Fyctia
Chapitre 16 : Ethan -1-
Je n’ai rien avalé depuis une collation dans l’avion avant l’atterrissage. Mon ventre crie famine et m’oblige à me rendre à ce déjeuner avec Théo. Dire que j’ai une folle envie de me retrouver face à lui est un mensonge. En vérité, nous nous évitons depuis bien des années. Moi par pure jalousie, je dois bien l’avouer. Lui, sûrement parce que je ne partage pas sa passion pour le sport. Il a la chance d’avoir eu nos parents derrière lui. Ils vivent, respirent, rêvent football. Tandis que de mon côté, le dessin occupe mes pensées pendant que mes rêves sont ponctués de cauchemars et de réminiscences obscures.
Tiens le coup, juste trente petites minutes. Ha oui, si c’était aussi simple. Parler de la pluie et du beau temps sur l’île. Et puis… puis… Je sèche complètement. Je connais tout de sa vie, dans les moindres détails. Même en étant en collocation loin de chez nos parents, loin de chez lui, je suis au courant de tous ses faits et gestes. Il est l’espoir du football américain et rejoint l’équipe des Giants à la rentrée. Il a redoublé d’efforts ses dernières années pour en arriver à un tel niveau, porté toujours plus haut par nos parents. Nous sommes tous fiers de lui, même moi. Il reste mon petit frère malgré la rancune que j’éprouve.
J’attrape à la hâte les documents que je dois lui faire signer pour valider son contrat avec une des équipes les plus importantes de notre pays. Huit titres nationaux et quatre Super Bowl gagnés, ce n’est pas rien. Je vérifie que tout y soit bien rangé avant de sortir de ma chambre. J’aime l’odeur de l’été, un mélange d’iode et d’herbe fraîche qui flotte dans le couloir et chatouille mes narines. Pour un peu, je pourrais presque réussir à me détendre dans cet endroit paradisiaque. Sortir de ma zone de confort et de mon train-train quotidien m’aidera peut-être à retrouver l’équilibre qui manque tant à ma vie.
J’attends quelques secondes l’ascenseur avant de m’engouffrer dedans. Appuyé contre le grand miroir au fond du petit espace, je regarde les chiffres défiler. 5, 4, 3, 2, 1. Dans un léger tintement, les portes s’ouvrent sur une jeune femme aux courbes généreuses, et à la peau bronzée. Ses créoles scintillent sous les rayons du soleil qui inondent le hall.
— Tiens, mais quelle magnifique coïncidence !
Il ne manquait plus qu’elle. Nélia, la meilleure amie d’Eva m’accueille de sa voix mielleuse. Elle place une mèche de ses cheveux ondulés derrière une de ses boucles d’oreilles imposantes et rit de manière exagérée. Son parfum généreusement aspergé me prend à la gorge, mais je garde une expression neutre. Je n’avais pas été séduit par son manège dans l’avion, et ça ne fonctionnera pas plus ici.
Elle ne me laisse pas le temps de sortir de l’ascenseur. Elle pose ses mains sur mon torse et me pousse à l’intérieur. J’aimerais la repousser, mais je suis sous le choc. Comment peut-on avoir autant confiance en soi pour se permettre un tel comportement ? Avant que je ne réussisse à me ressaisir, les portes se ferment à nouveau. Je suis pris au piège dans cette boîte de métal. Tu exagères Ethan ! C’est vrai, c’est une réaction exagérée. J’ai eu une mauvaise première impression la concernant. La promesse numéro 2 n’était que pour Éva et moi, mais je dois avouer que prendre le temps de connaître les gens ne me ferait pas de mal.
— Ravie de voir que nous logeons dans le même hôtel.
Ses mains à nouveau à bonne distance de moi, elle me scrute tel un bout de viande. Je la dévisage rapidement. Elle est tellement différente de sa meilleure amie. Moins discrète, plus sûre d’elle. Ses yeux me scrutent, aguicheurs, tentant de faire tomber mes défenses. Pourtant, dans le fond, j’y vois une ombre, une tristesse bien cachée. Ne serait-ce qu’une façade ? Elle passe une main dans ses cheveux et me ramène à l’instant présent.
— Le monde est beaucoup trop petit, je laisse échapper d’une voix que j’espère la moins sèche possible.
Elle éclate d’un rire sonore. C’était plus un pique qu’une blague, mais elle ne l’a pas compris. Le point positif de cette rencontre, c’est que si elle se trouve ici, Éva l’est aussi. Je n’oublie pas la promesse que je lui ai faite avant de descendre de l’avion.
— Tu as prévu d’aller à la fête sur la plage ce soir ?
Comme si j’avais que ça à faire. Ses paroles flottent entre nous tandis qu’elle passe à nouveau une main dans ses cheveux. Elle cherche visiblement à capter mon attention. Je pourrais l’envoyer balader, mais ce n’est pas mon style. Je préfère garder un ton poli, même si la proximité dans cet ascenseur me pousse à chercher un peu d’air. L’odeur trop prononcée du parfum de la jeune femme envahit l’espace. Je devine une note beaucoup trop importante de fraise et de menthe.
— Je verrai, je réponds simplement en reportant mon regard sur les chiffres qui défilent.
Son rire éclate, clair et sincère cette fois, comme si elle y voyait une promesse que je ne lui ai pas faite. Les bras croisés sur la poitrine, le dossier serré entre mes doigts, je fixe à nouveau les chiffres qui défilent. 1, 2, 3. Mon cœur bat à un rythme beaucoup trop rapide. Je suis sûr qu’elle réussit à voir les mouvements de celui-ci à travers mon t-shirt.
— Ma chambre se trouve au troisième étage. Porte 309, me glisse-t-elle avec un clin d’œil.
Les portes s’ouvrent enfin, et elle descend avec un geste de la main. Ses créoles tintent légèrement alors qu’elle s’éloigne. Avec un soupir discret, je resserre les documents entre mes mains et reprends le chemin vers la salle de réception. Les rares personnes que je croise me saluent d’un signe de tête ou arborent un large sourire. Cet endroit me change de ma vie à New York, dans le tumulte de la ville et des gens pressés.
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Stormy__a
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Il y a 22 jours
scriptosunny
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Il y a 22 jours
NATEY
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Il y a 24 jours
scriptosunny
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Il y a 24 jours
Dorothée.D
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Il y a 24 jours
scriptosunny
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TammyCN
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Il y a 24 jours
scriptosunny
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Il y a 24 jours
DIANA BOHRHAUER
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Il y a 24 jours
Louisa Manel
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Il y a 24 jours