Fyctia

« Résiste, prouve que tu existes » France Gall

Je le fixe balancer sa jambe contre les Paos que tient Hector. Je me sens plus légère, depuis que je lui ai retourné une gifle et que j’ai vidé mon sac, et mes larmes sur lui, hier. J’ai l’impression qu’on m’a retiré un poids. Je me sens comme libérée.

Austin revient du bar avec six smoothies, Madoka se jette sur le sien, d’une couleur étrangement violette. Personnellement, j’ai opté pour la simplicité et la valeur sûre : de la vanille.

Comme si j’étais avec une bande de copains, on trinque avec nos gobelets colorés tout en rigolant.

-Vous n’avez pas l’impression d’abuser un peu ? gronde Connor. J’ai dis oui pour les bavardages, mais pas pour les fiestas ! Encore moins si je ne suis pas invité !

-Connor ? Va taper dans ton sac et laisse nous ! le remballe Mado en aspirant son smoothie

Je manque de m’étouffer devant la tête outrée de Connor. Si les autres ne se gênent pas pour en rire, j’essaie de me contenir pour éviter un nouveau rappel à l’ordre dans la salle de massage. Mais mes zygomatiques ne sont pas tout à fait d’accord avec moi. L’ombre d’un titan se projète sur nous, et ses yeux agacés ne présagent rien de bon. Austin fait un bruit avec sa paille qui fait rire Madoka à en pleurer. Je n’ai jamais vu l’ambiance aussi légère, ici, ou bien c’est moi qui ne la ressentais pas...

Hector arrive et prend le dernier smoothie, pas étonnant que Connor n’en ait pas. Ce n’est pas bon pour lui, surtout avant la pesée ! Même si, depuis le temps, il doit être au bon poids.

-Je t’emprunte ça ! déclare-t-il en volant mon gobelet.

-C’est pas juste !

-C’est le seul sans truc bizarre à l'intérieur !

Il me sort ça et en aspirant le contenu du gobelet, avant de me le rendre pour repartir s’entraîner.

Madoka s’approche de mon oreille et chuchote :

-Si tu poses tes lèvres sur la paille, c’est comme si tu l’embrassais. Évite d’y prendre goût, haha !

Le rouge me monte aux joues. Je pose le gobelet sur la petite table, pour reprendre mes esprits.

C’est complètement déplacé et hors procédure, ce genre de commentaires et de comportement, de la part de Connor. Ce n’est ni raisonnable, ni professionnel !

-Mira, ça va ? T’as de la fièvre ?

L’innocence d’Austin est une bénédiction ! Je lui souris nerveusement et reprends l’objet du crime entre les mains. Bon, j’enlève la paille ou non ?

C’est le grand débat que je m’impose. Paille ou pas paille ? Les yeux sur le tube bleu, je me rends compte à quel point c’est pathétique !

-C’est juste une paille ! je marmonne

-T’as dis un truc ? questionne Mado avec une moustache violette

Je m’apprête à lui répondre mais je me mets à rire, accompagnée de Lola. Une serviette en main, je lui enlève le reste de mousse. J’aspire une gorgée et elle hausse un sourcil en souriant, visiblement amusée. Je bénis le ciel d’avoir fait en sorte que Connor me fasse signe d’aller dans la salle, pour éviter les sales allusions de mon amie. Mais la partie n’est pas finie. Je vais en entendre parler, de cette paille. Il craque son cou et s’allonge, en posant sa tête sur ses bras. Je sors mes huiles et une crème, sous son regard qui ne manque rien de la scène. Rinçage de mains et protection des vêtements effectués, j’enduis mes mains d’huile composée de Sésame, Calophylle et de Tournesol.

-C’est obscène, comme bruit. Tu en as conscience ?

-Connor !

Je me cache désespérément la bouche avec mon bras, pour étouffer mon rire. C’est déjà assez intime comme situation, alors si en plus il en rajoute ! Même si j’avoue préférer cette ambiance à celle du début. C’est compliqué, les relations kiné-boxeur qui ne s’entendent pas, c’est pesant pour les deux. Nous, on les voit complètement à plat après un combat ou un échauffement, et eux ils nous font confiance pour tout remettre en place. Parfois on fait même office de confident...

C’était plutôt l’inverse hier. J’essaie de me concentrer sur son dos tatoué et de comprendre ce que je vois, mais les symboles thaïlandais, ce n’est pas mon fort ! Sa peau et ses muscles tout chauds tapent contre mes paumes, comme un petit bout de vie.

La phase préliminaire, comme je l’appelle, semble apaiser le colosse. C'est assez satisfaisant d’arriver à ce résultat après seulement deux semaines.

-Tu dors ? je demande, douteuse.

-Si tu continues, ça va arriver, et je te déconseille de me réveiller !

-Alors, ne dors pas. Parle, râle, fais ce que tu veux mais pas dodo !

Il ne m’écoute absolument pas et ferme les yeux. Si je me prends une tarte pour l’avoir réveillé, je lui ferais boire les huiles et je lui mettrais la tête dans le baume chauffant. J’ai une soudaine envie de lui faire un choc thermique pour le réveiller de son moment de plénitude. Je m’éclipse et récupère deux glaçons dans la glacière d’urgence.

Effrontément, je les pose en même temps sur son dos. Il fait un bond qui a le mérite de me faire rire pour de bon !

-T’es vraiment pas bien toi ! Attends !

Il récupère le glaçon.

Sans gêne il s’approche de moi. En gardant mon attention sur le glaçon de sa main droite, il arrive à faire glisser l’autre dans mon chemisier. Pervers !

Je plonge la main dans mon chemisier et entre mes deux pauvres oranges qui me servent de seins.

-Je peux t’aider, si tu veux ? Deux paires de mains seront plus efficaces !

-Connor ! Ôte-toi cette idée de la tête !

Il rigole et reste bloqué sur la situation atypique que j’ai engendré. Du bout des doigts je sors le petit glaçon qui a bien tout trempé et lui jette dessus pour me venger. Puéril. Je prends une serviette et me tourne, pour ouvrir les boutons et ainsi éponger ma peau. Sans me soucier du prédateur derrière moi.

-Mira, c’est normal cette tâche rouge, sur mon dos ?

-Quelle tâche ?

Je me retourne, paniquée à l’idée d’une réaction allergique. Il se met à rire de la réussite de son plan pour faire du voyeurisme ! Timidement, je couvre le haut de ma poitrine, un peu trop visible à mon goût.

Ce vicieux se rince bien les yeux !

-C’est assez gênant.

-Oh, je trouve pas ! T’es juste un peu plate, mais si tu manges un peu plus ça devrait le faire. Et ils devraient tenir dans mes mains !

Mes joues me brûlent, et je chasse ces images interdites de ma tête.

-Le fait de t’être laissée aller hier te donne meilleure mine !

-Je te remercie pour hier... Pour que tu restes, j’ai du te faire sacrément pitié.

-Pas vraiment, j’avais besoin de digérer ta révélation, dévoile-t-il

-Comment ça ? je m’assied

-Ricky était l’idole des jeunes de mon gym. Il avait réussi en partant de rien. C’est inspirant !

C’est étrange, de voir autant de respect dans les paroles de Connor. Ça me fait tellement chaud au cœur, qu’il parle de toi, de cette façon.

-D’ailleurs, t’étais plus jeune que lui ?

-De sept ans, ça faisait polémique.

Ma différence d’âge était élevée, avec Rick, alors que Connor est à peine plus âgé que moi. C’est sûrement pour ça, qu’on a autant de différents. Il n’est pas aussi posé ou réfléchi.

Mais il a quelque chose en plus.