Fyctia

À l’excitation se mêle une légère appréhension. Ce soir, l’enjeu n’est pas le même que les autres. Ce soir, nous franchissons une nouvelle étape. Ce soir, notre relation devient sérieuse. C’est le début de notre chemin à deux.

Devant le lit, je marque un arrêt. Mon cœur battant à tout rompre. Nous y sommes. Je regarde Max qui me renvoie un sourire d’encouragement. Dans ses yeux, je lis que nous sommes sur la même longueur d’onde. Avec lui, je me sens en confiance. Dans ses bras, je suis en sécurité.

Assis sur son lit, nous nous embrassons. Ses mains se baladent sous mon haut à la recherche de l’accroche de mon soutien-gorge. Lorsque ses doigts se posent sur ma dentelle, il en dégrafe l’attache avec une aisance déconcertante. Tout le long de ma nuque, il sème des baisers. Il déboutonne le haut de mon chemisier, terminant ainsi de libérer ma poitrine.

Il ne perd pas de temps.

J’aime ça.

Mon corps est sur le point d’exploser sous ses caresses avides. Ma respiration s’accélère.

Il ôte son tee-shirt. Mes doigts glissent sur sa peau brulante. Mes lèvres recherchent le contact des siennes.

Après s’être concentré sur mon sein gauche, il s’apprête à s’occuper du droit quand une voix nous interrompt.

— Pour une surprise, c’est une surprise !

Dans un même mouvement, nous nous redressons pour faire face à l’homme qui se tient dans l’encadrement de la porte.

— Ryan ? Qu’est-ce que tu fais là ? demande Max tout en s’écartant de moi.

Je m’empresse de ramasser mon chemisier pour cacher ma poitrine exposée aux regards d’un inconnu. Mes joues chauffent sous l’emprise de la gêne.

J’ignore qui est ce type, mais la situation dans laquelle il nous surprend est très embarrassante.

— Comme tu me manquais trop, j’ai décidé de prendre le premier train pour venir te rejoindre plus tôt, répond l’inconnu.

Max se relève et se dirige vers lui. Placé ainsi devant moi, il me cache en partie à la vue du nouveau venu. Soudain, il plaque son visage contre celui de l’autre homme. Je n’ai pas besoin de voir les détails pour comprendre qu’il l’embrasse.

Je me fige.

Est-ce que le vin fait déjà effet ?

Le fameux Ryan ne le repousse pas, y compris lorsque les mains de Max viennent se perdre dans le bas de son dos pour coller davantage leur corps.

Mon cerveau se bloque. Je suis incapable de réfléchir.

La scène qui se déroule sous mes yeux est incompréhensible, si bien que je reste plantée sur le lit, à les fixer bêtement.

Impossible de détourner le regard. Ils opèrent une sorte de fascination sur moi.

J’ignore combien de temps s’écoule avant que les deux hommes ne se détachent.

— Tu ne nous présentes pas ? s’étonne Ryan.

Max semble soudain se souvenir de ma présence, car il pivote vers moi avant de revenir sur son interlocuteur. Le regard de Ryan passe de Max à moi et inversement. Je peux voir les rouages de son esprit se mettre en marche.

Contrairement à moi, la situation à l’air de faire sens dans son esprit. Je l’envie, car je nage en plein flou artistique comme si j’avais manqué une ribambelle d’épisodes de ma sitcom préférée.

— On dirait que tu as trouvé de quoi t’occuper en mon absence, lance-t-il tout en repoussant Max pour mieux m’observer.

Bien que je me sois rhabillée, je me sens nue sous son regard.

Puis comme si de rien n’était, Ryan contourne Max pour venir vers moi.

Pétrifiée, je n’ose bouger, tout comme mon petit ami.

— Ryan, le compagnon de Max, se présente-t-il spontanément en me tendant sa main.

Mon souffle reste coincé dans ma gorge.

Le flegme de cet inconnu contraste avec la tension électrique qui règne dans la pièce.

Est-ce qu’il s’agit d’une plaisanterie de mauvais goût ? Ça ne peut qu’être ça.

L’homme que je fréquente depuis trois mois, celui en qui je fondais tant d’espoir, cet homme si parfait à mes yeux ne peut être en couple.

 En fait, je ne sais pas ce qui est le plus difficile à encaisser : qu’il m’ait menti, qu’il entretienne une relation avec un homme ou que je me découvre être une briseuse de ménage ?

Un mélange de sentiments opposés s’empare de moi : incrédulité, colère, humiliation et j’en passe. Non, c’est trop. Il faut que je sorte de cet appartement. J’ignore à quoi jouent ces deux hommes, mais je n’ai aucune envie d’en savoir plus.

Toute cette histoire est au-dessus de mes forces.

Je me lève pour me retrouver à quelques centimètres seulement de ce Ryan qui n’a pas bougé d’un iota.

— Je vais vous laisser, je bafouille en le contournant.

— En êtes-vous sûre ?

Je relève la tête vers lui, sans comprendre.

— En ce qui me concerne, je ne compte pas en rester là.

— Je vous assure que j’ignorais que…

Achever ma phrase ne me parait pas pertinent. Les mots sont inutiles.

Ryan pose sa main sur mon bras.

— Je n’en doute pas, rétorque-t-il tout en jetant un regard noir à Max qui se rapproche de nous.

Max nous observe tour à tour, hésitant. Il se demande sans doute lequel de nous deux il a une chance de convaincre de sa bonne foi. Ce ne sera certainement pas moi.

La colère m’envahit peu à peu et commence à me rendre revêche. Si j’en étais capable, je lui flanquerais mon poing dans la figure juste pour la satisfaction de le faire souffrir. Pourtant cette douleur ne représenterait même pas un cinquième de ce que je ressens.

Un homme honnête et sincère, est-ce trop demander ? Suis-je condamnée à vivre échec après échec ? Combien de fêlures mon cœur peut-il encore supporter ?

Sentant les larmes monter, je préfère m’échapper, drapée dans le peu de dignité qu’il me reste. Je repousse Ryan, contourne Max et me précipite par la porte d’entrée.

Dans ma fuite, j’entends vaguement les deux hommes se disputer, mais je n’y prête aucune attention. Je cours dans le couloir de l’immeuble et dévale les marches quatre à quatre, sans me retourner.

Dehors, je m’engouffre dans le premier taxi libre que je croise.

Le trajet jusqu’à chez moi n’est pas assez long pour m’empêcher de m’effondrer.

Je me sens minable alors que je n’ai rien fait de mal et je déteste ça.

— Est-ce que ça va, ma petite dame ? me demande le chauffeur.

Entre deux sanglots, j’opine de la tête. Je doute de l’avoir convaincu. Cependant, il n’insiste pas. Sa sollicitude possède quelque chose de réconfortant.