Fyctia
Chapitre 1
2 ans plus tard
Les lettres en alphabet grec et latin s’inscrivent sur la façade de l’édifice blanc de l’aéroport de Rhodes. Les rayons du soleil, aussi brillants que leurs promesses d'évasion, éblouissent Liyah dès que les portes coulissantes se ferment derrière elle. Elle place ses lunettes sur son nez, son petit chapeau de paille sur la tête et avance d’un pas joyeux.
Ça y est !
Après un réveil à 4h du matin, un café et une tartine avalée devant le visage fermé de son père, elle était enfin là. Il avait accepté son départ. Il n'en était pas heureux pour autant. Il aurait aimé être avec elle lors de l’annonce des résultats. Mais elle ne pouvait faire autrement. Elle n’en pouvait plus d’attendre sous le regard de son père qui lui répétait sans cesse « tout va bien se passer » avec une assurance totalement incongrue pour sa simple position de mortel.
Qu’est ce qu’il en sait…
Et puis à chaque fois elle se demande si c’est ce qu’il a dit à sa mère avant elle. Il avait eu tort à l’époque.
Pourquoi serait-ce différent aujourd’hui ?
Son attention est happée par une jeune femme, brune, gigotant sur elle-même et brandissant une pancarte sur laquelle est inscrit, autour d’un nombre improbable de coeurs et de fleurs, les mots “Soul Cruise”. Sans mentir, Liyah hésite tout à coup. Cette croisière sur un petit bateau autour de l’île de Rhodes en Grèce, promettait, “un séjour hors du commun, une promesse de renouveau”. Mais maintenant qu’elle voit la petite femme aux cheveux anormalement emmêlés devant un monospace déglingué et portant des sandales de marche que son père aurait adorées, elle se demande si elle n’est pas tombée dans une secte. Liyah se décide à avancer tout en se promettant que si la jeune femme commence à parler de “Famille” à la Charles Manson, elle traverserait la Méditerrannée à la nage pour rejoindre son père. A côté d’elle se trouve un homme massif, grand brun aux muscles saillants. Il porte un marcel en coton qui semble avoir été conçu pour flatter son ego. Une autre femme, cette fois d’une petite cinquantaine d’années, a le regard frénétiquement plongé dans un guide de voyage. Elle semble essayer d’interpeller un adolescent qui lui jette des regards blasés, un écouteur enfoncé dans son oreille pendant que l’autre pend sur un t-shirt arborant le “A” d’anarchie. Ce groupe est anormalement inassorti. Chaque personne se tient l’une à côté de l’autre, avec une proximité presque contre-nature. Dès qu’elle arrive vers eux, L’homme brun lui lance un regard qui la déshabille. Sans le vouloir, elle pense à son corps, à ce que cache ses vêtements et se dit que s’ils savaient, ses yeux baladeurs prendraient leurs jambes à leur cou.
“Kalispera ! crie la femme au look de hippie. Elle s’avance vers son corps frêle et la prend dans ses bras. Bienvenue, tu dois être Liyah ou Rosemary. Nous n’attendons plus que vous !
Avant qu’elle ne puisse lui répondre et se défaire de son étreinte, une voix retentit dans son dos :
“C’est moi, Rosemary… Enfin, on m’appelle Mary… Juste Mary.
Une jeune femme blonde, aux cheveux longs et aux hanches pleines se rapproche du groupe. Elle porte une sacoche d’appareil photo au bout de l’épaule et un sac de week-end entre ses doigts..
- Et bien Mary, moi, je suis Delilah et je te présente Liyah, vous allez être binôme pendant notre séjour initiatique de 5 jours. Et vous aurez la chance de partager une cabine.”
Liyah se raidit légèrement aux mots « voyage » et « initiatique »… Elle prie intérieurement que cela ne concerne aucun sacrifice, animal ou humain. Une voix grave ronronne dans leur dos alors que les femmes se sourient timidement.
“Prévenez-moi s’il y a de la place entre vous, les filles… Lance l’homme brun, l’air beaucoup trop fier pour se rendre compte des grimaces de dégoût qui lui répondent. Moi, c’est Mario, dit-il en contractant inconsciemment ses pectoraux. Un sourire et un regard lubrique trop tard, il suit Delilah dans le monospace afin d’y soulever sa valise, d’un seul bras puissant, dans le coffre.
C’est alors que Mary se penche vers Liyah, et lui dit, le plus naturellement du monde :
“Lui, je ne sais pas ce qu’il compense, mais ça doit être assez impressionnant...
- Ou le contraire, justement.” Commente Liyah d’une voix égale, presque pour elle-même.
L’éclat de rire de la jeune femme blonde retentit entre elles. Il teinte l’air qui les entoure d’une douce frivolité qui résonne dans le creux sombre au fond de la poitrine de Liyah. Celui même qui est apparu ce jour où elle a appris qu’un foyer malade se développait en elle.
“Si tu veux mon avis, c’est le genre de mec qui doit perdre tous ses moyens dès qu’on lui met une petite fessée !” Ajoute Mary avec un clin d'œil avant de suivre le mouvement.”
Puis, la jeune blonde hisse son sac de voyage sur son épaule et glisse un des bonbons accrochés à son cou dans sa bouche. Son collier sucré rappelle à Liyah des souvenirs. Ils ressemblent, à s’y méprendre, à ceux qu’on vendait dans la boulangerie à côté de son école primaire. La gourmandise se compose d’une succession de petits bonbons pastels acidulés qui se succèdent sur la clavicule claire de “Juste Mary”.
Liyah la suit et charge ses affaires dans le coffre du monospace d’un autre temps, avant de s’installer dans un siège au fond, juste à côté de l’ado dont les écouteurs crachent du Heavy Metal.
“Regardez bien les personnes qui vous entourent. C’est avec elles que vous vivrez les cinq prochains jours, c’est avec elles que vous embarquez dans un voyage que vous n’oublierez jamais.”
Instinctivement, Liyah lève les yeux et sonde celles et ceux qui partagent l’habitacle. La maman tente de proposer de l’eau à son fils qui se contente de la dévisager d’un air exténué par la sollicitude de sa mère. Elle finit par ranger son offrande, penaude, adressant à Liyah un air abattu. Puis, ses yeux tombent dans ceux de l’étalon brun qui s’amuse à lui renvoyer un clin d'œil coquin, le bras enroulé autour de l’appui-tête de Mary. Liyah a toujours considéré qu’elle avait un instinct de merde. Et en se retrouvant au fond de ce véhicule, elle se dit que c’est toujours le cas.
Ce voyage s’annonce être une mauvaise idée…
Elle lève les yeux au ciel pendant que sa main cherche son portable. Lorsqu’elle déverrouille l’écran, il est exactement le même que dans l’aéroport.
Aucun sms.
Aucun appel manqué.
Aucun message vocal.
Alors qu’elle enfonce son corps dans le cuir du siège fatigué, elle attrape son calepin et fait glisser son crayon entre ses doigts. Le ciel et ses nuages se mettent à défiler au-dessus de la tête. Elle se laisse portée, guidée par leur promesse d’une nouvelle aventure.
Maintenant qu’elle était là, Liyah ne pouvait faire machine arrière de toute façon.
3 commentaires
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans
Dahlia Blake
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Il y a 4 ans
FleurDelatour
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Il y a 4 ans