Fyctia
Un peu de Sel
Dans cette fontaine une mer s'est formée. Ses grains de Sel sont devenus nos grains de folie.
- - Rose ?
- - Oui Selma ?
- - Ce monde va de travers. Réparons-le.
- - Mission acceptée !
Alors nous nous sommes emparées du Sel comme élément. Nous sommes entrées dans la peau de nos personnages.
Moi, fée naufragée ayant grandi parmi les pirates. Je voguais les yeux grands ouverts, à la recherche d'aventure.
Chaque jour se ressemblait sur mon navire, je m'étais lassé de son charme orgueilleux. Ses grandes voiles n'étaient plus aussi blanches. Sa tour de guet qui s'élevait vers l'infini ne m'impressionnait plus. Ses cordages sur lesquels je m'amusais autrefois à grimper étaient usées et avaient rendus mes paumes rêches. Je ne profitais pas non plus du pont pour me prélasser au soleil. Le solide gouvernail en chêne était laissé à l'abandon. Le bateau errait en mer profonde, sans direction ni horizon, avec moi seule pour équipage.
Pour un jour de plus, je tendis ma longue vue. Je n'avais plus l'espoir d'apercevoir la Terre, aussi j'observais le ciel et ses reflets irisés, les traînées laissées par les avions. Les oiseaux qui passaient par là me saluaient de leurs danses aériennes avant de repartir, plus loin. Vers l'inconnu.
Ce jour-là, le bleu était couvert de nuages.
Je ne distinguais plus aucune forme, seulement une marée de cotons. Je songeais à leurs douceurs présumées, à ces nuages impalpables. Qui a dit cela un jour ? Juste en les apercevant, sans jamais pouvoir les toucher, le premier mot dont on qualifie un nuage est sa texture. Quelle ironie !
Et puis j'ai vu une étoile filante traverser le ciel ! Une étoile? à cette heure-là ? Non ce devait être autre chose… Un oiseau ? Mais...et cette lumière ? J'avais beau étirer ma longue vue, impossible de reconnaître la créature qui s'était emparé du ciel comme scène pour son ballet féerique.
Plus qu'intriguée, je descendis de ma tour. J'escaladais à l'envers les cordages, écorchant mes mains dans la précipitation. Le temps s'était comme arrêté. J'entendais le grondement de la mer en fond, et le vent qui tentait de l'apaiser. Je courrais vers le gouvernail. Mais à force d'avoir appris à se diriger seul, le mécanisme s'était enroué. Je m'appuyais de tout mon poids contre la barre, tout en gardant les yeux fixés sur le ciel. La roue gémissait doucement. Quand enfin la barre céda, je conduisis le navire au plus près de cet oiseau flamboyant.
Juste en dessous, mon navire au Zénith, l'ombre qui se projetait sur l'océan était parée de mille reflets ! Elle était sombre, mais semblait mettre en lumière chaque détail qui constituait sa surface. Des algues flottaient, des poissons ondulaient, leurs bulles d'air remontaient… La synchronisation du chaos s'opérait.
Ma main en visière, je plissais les yeux et levais la tête. L'oiseau semblait se débattre contre le vent. Mais la lutte n'était pas égale, le vent est inépuisable. Je naviguais tant bien que mal pour vous suivre. Il descendait tout doucement, ni le temps ni la pesanteur n'avaient d'emprise sur son corps.
Au milieu du pont, je me résolus à l'évidence. Ce n'était pas un oiseau. C'était une fée. Une fée grand format, comme celles qu'on trouve dans les contes. C'était toi. Tes cheveux pleins de Sel et tes petites ailes froissées après ce rude duel contre le ciel, tu semblais épuisée. Tu as levé les yeux vers moi et d'un air déterminé, tu as dit :
- - Cap sur la Terre !
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