Thylia Andwell Sunny Snow Shoe Chapitre 2

Chapitre 2

La maison des Lewis est comme dans mon souvenir.


Une constatation qui ne cesse de m’étonner. Sûrement parce que ma vie, elle, est bien différente en l’espace de 365 jours. La Sophie qui revient à Snow Shoe n’a rien à voir avec celle qui en est partie.


Retrouver cette demeure de trois étages intacte, après ce qui me paraît des siècles, est un soulagement. Ça donne l’impression que je n’ai pas tant changée non plus. Que toutes les responsabilités d’une vie d’adulte ne m’ont pas atteinte. Je peux encore prétendre être une gamine qui savoure Noël.


Pour un temps en tout cas.


Si on écoute Phil, je suis toujours une gamine à 24 ans.


Il n’a pas tout à fait tort.


De mon point de vue, cependant, je n’ai jamais vraiment eu l’insouciance d’une enfant.


Ma voiture m’envoie valdinguer dans tous les sens alors qu’elle s’engage sur le sentier qui mène à la maison. Celle-ci s’élève, majestueuse, en plein milieu d’un paysage où le blanc grisâtre du ciel affronte celui laiteux de la neige. Autour de l’immense propriété, les sapins, mêlés aux arbres dépourvus de feuilles, offrent un écrin de protection contre la route principale de l’autre côté de la forêt. Il faut une dizaine de minutes depuis le centre de Snow Shoe pour l’atteindre. D’autres propriétés sont, elles aussi, excentrées çà et là, à l’abri des regards. La plus proche, celle de la vieille Hill, est située un peu en amont du chemin qui mène chez les Lewis. Tous forment une communauté unie qui se côtoie depuis des générations. C’est une proximité qui me manque dès que je la quitte.


Je suppose qu’on peut dire que Pittsburgh offre les mêmes avantages, les commodités d’une ville en prime. Ce qui est faux. Les grandes agglomérations ont beau disposer d’un certain nombre d’individus au mètre carré, parqués les uns sur les autres, le lien social est différent. Le calme et la tranquillité aussi.


Ma voiture quitte le sentier, et les deux bandes qui témoignent des fréquents passages du pick-up de mon grand-père, pour traverser la propriété. Je coupe ma musique et profite du crissement de la neige vierge qui s’écrase sous mes roues. Un petit rire enfantin m’échappe face à ce bonheur que seule la période de Noël offre et me gare sur le côté de la maison.


Rapidement, je me débarrasse de mon jogging en claquant des dents pour enfiler le jean qui attend sagement sur le siège passager depuis quatre heures. Hors de question de me pointer devant Phil dans cette tenue. J’en entendrai parler pendant des années.


- Voyons Soph, ce n’est pas comme ça que tu vas trouver quelqu’un !, je lance en imitant sa voix.


Des petites volutes de fumée s’échappent de ma bouche tandis que je me contorsionne pour remonter le jean sur mes fesses dans le mince espace de l'habitacle. Par mégarde, mon coude appuie sur le volant et le klaxonne retenti. Dans le silence environnant, le son se propage comme un écho.


La bouche pincée et les yeux écarquillés, je me fige, les doigts sur la braguette. Au moment où je songe que Phil doit être sorti, la porte d’entrée s’ouvre à la volée et une tempête de longs cheveux blonds s’élance dans ma direction.


- Fait chier !


Moi qui voulais débarrasser la voiture incognito…


Je m'habille en vitesse et m’extirpe de la voiture à l’instant où un poids s’écrase contre ma poitrine.


- Soph ! T’es enfin là !


Ma petite-cousine de 14 ans, Quinny, se met à déblatérer à une vitesse impressionnante sur les désavantages de Snow Shoe. De ce que j’en comprends, la lenteur d’Internet et la moyenne d’âge à trois chiffres sont en pôle position.


Je ne parviens à l’interrompre que lorsqu’elle reprend sa respiration :


- Tu ne devrais pas être à l’école, toi ?


- Tempête de neige. Les cours sont à distance. Papa ne pense pas que les écoles pourront rouvrir d’ici les vacances alors il nous a amenés ici.


- Oh ! Sympa !


Je n’ai jamais connu les jours de neige durant ma scolarité. Difficile de compter sur des routes impraticables pour éviter l’école quand on vit à l’intérieur. J’ai toujours fréquenté des pensionnats où ce problème ne pouvait pas arriver.


- J’en déduis que ton père et ton frère sont ici ?


Quinny et Marlin sont mes petits-cousins de 14 et 17 ans. Les pauvres sont nés au moment où avoir des prénoms originaux étaient en vogue. Il n’y a pas grand-chose que j’aime chez moi, entre ma petite taille, mes banals cheveux châtains et un cul qui m’empêche d’être à l’aise dans autre chose que des joggings. Mon prénom n'en fait pas partie. Au moins, il existe.


- Juste mon frère, poursuit Quinny. Papa bosse.


Le plus jeune fils de Phil, Anton, est professeur de sciences agricoles à l’Université de State College. Il n’a jamais cherché à quitter la région, contrairement à sa femme Georgie. Ou plutôt ex-femme.


- Ta mère arrive dans deux semaines ?


- Je pense.


Même si leur séparation date de plusieurs mois, une fois qu’on entre chez les Lewis, on ne peut qu’y revenir. C’est vrai pour tout le monde. Ou presque.


Jayden ne viendra pas cette année, lui.


J’interromps mes pensées démoralisantes à temps pour empêcher Quinny de s’approcher du coffre.


- NON !


Mon cri la fait sursauter et me regarder avec des yeux surpris.


- Mon sac est à l’arrière, j’ajoute plus calmement en me forçant à sourire.


Une migraine commence à poindre en songeant à tout ce qui me tomberait dessus si quelqu’un ouvrait malencontreusement mon coffre. Aucune chance qu’une gamine de 14 ans comprenne ou garde le secret. Si je me débrouille bien, j’éviterai tout malaise jusqu’à Noël.


Ça va le faire…


- Okay.


Quinny passe vite à autre chose et sort son portable afin de me montrer la dernière vidéo tendance. J’en profite pour récupérer ma petite valise que j’ai eu l’intelligence de mettre sur la plage arrière dans l’éventualité où je n’aurais pas été seule en arrivant. Parfois, je bénis mon esprit pratique.


- En route !, je lance en me dirigeant vers la maison. Je meurs d’envie de me faire rôtir devant le feu de cheminée !


Rien ne viendra entacher ma bonne humeur.


Ni le contenu de mon coffre, ni le souvenir d’un beau brun du nom de Jayden Fisher.

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7 commentaires

40books

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Il y a 2 ans

Tout ça donne envie d'aller passer Noël dans cette maison familiale qui semble sentir bon le bonheur et le partage. Des mystères pointent aussi le bout de leur nez... Que cache-t-elle dans son coffre? Un corps?? 🤣🤣

Lexa Reverse

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Il y a 2 ans

Mise à jour de la pluie de likes :)

Thylia Andwell

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Il y a 2 ans

Merci ! ;)

Anne-Estelle

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Il y a 2 ans

Mmmhhhh que cache donc cette chère Sophie dans son coffre ? Bravo pour la façon de nous cueillir et nous donner envie de lire la suite

Thylia Andwell

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Il y a 2 ans

Merci !🥰
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