Fyctia
Miranda
Le vestiaire se détend et une liesse générale se répend à l’annonce des finalistes. Sans grande surprise, Connor en fait parti. Un sentiment, datant de quelques années refait surface : l’égoïsme.
Je n’ai pas envie qu’il aille se faire tabasser, pour ensuite devoir tout remettre d’aplomb. Je n’ai pas le droit de le priver lui, et les personnes venues dépenser une somme pharamineuse. Il craque ses articulations, légèrement endormies et se met sautiller sur place. Je reprends ma veste et j’aperçois que mon téléphone vibre.
Dix appels manqués !
-Elle va me tuer. Je soupire
-Qui ça ? demande Cassie, confuse
-La seule femme qui me fait assez peur, après ta mère !
Tout le monde part dans un fou rire incontrôlable, sauf moi. Je rappelle le démon et attends mon jugement. Mon testament est à peu près rédigé dans ma tête et tout s’envole quand la voix colérique de mon ancienne belle-sœur s’échappe du portable.
-Miranda Morton Owel, je vais vous étriper !
Un coup de poignard vient de m’être donné. J’avais oublié, pourtant c’est un détail assez difficile à omettre. Pour beaucoup, moi comprise je suis encore une Morton. Voyant tout le monde sortir pour rejoindre la salle, j’ai une hésitation : je raccroche ou je l’écoute. Parce que je connais déjà le sujet de la conversation : Connor. Elle ne peut pas le voir en peinture et encore moins en compagnie de sa belle-sœur.
-Comment tu vas ? Cette espèce de brute ne te pose pas de problème ? Sinon j’ai des contacts à la fédé et-
-Non. Ça va, tout ce passe très bien. je gronde
-T’es sur ? Tu as l’air à cran pourtant !
-C’est le début de la compétition, donc oui. D’ailleurs je te laisse, on m’attend.
Elle proteste mais je ne lui laisse pas le temps de finir, sa phrase que je raccroche. Sans le moindre scrupule. Pardonne moi, Stéphanie, mais on parlera plus tard. Pour l’heure je suis censée être sur mon siège et dans son coin, point final. Tu me feras la morale, un autre jour. Mado passe la tête dans l’encadrement de la porte.
-Je savais que ça collerait.
-Comment ça ? Qu’est-ce que tu insinues, Madoka ?
Une petite boule d’anxiété prend naissance, j’ai peur de la chute. Ses yeux azur s’illuminent, lentement, un sourire aux lèvres elle se poste devant moi.
-Écoute, il aurait fallut être bigleux pour ne pas remarquer l’attraction. Tu sais, je t’ai reconnu à l’instant même où tu es entrée dans le resto, pour faire le discours le soir du gala. J’ai tout de suite vu à quel point tu étais désespérée. Tu sais, je suis Connor depuis sept ans maintenant, et vous n’êtes pas si différent. Finalement.
Je vois où elle veut en venir, elle essaie de me le vendre. Pourquoi, tout le monde a tant besoin de me guider dans un sens ou dans l’autre ? Comme si, j’étais incapable de naviguer seule, à contre courant sans partir à la dérive. Ils ont probablement raison, mais j’aimerais y arriver. Par moi-même. Elle me sourit chaleureusement et passe son bras autour de mes épaules. Et voilà, on m’entraîne une fois quelque part, sans me demander mon avis.
-Vis ta vie Miranda, le passé n’a rien à t’apprendre.
-Tu te trompes, il me rappelle mes erreurs.
Dieu sait, à quel point j’en ai fait. Certaines sont impardonnables, d’autres futiles. Je garde précieusement les séquelles de mon passé. Elles me retiennent, et m’empêchent d’avancer. Mais ce soir, un voile s’est levé et les chaînes se sont brisées. J’ai le droit, et peut-être le devoir d’avancer et de voir plus loin. Dans la salle noire, les lumières provenant des téléphones m’éblouissent et les hurlements d’impatience me font redescendre. De toute sa hauteur, Connor domine ce grand carré de sept mètres. Il est là, devant des milliers de personnes. Les paroles de sa préparatrice me trottent dans la tête. Mais une autre chose me perturbe encore plus. Ce qui s’est passé, a-t-il la moindre symbolique pour lui ? Ou était-ce un simple excès ? Je soupire et m’assieds en me tenant la tête pour l’empêcher d’exploser. Dans un moment de faiblesse, je revois le sourire chaleureux de Rick, j’entends sa voix, grave mais douce, et ses éclats de rires. Puis soudain tout est balayé par l’image de Connor. Les souvenirs avec mon ancienne team se font rares et bientôt je vais les oublier, ils seront remplacés par ceux que j’ai avec la team Evans. Cassie dirait que ça fait parti du processus de deuil, mais je ne veux pas oublier. Le speaker réveille la salle, et tout le monde applaudi. Mes mains claquent l’une contre l’autre, jusqu’à bruler. Ses iris ambrés viennent contacter les miennes, et en réponse imminente, mes zygomatiques s’étirent automatiquement.
-Dans le coin rouge, le favori de cette nouvelle saison. J’ai nommé, Mesdames et Messieurs... Connor Evans !
Je perds plusieurs points d’audition en un tiers de seconde, probablement à cause de la demoiselle qui vient de me hurler dans l’oreille. Madoka se retourne et lui fait signe de se taire, Cassie quant à elle... Fidèle au poste de supportrice number one ! Debout, entrain de s’époumoner et de faire siffler les oreilles d’Austin.
J’ai une soudaine envie de rire, mais ce serait déplacé. Les deux combattants tapent leurs gants et s’éloignent dans leur coin respectif. Boum, mon cœur revient faire son petit numéro.
Je me concentre, fais le vide et élimine les bruits parasites. Hector donne les dernières indications et derniers conseils, avant de laisser son poulain gérer. Connor ferme les yeux et secoue la tête, l’air de dire « ne me fait pas chier ».
-Pourquoi tu pleures ! hurle Cassie
-Quoi ? Mais je-
Dans l’incompréhension, je passe ma main sous l’œil pointé par mon amie. Une fine perle d’eau vient humidifier mon index. Encore un automatisme qui refait surface. Petit à petit, mes habitudes reviennent et reprennent leurs droits sur moi. Elles forment une barrière de protection à l’envie de retomber dans les ténèbres de mon désespoir et de mon chagrin. C’est probablement une bonne chose, même si je n’oublie pas pour autant. Comment pourrait-on oublier ? Je suis peut-être pathétique de m’accrocher autant à ses souvenirs alors que plein de choses m’attendent, juste là, en face.
Je me souviens, c’était un soir, comme celui-ci. Toute une salle était levée pour acclamer le champion; mon mari. Les lumières jouaient et illuminaient le stade. Stéphanie était à mes côté, à la place d’Austin et Jim se trouvais là où est Hector. Mon cœur battait à tout rompre et la cloche a retentit. Les boxeurs se donnaient à fond, c’était magique. Puis, le boxeur du coin opposé a fait un geste. Les coups de coude, peuvent être de véritables lames de rasoir. Celui-là n’a pas loupé.
Boum. Mon homme, s’effondre. Les secondes passent. La dixième se termine et toujours rien. Un soigneur monte sur le ring, et affole la salle.
Des médecins sont arrivés et l’ont transporté en civière. Puis, tout s’est enchaîné rapidement. Dans le couloir blanc et glacial de l’hôpital, mon monde s’est écroulé, comme toi ce soir là.
Un homme est venu, et m’a prononcé ces trois mots :
« Je suis navré ».
4 commentaires
Caro Handon
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Il y a 7 ans
AisuYumiya
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Il y a 7 ans