Fyctia
Chapitre 6.4
Mes yeux s’écarquillèrent et il opina vivement en gesticulant dans tous les sens, fou de joie.
— Oui ! J’ai vu un greffier de guilde et j’en ai créé une ! Je suis le maître de guilde des Fils de la Lumière !
J’eus une moue dubitative, ce qui le refroidit quelque peu.
— Et à part toi, dans la guilde, il y a qui ?
Il me prit par les épaules et me parla avec un sérieux presque grave qui ne lui allait pas du tout. Il était tout simplement en train de jouer la comédie.
— Lyall, veux-tu devenir mon bras droit ?
J’éclatai aussitôt de rire, me détendant, ce qui le rassura.
— Bien sûr ! Tu m’as soutenu, je vais en faire autant. Sinon, qui d’autre as-tu l’intention de prendre sous ton aile ?
Il allait me répondre lorsqu’Iriko se manifesta enfin. Il avait l’air curieux et intrigué d’un enfant sage intéressé par le jeu des autres.
— Vous montez une guilde ?
Shaïn sursauta en découvrant sa présence.
— Woh ! Il sort d’où, celui-là ?!
— Il m’a ramassé entre Imril et Oftar. Sans lui, je serais mort.
Mon ami me jeta un regard choqué, avant de détailler le nouveau venu de la tête aux pieds, les yeux plissés. C’était un examen approfondit sans autre forme de procès. Iriko sembla un peu gêné, ce qui pouvait se comprendre.
— Niveau 18 ? lâcha Shaïn, perplexe. Mais qu’est-ce que tu fais ici ?
— J’avais besoin des talents d’un joueur forgeron et Lyall m’a semblé être doué. Cela ne s’est pas démenti.
Shaïn se calma et redevint le jeune homme un peu excité que je connaissais.
— Donc, que veux-tu ?
Iriko me jeta un regard, mais finalement se concentra sur mon ami. Il fit à nouveau cette courbette en avant qu’il m’avait servie pour me remercier, un peu plus tôt dans la journée.
— Je voudrais intégrer votre guilde, s’il vous plaît.
Shaïn et moi échangeâmes un regard surpris. Qu’est-ce qui lui prenait ? C’était certainement un excellent joueur, vu son niveau actuel et l’équipement que je lui connaissais. Alors pourquoi venait-il faire équipe avec nous qui n’avions pas encore quitté Bellal ?
Shaïn se frottait le menton, l’air songeur, évaluant déjà les intérêts à accepter une telle proposition. Mais je le connaissais assez à présent pour savoir qu’il faisait semblant. Dès l’instant où Iriko avait proposé de faire partie de notre guilde, il l’avait déjà accepté. Ce qui se confirma rapidement.
Shaïn lui tendit la main en souriant.
— Bienvenue chez les Fils de la Lumière, Iriko, le mystérieux et sombre sauveur de Lyall.
Mon ami n’avait pas tort, notre nouvel allié dénotait un peu, de ce côté-là. Mais son épée en poussière d’étoile céleste compensait largement.
Nous envoyant simultanément une invitation de guilde, Shaïn se retrouva à la tête d’une petite guilde comprenant trois membres. Il me nomma bras droit, et fit d’Iriko un officier.
J’en profitai pour le relancer sur les autres recrues qu’il avait en tête.
— Alors, ces autres joueurs ?
Il me sourit et, quelques minutes plus tard, nous nous trouvions à l’auberge du Chat Noir, attablés avec deux autres personnes, ceux que Shaïn avait rencontrés par le biais du journal.
— Je vous présente Wayann et Azril. C’est Wayann qui m’a mis au courant pour l’apprentissage avec le PNJ forgeron. C’est donc à lui que tu dois en partie ta forge, aujourd’hui.
Je remerciai l’homme en question d’un hochement de tête et le détaillai rapidement. Il avait des cheveux couleur caramel et un visage avenant. Je su tout de suite que c’était quelqu’un à qui nous pourrions nous fier. Quant à son comparse, j’eus globalement la même impression, même si lui avait la peau couleur chocolat et le crâne pratiquement chauve.
À présent, nous avions un maître de guilde, un bras droit, un officier, et deux membres. Ça s’annonçait bien pour la suite, à condition que nos optiques de jeu puissent coïncider, et que nous puissions nous entendre.
Nous passâmes donc notre soirée à apprendre à nous connaître, à élaborer un futur pour la guilde. De nous cinq, j’étais le seul à avoir un métier et j’avais le plus faible niveau. Mais les quatre autres étaient néanmoins d’accord sur le fait que j’étais l’atout de la guilde du fait que j’étais forgeron, et qu’ils m’aideraient autant que possible, tant sur la récolte de matériaux que pour monter des niveaux.
— Et le but de cette guilde, au final, quel est-il ? demandai-je.
Les quatre autres se tournèrent vers moi comme si je venais juste de me connecter, débarquant au milieu d’une conversation dont je n’avais rien suivi.
— Veiller les uns sur les autres pour nous garder en vie, et s’échapper de ce jeu, dirent-ils d’une même voix comme s’ils avaient répété cette scène des centaines de fois.
— Ok, ok.
Wayann me fixa avec surprise.
— Ce n’est pas ton but ?
— Je n’en ai pas vraiment, avouai-je sincèrement, au risque d’être pris pour un fou.
— Tu ne veux pas sortir d’ici ?
— C’est compliqué…
Wayann allait ajouter autre chose, mais Iriko intervint pour m’épargner des explications difficiles et pas évidentes à comprendre :
— À vrai dire, cela importe peu, non ? Le but de la guilde est de s’entraider pour que tout le monde reste en vie. Cela ne demande pas nécessairement que tous les membres de la guilde aient le même objectif.
Shaïn acquiesça avec un sourire confiant.
— C’est vrai. Lyall, il va falloir que tu montes un peu, que l’on puisse se faire quelques sorties de guilde de temps en temps.
— Et ma forge ? plaidai-je. J’ai beaucoup de clients, je ne peux pas m’absenter comme ça.
— Ne t’inquiètes pas, me rassura Iriko en posant une main sur mon épaule. Je vous emmènerai plus loin et tu gagneras plus d’expérience et plus rapidement. Ainsi, tu pourras te consacrer plus facilement à ta forge. C’est un don précieux qu’il faut que tu conserves.
Shaïn devint songeur.
— Hmm… Oui. Pourquoi ne pas forger le matin et sortir l’après-midi ? Quand tu seras plus fort et que nous aurons de l’argent, tu vendras ta forge à Bellal et nous achèterons un quartier général de guilde qui en a une.
Je ne me voyais pas encore abandonner la ville. J’avais commencé à m’y faire. Pourtant, je devais avancer, aller de l’avant. Je ne pouvais pas non plus m’éterniser ici, ni tomber dans la routine d’un quotidien trop facile et linéaire, sans surprise.
Avec un soupir un peu triste, j’acquiesçai néanmoins. Cette guilde était un nouveau départ que nous prenions tous. Nous choisissions d’avoir un futur.
Je souris et levai ma chope de bière, tournée offerte par notre jeune maître de guilde.
— Aux Fils de la Lumière !
Ils renchérirent avec le même sourire :
— Aux Fils de la Lumière !
2 commentaires
Kathleenm
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Il y a 3 ans
Amphitrite
-
Il y a 3 ans