Fyctia
Chapitre 3.1
Evelyne avait passé la moitié de la journée à angoisser à propos de son entretien. À vrai dire, elle n'avait quasiment pas fermé l'œil de la nuit tant elle était stressée, elle devait absolument décrocher ce job. Elle faisait les cent pas dans son salon de Whitechapel alors qu'Aly continuait d'allumer des bougies parfumées un peu partout dans l'appartement pour que leur odeur puisse détendre la jeune scénariste. Evelyne se mordait le bout du pouce, quand ce n'était pas l'intérieur de ses lèvres, puis elle finit par s'arrêter face à son amie qui secouait une allumette pour l'éteindre après l'avoir utilisée sur une énième bougie.
— Arrête s'il te plaît, tu vas finir par mettre le feu à ma maison ! J'ai déjà assez de mal à payer mon loyer, je n'ai pas besoin qu'un sinistre me tombe dessus.
— Oh cesse donc de tout voir en noir Evy... Tu vas l'avoir ce job, le problème c'est que tu es trop stressée, alors que tu es la meilleure. Donc, j'allume des bougies pour que tu puisses te détendre.
— C'est d'un spa dont j'ai besoin pour me détendre...
— Quand tu seras riche grâce aux merveilleux films que tu écriras, on se fera des voyages de rêves avec les meilleurs hôtels du monde et les meilleurs soins.
— Oui et bien... Ne rêve pas trop, et puis tu vas me porter le mauvais œil...
Alysson se mit à rire, le côté superstitieux de son amie l'amusait à chaque fois, sans pour autant la dénigrer ou remettre en question ses croyances, elle était toujours surprise par la capacité d'Evy à apporter une explication surnaturelle à tout ce qui se passe.
— Ne te moque pas de moi ! lui ordonna Evy.
— Je ne le fais pas, seulement crois-moi, si jamais quelqu'un t'apporte de la malchance, ça ne sera pas moi, je ne suis que positivité et je dis que tu auras ce travail parce que personne ne t'arrive à la cheville.
— Tu exagères...
— Et toi tu es trop modeste.
Evelyne ne répondit pas, elle savait qu'elle ne pouvait pas gagner à ce jeu-là face à sa meilleure amie.
L'alarme de son téléphone sonna, lui indiquant qu'elle devait se préparer et partir pour son entretien. Alysson l'aida à vérifier qu'elle emportait bien avec elle tous les documents nécessaires, alors qu'Evy replaça son chemisier blanc correctement et frotta rapidement son pantalon pour le débarrasser d'éventuelles poussières.
— Tu as bien tes scripts ?
— Oui, ils sont dans mon sac, chacun dans une pochette avec une rapide fiche d'informations.
— Top ! Tu es magnifique, intelligente et prête ! Je vais prendre le métro avec toi mais je vais devoir te laisser à Farrington, j'ai cours dans une heure.
— Ça marche, merci pour tout Aly.
— Les meilleures amies sont faites pour ça ! répondit-elle en étreignant Evy.
Elles prirent le reste de leurs affaires puis Alysson sortit de la maison suivie par Evy qui prit bien le temps de verrouiller la porte d'entrée en vérifiant plusieurs fois qu'elle était belle et bien fermée. C'était un de ses nombreux tocs, mais ses amies ne le lui faisaient jamais remarquer puisqu'elles comprenaient ses inquiétudes face à l'idée de le recroiser lui. La manie d'Evy à toujours bien vérifier que les portes et les fenêtres soient verrouillées, avaient d'ailleurs sauvé leur amie Manon d'une intrusion chez elle en pleine nuit alors qu'elle dormait dans son appartement.
Les deux amies rejoignirent la station de Whitechapel sur les coups de quatorze heures trente. Elles descendirent sur le quai du métro, et Alysson eut du mal à suivre Evelyne avec ses talons hauts alors que son amie pressait le pas comme à chaque fois à cause de son angoisse d'arriver en retard. Evelyne n'était jamais en retard, ni même à l'heure, elle faisait son maximum pour avoir toujours au minimum dix minutes d'avance. Elle avait besoin de se poser avant chaque rendez-vous, qu'il soit professionnel ou personnel, il lui fallait du temps pour faire redescendre toute la pression qui s'était accumulée en elle à l'idée d'arriver en retard, que le trajet se passe mal ou bien que son rendez-vous ne se déroule pas comme elle l'avait prévu. Et aujourd'hui, plus encore, son corps entier était parcouru d'angoisses profondes, Alysson était si confiante, comment allait-elle lui annoncer le soir même qu'elle avait échoué à son entretien ? Peut-être qu'elle en aurait assez de voir Evy ne rien faire de sa vie et qu'elle ne souhaiterait plus être son amie ? C'était ce genre de question qui tourmentait Evelyne le jour mais surtout la nuit, et elle était habituée aux nuits blanches depuis de longues années, à tel point que nombreux de ses scénarios avaient été écrits durant ses insomnies pour faire taire toutes ses ruminations.
Arrivées à Farrington, Alysson prit Evy dans ses bras pour lui souhaiter bonne chance.
— Je crois en toi, t'es la meilleure ! Peu importe leur réponse, tu as le potentiel, maintenant c'est à eux de s'en rendre compte.
— Merci, tu es vraiment mon meilleur soutien.
Evelyne lui adressa un regard gratifiant puis Aly lui fit une tape sur l'épaule avant de prendre l'avenue qui menait à l'université. Evy prit la direction opposée, il lui restait un peu plus de cinq minutes pour arriver au siège de la Company en ayant son avance programmée.
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