Fyctia
Chapitre 6 - Partie 5
Condor pris une grande inspiration, fixa son regard dans les yeux de toutes les
jeunes filles, l'une après l'autre, avec un léger sourire sur les lèvres. Puis quand
le silence total fut fait, elle commença son histoire préférée.
La plus chère à son cœur car elle la tenait de sa mère.
- Il y a deux cent générations, la grande rivière Garòna, fille d'Ayma était seule
dans cette grande vallée. Elle alla voir la déesse Ayma, sa mère, pour se plaindre
de son ennui et celle-ci décida de lui chercher un compagnon pour combler le vide
de son existence.
Elle chercha jusqu'au sommet des montagnes du Sud et elle y trouva le père de
tous les animaux qui descendit du ciel et prit l'apparence d'un poisson.
Elle lui présenta sa fille, la déesse Maia, qui l'invita à vivre avec elle dans
ses eaux claires et il accepta.
De leur union naquirent tous les êtres qui peuplent la grande vallée, des plus
hauts sommets aux grandes eaux infinies. La grande rivière nourricière confia
la protection de tout ce qui vit aux Hommes qu'elle engendra et Ayma leur
commanda de vénérer le Dieu poisson, leur père.
C'est pour cela que chacun d'entre nous reçoit à sa naissance un galet sculpté
en forme de poisson, ramassé dans le lit de la grande rivière.
Graciana interrompit Condor car une question lui brûlait les lèvres.
- Est-il vrai que si l'on perd notre poisson, on n'est plus protégé par la déesse
Ayma et on meurt ?
- J'ai entendu des histoires qui font peur et peuvent nous pousser à penser que
c'est vrai, mais il est toujours possible de demander le pardon de la déesse et on
reçoit lors d'une cérémonie un nouveau poisson protecteur.
Violèt sourit de la naïveté de Graciana. Elle était si jeune, une âme d'enfant
dans un corps de femme.
Elle lui caressa les cheveux et posa sa main sur son épaule.
- C'est avant tout sur toi-même qu'il faut compter pour te protéger. Tu dois être
forte et faire toujours ce que tu penses être le mieux pour toi et ton peuple.
Les âmes de tes ancêtres, si tu prends le temps de les écouter, sauront te guider
vers ton chemin de vie.
Condor ajouta :
- Il vaut mieux essayer de ne pas offenser Ayma et ses enfants. La colère des
Dieux peut être terrible.
Violèt continua en regardant Condor dans les yeux, lui déposant un message
discret qu'elle seule pouvait comprendre.
- Parfois les Dieux nous envoient des épreuves, mais ce n'est pas nécessairement
pour nous punir. Cela peut être parfois une façon pour eux de nous guider vers
notre destin et de nous forcer à faire des choix.
Condor hocha la tête et s'adressa à Violèt avec un sourire empli de tendresse.
- Toute la difficulté est d'arriver à voir et à interpréter correctement les signes.
Seule une prêtresse confirmée peut y prétendre et nous n'avons plus de guide
spirituelle à Gènes. Quand reviendras tu chez toi, Violèt ?
Avec une expression triste Violèt rejeta cette éventualité.
- C'est trop tard. Je ne reviendrai pas. J'ai la certitude maintenant que mon destin
est ailleurs, loin de cette vallée, loin de vous mes chères amies et cela m'attriste,
mais je ne peux lutter contre la volonté des Dieux.
Elle se leva alors et s'éloigna vers l'Ouest pour contempler le soleil couchant.
Liloïa et Condor continuèrent la conversation sur les signes envoyés par les Dieux
et la façon de les interpréter.
Violèt revint brusquement vers le foyer. Elle interpella ses compagnes d'une
voix rapide ou transparaissait son inquiétude.
- Le ciel se couvre très rapidement à l'ouest ! Des nuages d'une noirceur
inhabituelle arrivent à une vitesse surprenante !
On dirait un troupeau de moutons noirs gigantesques ! Nous ferions bien de
ranger et de rentrer dans la tente, vite !
Les jeunes femmes restaient dubitatives et regardaient l'horizon d'un air
interrogateur.
Condor examina le ciel avec attention et regarda Violèt avec un regard inquiet et
entendu.
- Dépêchons-nous !
Condor était la plus âgée dans le petit comité de la tente des lunes, et elle était
d'une grande sagesse. Toutes les jeunes filles sortirent brusquement de leur
léthargie et se mirent sur le champ à ranger les coupes en bois, les couteaux et les
peaux qui leur servaient de couche.
Un terrible orage éclata soudainement alors qu'elles venaient à peine de rentrer
sous la tente de peaux. Des rafales de vent s'abattirent sur la terre desséchée,
arrachant au passage tout ce qui leur résistait. Tous les éléments se déchaînèrent
en même temps.
Des arbres s'écroulèrent, déracinés sous la force de l'assaut de la tornade.
Des trombes d'eau s'abattirent soudain à l'horizontale, et des bourrasques de vent
de plus en plus fortes menacèrent d'emporter la tente et ses occupantes.
Le bruit de l'eau et du vent déchaînés couvraient celui du tonnerre alors que des éclairs
zébraient le ciel continuellement.
Les plus jeunes poussaient des cris de terreur et se serraient comme des oisillons
apeurés tandis que Condor et Violèt tentaient de garder leur calme et de tenir les
deux piliers centraux en bois qui maintenaient la tente.
Les bourrasques de vent d'une force inimaginable plaquaient le fragile édifice au
sol à chaque instant.
Condor et Violèt échangeaient des regards d'effroi, certaines qu'elles ne tiendraient
pas longtemps.
Des morceaux de glace se mirent à tomber en rangs serrés, transperçant les
feuillages et cassant les branches des végétaux. Certains de ces grêlons ricochaient
et surgissaient dans la tente par les interstices.
Les jeunes femmes sentaient les petits cailloux de glace qui tapaient leurs têtes
à travers la paroi de cuir.
Linou pleurait, terrorisée, et les autres jeunes femmes attendaient impuissantes
la fin du déluge en essayant d'avoir des mots réconfortants pour elle.
Mais le vacarme du vent mêlé au bruit de la pluie et des grêlons couvrait leurs voix
et elles n'osaient crier pour se faire comprendre.
L'eau ruisselait sur le sol, traversant la tente, trempant les jeunes filles et tous leurs
vêtements. Certaines grelottaient de peur ou de froid malgré la chaleur des
derniers jours.
Le vent finit par se calmer, mais la pluie dura encore une grande partie de la nuit.
Violèt entrebâilla la grande peau de l'ouverture pour tenter de voir quelque chose,
mais elle fut glacée par la noirceur de la nuit. Aucune lueur ne perçait l'opacité des
nuages. Elle distinguait à peine de grandes formes sombres couchées près de la
rivière.
Personne n'osa sortir et tout le monde se serra pour tenter de se réchauffer.
Elles chuchotèrent et édifièrent des théories plus farfelues les unes que les autres
pour essayer de comprendre ce qui venait d'arriver, se rassurer et tenter de trouver
un peu le sommeil.
7 commentaires
Forever_Books0
-
Il y a 6 mois
M.B.Auzil
-
Il y a 6 mois
Callio
-
Il y a 6 mois
Marion_B
-
Il y a 6 mois
M.B.Auzil
-
Il y a 6 mois