Romy Maz Le poids des secrets Un passé jamais derrière soi

Un passé jamais derrière soi


Clermont-Ferrand, 13h, Place de Jaude

Ma putain de chance fait qu’aujourd’hui je dois revoir mon bourreau, celui qui a abusé de moi quand j’étais plus jeune. C’est ce que j’essaye d’oublier avec le sexe, j’essaye de ressentir des choses, je me sens exister avec elles. Il m’a détruit et je n’ai jamais réussi à me reconstruire.

Je l’attends sous le sapin décoré, à côté de moi les enfants s’amusent à courir partout, s’extasiant de chaque couleur, chaque décoration dansant au gré du vent dans les branches vertes et fournis de d’épines. C’est un trop bel endroit pour de trop mauvaises retrouvailles. Je le vois arrivé, très bien habillé, en costard, comme toujours. Mon oncle ne change pas, toujours fidèle à lui-même. Il est sûr de lui, rigide et surtout il est celui qui m’a violé de mes 13 ans à mes 18 ans lorsque mon grand-père qui m’élevait est décédé et qu’il a dû s’occuper de moi. C’est à mes 18 ans que j’ai hérité du bar et du club privé de mon grand-père. Cela n’a pas plus à mon oncle évidement… Lui il a eu l’argent mais moi j’ai eu ce qui était important aux yeux de celui qui m’a élevé comme un père.

Je gère le Magnifique, bar auvergnat où les habitués aiment venir. Je suis également le chef du club secret du Magnifique, mais je ne m’en occupe pas comme mon grand-père l’aurait voulu, ce n’est pas mon truc. Ce sont surtout membres très anciens qui viennent pour parler du bon vieux temps. Ce club secret était en réalité un groupe de résistant pendant la guerre. Aujourd’hui c’est un vieux groupe de copains, et des plus jeunes arrivés récemment qui militent ensemble sur des sujets en particulier comme la jeunesse, la santé… Je les laisse faire car même si je ne souhaite pas gérer cela, je ne me vois pas bafouer le travail de mon grand-père. Je garde le Q.G pour tout autre chose … comme une thérapie qui ne fonctionne pas.


– L’enfance qu’elle belle période, me dit mon oncle Aaron en me tendant la main

– La mienne s’est arrêté lorsque j’avais 13 ans, dis-je froidement restant les bras croisés.

– Tu as eu la chance de m’avoir sinon tu serais à la rue aujourd’hui, espèce d’ingrat,

– Je pense que j’aurai préféré la rue à …, je n’arrive pas à terminer ma phrase

– A rien du tout exactement, bon je ne suis pas là pour t’écouter raconter ta vie, car je m’en fiche royalement,

– Alors pourquoi m’infliges-tu ta présence ?

– Je veux que tu me vendes le bar et tout ce qui a avec.

– Non, je ne ferai pas cela,

– Si, tu le feras car je possède un moyen de te faire chanter,

– Je suis bien curieux de savoir lequel ?

– Une vidéo de surveillance, provenant de ta cave, où l’on entend tes compères élaborer l’attaque au paintball de la Banque de France. Tu sais, l’attaque pendant laquelle aucune caméra de surveillance ne fonctionnait ?

– Tu bluffes, il n’y a pas de caméra dans ma cave

– Il y en a, et c’est moi qui les ai installée.

– Espèce de …, m’énervais-je

– Attention à ce que tu vas dire, mon ami commissaire sera ravi d’apprendre tes manigances, il ne se passe pas grand-chose habituellement ici. Cela lui fera de quoi se mettre sous la dent, dit-il avec un rire mesquin.

– Et pourquoi tiens-tu absolument à ce bar ? Tu es plein aux as et tu ne bois même pas,

– C’est un héritage familial, dit-il avec un sourire moqueur en coin.

– Tu caches quelque chose, je n’aime pas ça du tout. Je ne veux plus te voir, je ne veux pas non plus savoir ce que tu cherches à faire. Mais restes éloigné de moi, très éloigné, j’ai aussi de quoi te faire tomber.

– Ça ne m’inquiète pas plus que ça, je ne vois pas ce que j’aurai à me reprocher. Je t’ai tant montré d’affection quand je t’ai réaccueillis…

Je me dépêche de partir avant de le frapper ou pire encore. Les traumatismes sont toujours là, dans mes cauchemars la nuit, dans mes pensées la journée. C’est systématique, cela ne s’arrête jamais. J’ai vu des psychologues mais cela ne m’a pas aidé. Ce qui m’inquiète immédiatement ce sont les caméras cachées dans ma cave. Il faut absolument que je les retire, s’il dit vrai j’aurai des problèmes… Je n’oserai jamais porter plainte contre lui pour ce qu’il m’a fait, je n’en ai pas la force.


Je me dirige vers le Magnifique à deux pas de la place de Jaude, dans une ruelle assez passante. Pour y accéder je dois traverser la place, et tourner à droite dans une rue piétonne avant de tourner à nouveau dans la rue du bar. J’y suis presque et j’accélère mais je vois trouble, je panique, comme à chaque fois que je vois mon oncle. Je m’appuie contre un mur et je prends un instant pour reprendre mon souffle. Je ferme les yeux, inspire, expire, inspire, expire. Je sens mon rythme cardiaque revenir à la normal. Je suis à 2 maisons de l’arrivée. J’arrive devant le Magnifique, je sors mes clefs, j’ouvre et me précipite vers le bar en face Je connais l’endroit comme ma poche alors même dans cet état je contourne facilement le bar. Comme à chaque fois que ça ne va pas je me sers un verre de Whisky. J’en oubli ma douleur pour la remplacer par celle de la solitude.


1 verre….2 verres…. 3 verres…


Puis je me rappelle que je dois trouver ces maudites caméras qu’Aaron à fait poser. Je descends tant bien que mal à la cave, la porte se situe au fond d’un couloir prêt du bar. Cet accès est réservé uniquement aux membres du club.

L’escalier est tellement vieux et marqué que je manque de glisser sur chaque marche. Il faut ajouter à ça qu’il est en colimaçon. Je ne sais pas comment je fais pour être en un seul morceau une fois arrivé dans la cave mais je ne vais pas m’en plaindre. Il y a un moment où mon corps me dira stop, je le sais mais je tais cette idée dans ma tête.

La cave est grande, avec en son centre une table en chêne massif et deux grands bancs qui l’entoure. Le plafond est vouté et donne un vrai charme avec ses pierres grises d’époque. Il s'en est passé des choses ici. Tellement qu'Aaron sait très bien où placer des caméras.

Où sont ces fichues caméras ?




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