Fyctia
Chapitre 6.2
J’étais à présent de niveau 5, après deux mois de jeu, alors qu’il n’avait fallu à Shaïn qu’une semaine intensive pour atteindre ce même niveau. A vrai dire, cela m’était bien égal. Le seul souci que cela me posait était que je ne pouvais pas me balader à ma guise n’importe où en raison de mon trop faible niveau. C’était déjà un miracle en soi que j’ai réussi à atteindre Imril sans mourir. Se rendre à Oftar s’annonçait donc dangereux, dans la mesure où c’était une zone du double de mon niveau actuel.
Pourtant, je quittai Imril et sa région infestée de niveaux 6 et 7. Une pancarte indiquait la direction de la prochaine ville et je suivis ce chemin. Il était bordé de vergers infestés d’araignées de tout poil, aussi grandes que de petits enfants. Leurs yeux noirs et brillants, leurs pattes qui se mouvaient horriblement vite et leur bruit chitineux incessant me filaient la chair de poule. Leur réalisme était à donner des cauchemars. Raison pour laquelle, restant sur le chemin, je ne devais pas craindre une attaque de leur part.
Pensais-je.
Soudain, un message clignota en orange, trois secondes, sur mon interface, pour me prévenir que je venais d’entrer dans le périmètre d’un évènement intitulé « La matriarche araignée ».
Et merde.
Je jetais un coup d’œil dans mon dos. Devais-je fuir vers Imril, courir vers Oftar, ou encore tenter ma chance ? Il n’y avait pas un joueur dans les environs. Ils gravitaient plus autour d’Oftar et dans la zone suivante. Il semblait que j’étais seul.
Je n’eus pas à réfléchir davantage que les PNJ se mirent tous en même temps dans la même position, accroupis par terre, les bras levés devant leur visage comme pour se protéger. C’est alors que l’énorme araignée tomba littéralement du ciel au beau milieu du chemin.
Niveau 7, vétéran.
J’allais mourir.
En une fraction de seconde, j’évaluai mes chances de m’enfuir avant de me faire tuer, mais il était évident qu’il ne me faudrait pas grand-chose pour mourir.
L’arachné se glissa vivement vers moi dans un chuintement désagréable. Son abdomen proéminent se balançait à l’arrière de son corps, énorme, écœurant. Ses multiples pattes, hérissées de piques, avaient l’air acérées comme des lames de rasoir.
Elle attaqua la première, me jetant sa toile visqueuse à la figure. J’en aurais vomi. J’étais à présent immobilisé de la tête aux pieds, et j’eus beau gesticuler dans tous les sens, il n’y avait rien que je puisse faire pour m’échapper.
Poursuivant son assaut, elle me frappa au niveau du ventre pour commencer et je tressaillis. Ma jauge de vie baissa d’un sixième. Un deuxième coup m’atteignit, toujours au ventre. Si je ne me libérais pas rapidement, j’allais vraiment y laisser ma peau. Et curieusement, pour une fois, cette hypothèse me révulsait.
Je parvins à me dégager au moment où elle frappait à nouveau. Il ne me restait plus que la moitié de mes PV, et je n’avais pas un instant pour boire une potion qui m’en redonnerait.
Je tirai sur la longue claymore passée dans mon dos que j’avais forgée moi-même trois jours plus tôt. Il était trop tard pour fuir. Quitte à mourir, autant vendre chèrement ma peau. Pourtant, il était évident que je ne gagnerais pas. J’avais beau avoir une arme réputée pour causer de lourds dégâts, j’y perdais beaucoup en vitesse, et c’est ce qui me valut deux nouveaux coups. Si je me faisais toucher de nouveau, j’étais mort.
Il lui restait encore deux tiers de sa vie à ce monstre.
Je n’étais pas fatigué, mais mon cerveau peu habitué à être tant sollicité en continu avait du mal à suivre le mouvement et faire tout ce que je lui demandais. Je me retrouvais donc à haleter, et ma gorge me semblait si sèche qu’en déglutissant, j’eus le sentiment d’avaler des bouts de verre. En dépit de ça, mon cerveau savait que j’étais en grand danger, et des instincts que je ne pensais pas posséder me sauvèrent la vie in extremis.
Mais arriva le moment où même les dernières ressources venaient à s’épuiser. Alors, on ne pouvait plus rien y faire.
Je tentai le tout pour le tout et m’apprêtai à foncer droit sur le monstre en hurlant. Mais je me pris les pieds dans une pierre et trébuchai, maladroit comme j’étais dans les moments les plus inopportuns… Je ne pouvais à présent plus rien faire pour éviter la patte qui se précipitait sur moi, rien faire pour empêcher le drame que mon cerveau avait du mal à anticiper.
Malgré tout, en désespoir de cause ou d’autre chose, je roulai sur le côté pour esquiver tandis qu’elle poussait un cri qui n’eut rien pour me rassurer. Mais soudain, elle se retourna, comme si je n’existais plus, et s’écroula bientôt, morte.
L’écran des récompenses s’afficha et je glissai sur le dos sans comprendre ce qui venait de se passer. J’entendis seulement des pas sur le chemin et, levant les yeux dans la direction d’où ils venaient, je découvris une paire de bottes noires juste sous mon nez.
— Ça va ? s’enquit une voix inquiète.
Je me redressai et m’assis au beau milieu du chemin, sans gêne. Un joueur vêtu d’un grand manteau noir se tenait là, face à moi. En m’intéressant à ses caractéristiques, je découvris qu’il s’appelait Iriko et qu’il était de niveau… 18 ?!
J’ouvris des yeux ronds, la bouche béante.
— Euh…
Il me sourit gentiment.
— Ah, ça y est, ta jauge se rempli, dit-il avec soulagement. Un moment, j’ai vraiment eu peur de ne pas y arriver à temps.
Il semblait réellement rassuré et soulagé que je m’en sois sorti.
Je ne pus m’empêcher de le détailler de la tête aux pieds. Il avait les cheveux aussi noirs que la nuit, assortis à la couleur de son manteau, dressés en pics soignés tel un hérisson, comme si tous les matins, devant le miroir, il se coiffait avec du gel. Son regard lui aussi était obscur, et bien que l’ensemble fût aussi sombre que les ténèbres, il dégageait une certaine lumière et une aura de bienveillance et de confiance. Quoi que, c’était certainement dû à son niveau si je me sentais autant en sécurité avec lui.
— La vache ! soufflai-je, impressionné mais encore sous le choc. Merci. J’ai vraiment cru que c’était fini pour moi. Merci infiniment !
Il m’aida à me relever en souriant. Il avait vraiment quelque chose de calme, de posé en lui. Il était l’exact opposé de Shaïn.
— Que fais-tu par ici ? s’enquit-il. Tu devrais faire plus attention. Avec ton niveau, tu devrais rester près d’Arun ou d’Imril, ou au moins te faire accompagner.
Je secouai la tête en remettant ma claymore dans mon dos.
— J’ai besoin de minerai de fer que l’on ne trouve que part ici, pour ma forge.
Le regard sombre d’Iriko s’éclaira.
— Je comprends mieux pour ta claymore.
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— Je n’en ai jamais vu de semblables. C’est du bel ouvrage.
Son compliment me fit plaisir. Pour une fois qu’on reconnaissait la valeur de mon travail !
— Merci.
— À ce propos…
Il devint songeur.
— Je peux te demander un service ?
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