Fyctia
Chapitre 12 — partie 5/5
Elle flâne un peu dans les rayons étroits, encombrés et sombres. La seule lumière du magasin de cent cinquante mètres carrés : un plafonnier à LED identique à celui d’Élodie. L’a-t-elle acheté ici ? Dans le panier en osier, sont jetés : galettes de riz, un pain de dentifrice à la menthe et du café en grain. Produits qui rapidement sont propulsés sur le tapis automatique et agonisant de la caisse.
— Avez-vous une carte de fidélité ?
— Au nom d’Élodie Wang.
Visiblement surprise, la dame s’incline respectueusement.
— Votre compte a atteint le plafond, acceptez-vous que j’utilise une partie pour régler votre note d’aujourd’hui ?
— Merci, volontiers. Au fait, vous savez pourquoi je reviens toujours chez vous ?
— Non, avoue l’employée.
— Parce que vous êtes la seule chaîne qui possède encore des humains, qui ne ment pas sur son nom. Vous êtes vraiment gentils.
— Merci, mon pèr… euh… mon patron sera ravi de l’entendre. Bonne journée.
— Bonne journée !
— Attendez ! Vous oubliez votre bagage !
La montre vibre dès qu’elle pose un pied sur le trottoir. « Nouveau message de Stéphane : »
Le sac en papier tombe au sol, l’employée du magasin accourt.
— Vous ne semblez vraiment pas bien. Désirez-vous que j’appelle un autodoc ? Un médecin ?
— Ça… ça va aller.
Elle hoquette.
— C’est… un petit malaise. Je vais bien…
— Mais vous êtes très pâle. Et vous… tremblez.
— Je… je dois partir…
— Attendez deux petites secondes.
Trente secondes plus tard, la salariée revient avec une bouteille de Chaokick goût café pimenté.
— Tenez, je vous l’offre. Ça m’aide quand j’ai des hypoglycémies.
— Euh… merci.
— Buvez, vous verrez, c’est très bon.
Élodie dévisse le bouchon métallique et lit le slogan : « Kick your tongue, wake your karma. » Sa grimace s’accentue davantage. Elle approche le goulot de sa bouche et avale une gorgée. Puis une deuxième, puis la bouteille.
— Merci ! Je confirme que ça frappe la langue. Mais c’est… bon… Je suis désolée, mais je dois m’enfuir, lâche-t-elle en tendant la bouteille vide à la dame de Chaidee Market.
— Vous oubliez encore votre bagage !
La main d’Élodie pince si fort la poignée que la couleur de ses ongles disparaît — là où il n’y a plus de vernis. Ses jambes sprintent en direction du sud. Et s’arrêtent vite, car elle est essoufflée.
Environ une heure s’envole quand la porte d’entrée claque, que ses clés tournent et qu’elle abandonne la valise à côté du canapé — et ses achats sur la table basse. Son premier réflexe : l’évier. Elle ouvre le robinet d’eau froide sur ses cheveux et s’essuie avec un torchon encore humide. Son second : Croupy. Joint au bec, elle triture sa montre, relance ses USS et son affichage. Un autre est roulé, le temps que tout redémarre.
Chose accomplie, elle fait défiler l’intégralité de ses contacts. Le bouton d’appel est toujours désactivé. Sauf pour sa cadette.
— Pourvu que ça marche…
Elle clique sur « appeler ».
Biiiiip…
Biiiiip…
Biiiiip…
— Mais nooooon… j’suis maudite ! Putain de merde !
Le système sonore LingSound : cinq sorties principales. Une enceinte d’appoint placée à côté du lit. Des conduits acoustiques, insérés dans le plafond. Et trois modules muraux alignés sur la cloison. Chaque borne arbore un boîtier gris métal sans fioriture. L’affichage à LED indique le volume en décibels. En plus de celui-ci, le premier module, proche de la salle de bain, supporte un petit écran tactile, dédié aux réglages d’urgence — les autres se faisant via l’interface lenticulaire. La deuxième présente deux connecteurs filaires, jamais utilisés — les fils en question n’existent tout bonnement plus. La troisième ne possède qu’un unique bouton d’alimentation, beige sur fond anthracite. L’enceinte d’appoint reste plus discrète : un simple cylindre blanc, haut de quinze centimètres, muni d’un micro incorporé. Les prises au plafond demeurent intégrées, invisibles pour un œil non averti : seules de minces grilles laissent passer le son, parfois accompagné d’un léger souffle chaud — si le KaKaze X veut bien fonctionner correctement. Les revêtements, tous issus de la gamme LingSound Shield, résistent à la chaleur et aux chocs. Et c’est une chance : l’un des modules vient de recevoir un coup de poing d’Élodie qui a fait craquer ses articulations. Et fait suinter un peu de sang par les croûtes.
— J’suis certaine que t’as planqué un truc là-dedans, Chris. J’vais te buter. T’entends, j’vais te buter. Cache-toi, bave-t-elle littéralement, la bouche collée à la seconde sortie murale.
Sa montre vibre.
— Fils de pute ! J’en étais sûre ! J’sais pas qui t’es, mais je trouverai un moyen…
« Nouveau message de Zoé : »
2 commentaires
Mary Lev
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Il y a 2 jours
Anthony Dabsal
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Il y a un jour