Fyctia
5 - Je t'aime
Mais après quelques minutes, alors que je le sens frémir et trembler de plus en plus, Archie pose sa main libre sur ma joue pour m’empêcher de poursuivre. Je lève les yeux sans comprendre. Haletant, mon beau rouquin semble réunir ses pensées pour parvenir à construire une phrase cohérente…
– Attends, finit-il par prononcer. Tu… Tu as l’air de respirer moins bien, non ?
– Euh…
Maintenant qu’il le dit, c’est vrai que j’ai la respiration presque sifflante. Je ne m’en étais pas aperçu, pris que j’étais dans l’instant. Archie s’en est rendu compte, malgré…
– De toute façon, j’y suis presque, ajoute-t-il en souriant devant mon air déçu. Il vaut mieux que je te prévienne, non ?
Mes joues virent à l’écarlate en imaginant ce qui aurait pu se produire s’il ne m’avait pas arrêté.
– Viens, murmure-t-il en m’aidant à me relever. Si tu veux, on peut finir autrement…
Aussitôt sur mes pieds, je l’embrasse à nouveau. Ma main trouve l’emplacement que caressait ma langue quelques instants plus tôt puis, très vite, je sens Archie se contracter et gémir contre moi. Je suis euphorique, comme si j’avais vidé la réserve d’alcool d’un bar avant une soirée étudiante. C’est lui qui me fait cet effet. Je le comprends confusément, blotti entre ses bras, nos lèvres jointes en un baiser enflammé.
Il me caresse la joue du bout de l’index. Je lui souris et le serre contre moi, une de mes mains glissant vers sa cuisse…
– Et alors, t’en as pas eu assez ? me glisse-t-il à l’oreille.
– Les bons comptes font les bons amis, Archie, lui réponds-je en mordillant son cou.
– Parce que tu fais ce genre de choses avec tes amis ?
Je m’arrête aussitôt. Son ton voilé de déception résonne comme une alarme dans ma tête. Evidemment que non. Je ne fais ça avec personne d’autre. Je ne veux faire ça avec personne d’autre…
– Je ne fais “ce genre de choses” avec personne, avoué-je en baissant les yeux.
– Et alors ? Est-ce que ça fait de nous des “amis” ?
À regret, je m’éloigne. Je ne sais pas quoi lui répondre. D’un côté, mon cœur, ma tête et tout mon corps bondissent de joie à l’idée qu’il pourrait vouloir être plus que mon ami. De l’autre…
– Je suis malade, Archie.
– Qu’est-ce que ça change ? Je t’aime, souffle-t-il.
Ohbordelohbordelohbordel.
– Et je… je n’ai jamais dit ça à personne, mais je t’aime aussi, lui réponds-je doucement. Sauf que…
Je m’interromps, le temps de trouver mes mots. Comment dire à Archie que j’ai renoncé depuis longtemps à me projeter sur le long terme ? Comment lui faire comprendre que ma maladie prend toute la place dans ma vie, si bien qu’il ne me reste pratiquement plus rien ?
– Je ne veux pas t’imposer mon existence, finis-je par expliquer. Je n’ai jamais d’énergie pour rien, je vais de rendez-vous médical en rendez-vous médical, en attendant juste la prochaine crise.
– I don’t care, honey, je savais déjà que tu étais malade il y a deux ans quand nous avons fait connaissance. Je le savais déjà quand nous avons commencé à parler par messages. Je le savais déjà qu…
Je le coupe, une boule dans la gorge et le cœur serré par ce que je m’apprête à dire.
– Arrête, Archie. Même si j’aimerais plus que tout être avec toi, nous savons tous les deux que c’est impossible… Je ne peux même pas venir te voir en ville. À quoi bon ? Il n’y a pas d’avenir envisageable pour nous, pas dans cette vie…
Je déteste ça. Tout ce que je voudrais, c’est être un garçon normal, sans maladie handicapante, sans putain d’épée de Damoclès au dessus de la tête. Je crois que je ne supporte plus de voir les autres avancer alors que je reste désespérément à la case départ de ma propre vie. Sauf que je ne peux rien faire d’autre que subir en silence. Parce qu’Archibald ne mérite pas une relation vouée à l’échec avec un mec incapable de lui donner ce dont il a besoin.
