche et réfléchis. Étonnamment, je suis sereine. Je me suis vidée. J'ai l'impression qu'un truc s'est délié. Que le nœud bien serré qui m'étreint depuis dimanche se dénoue un peu. J'écris un sms à ma mère.
"Tu peux venir à la boutique demain comme prévu. Je ne te demanderai rien.
Bisous."
6 commentaires
marx15
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Il y a 3 ans
Birdie
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Il y a 3 ans
Charlie Rune
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Il y a 3 ans
Véronique Rivat
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Il y a 3 ans