Étranger aux noires pensées qui prennent le contrôle de mon esprit, Archie pose une main sur ma joue.
– Jules. Regarde-moi.
Avec joie. Mes yeux se perdent dans les siens.
– Je me fiche que tu ne puisses pas venir me voir. Je t’aime.
– Archie… Tu sais que mon espérance de vie est trop courte. On n’a aucun avenir. Je n’ai aucun avenir.
– Ça ne change rien pour moi, proteste mon bel anglais.
– Mais pour moi si, réponds-je doucement. Je t’aime et je ne supporterai pas de te voir souffrir par ma faute.
Il ferme les yeux et pose son front sur le mien.
– Par ta faute ? Comme si c’était ta faute, si tu es malade…
– C’est pas la question, je chuchote en fermant les yeux moi aussi. Je supporterais pas de te voir me regarder disparaître. Je ne veux pas que tu sois aux premières loges quand mon état va empirer. J’ai passé du temps dans les hôpitaux, j’ai vu les proches de patients plus atteints que moi s’effondrer en quittant la chambre. S’effondrer, Archie. Au sens propre.
Le rouquin pousse un long soupir. Il a du mal à comprendre, je le vois bien. Malgré tout, il sait que j’ai raison. Il sait que, de nous deux, c’est moi qui saisis le mieux la situation.
– Alors qu’est-ce que je suis censé faire de ces sentiments ?
– Laisse-les de côté, je soupire à mon tour. Oublie-les. Réserve-les pour quelqu’un d’autre.
– Et si je ne veux pas les oublier ? Si je ne veux pas quelqu’un d’autre ?
– Écoute… On n’a pas le choix.
– Bien sûr que si. C’est toi qui choisis de renoncer avant même d’essayer.
Je le serre contre moi. Je n’arrive pas à croire à ce que je suis en train de faire. Suis-je vraiment en train de couper court à une relation avec l’homme que j’aime ?
– Je ne renonce à rien. Tu ne te rends pas compte du cadeau que tu viens de me faire. Je pensais que je ne connaîtrais jamais l’amour. Mais je ne peux pas supporter l’idée que je te retiendrais avant de partir, que je t’empêcherais de construire autre chose avec quelqu’un…
Ma voix se brise. Je ne m’étais pas aperçu qu’un sanglot se coinçait dans ma gorge. Archie passe la main dans mes cheveux et niche son nez dans mon cou. J’ai l’impression de sentir des larmes contre ma nuque. Je ne peux pas en être sûr.
– Please, ne parle pas comme ça…
– Mais c’est vrai, Archie. Je ne peux pas avancer sans avoir en tête que les chances sont contre moi. Et ce serait horrible de ma part de te garder prisonnier d’une relation sans avenir, qui va fatalement te briser tôt ou tard. Mieux vaut te laisser partir dès maintenant…
Cette fois, je ne peux plus poursuivre. Archie doit le sentir, il me serre encore plus fort dans ses bras. Nous restons là, blottis l’un contre l’autre dans la lumière insolente du coucher de soleil, pendant un long moment. Finalement, il redresse la tête. Lorsque je l’imite, je lis dans son regard chocolat, inondé de larmes, une détermination que je n’avais jamais vue chez lui.
– Okay, on en reste là, souffle-t-il. Mais ne compte pas sur moi pour “trouver quelqu’un d’autre” ou “oublier mes sentiments”.
Sans me laisser répondre, il m’embrasse une dernière fois. Ce baiser a une saveur différente du feu et de la passion des précédents. Il a le goût de l’absolu, de l’éternité. Un goût de promesse.
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cwritess08
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Il y a 10 mois
Arca Lewis
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Il y a un an
LiliJane
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camillep
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Misa Miliko
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Manon_fgt
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Lu La Morinie
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