Fyctia

Nous entendons tout à coup le sifflement ridicule de Tom. Nous nous sourions et sortons de derrière notre guet. Je garde sa main dans la mienne pour le guider jusqu'au Jacaranda dans lequel se trouve la cabane de ma mère.

Je me projette déjà et essaie d'imaginer la réaction de ma mère quand elle va voir que je lui ramène un inconnu. J'espère qu'elle le prendra bien, et surtout je prie du fond de mon cœur pour qu'elle ne soit pas au courant de ce que Solàn va lui révéler, sinon je le ressentirai comme une trahison de sa part. Cela signifierait qu'elle sait que papa et mon frère sont peut-être en vie sur une autre planète, et qu'elle ne me l'aurait pas dit. Je crois que je ne pourrai pas le supporter.

Nous ne croisons personne. Tom a bien fait son boulot d'éclaireur. Mon cœur tambourine dans ma poitrine comme un oiseau qui voudrait sortir de sa cage. C'est tellement excitant de vivre des aventures imprévues ! En même temps, je suis un peu stressée à l'idée de révéler tout ce que j'ai découvert à ma mère. Mais je suis aussi hyper heureuse de tenir la main de Solàn dans la mienne. C'est un véritable feu d'artifice dans ma tête ! Mamie adorait me raconter les "feux dentifrice" de son enfance. Moi je n'en ai jamais vu. Elle les appelait ainsi pour se moquer tendrement de ma mère, qui avait du mal à prononcer ce mot quand elle était petite. J'aurais tant aimé pouvoir lui raconter ce qui m'arrive depuis quelques jours.

Quand nous arrivons au pied de l'escalier en colimaçon, je soupire de soulagement et fait signe à Solàn qu'il faut monter. Je vois qu'il est un peu surpris. Il marque un temps d'hésitation puis s'engage lentement sur les planches de bois un peu vermoulues. Aurait-il le vertige ?

J'arrive en premier sur le palier et toque à la porte, cinq coups. Un long, trois courts et un dernier bien appuyé. C'est notre petit signal secret dans la famille. Enfin, famille réduite à deux personnes depuis plusieurs mois.

Pas de réponse.

J'appuie sur la poignée de la porte et entre sans y avoir été invitée.

Ma mère pousse un cri ! Elle est à moitié nue !

Je reste bien dans l'encadrement de la porte pour que Solàn n'assiste pas au spectacle. Je trouve ça très drôle. Ma mère aussi, mais elle ne sait pas que je suis accompagnée. Elle enfile un gilet long et tout doux par-dessus ses sous vêtements. Les adultes ont le droit de s'habiller comme ils veulent quand ils sont chez eux, contrairement à nous. Il me tarde d'avoir moi aussi ce privilège.

- Pourquoi tu n'entres pas Ello ?

- C'est que je ne suis pas seule maman !

- Ah ! Tu es venue avec Lydia ? Tu sais qu'elle est la bienvenue ici, pas besoin de me demander l'autorisation d'entrer.

- Ce n'est pas Lydia, maman, c'est Solàn.

Je m'efface à cet instant pour le laisser entrer. Ma mère reste muette de surprise pendant un instant. Puis elle replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille et retrouve ses esprits.

- Solàn ? Il ne fait pas partie de notre Academy !

Solàn incline légèrement la tête pour la saluer.

- Bonjour madame.

Ma mère sourit. Elle a l'air charmée par Solàn, tant mieux. Elle joint ses mains et s'incline vers l'avant pour le saluer.

- Bonjour, jeune homme ! Je m'appelle Morgane. Je suis professeur de botanique et herboriste. Je suis aussi la maman de la jolie jeune fille qui t'a amené ici.

Oh ! Elle est gênante de dire ça !

Elle s'approche et lui montre une chaise pour l'inciter à s'asseoir.

- Que viens tu faire à l'Academy ?

Solàn s'assoit, marque un temps d'hésitation, et me regarde, l'air de me dire que je suis la fautive dans l'histoire, et que je dois prendre mes responsabilités.

- C'est moi qui l'ait fait venir ici maman.

- Ah ! Comment ça fait venir ? C'est une île ici !

- Je me suis téléportée sans autorisation, et je suis retournée au caroubier vénérable que j'avais découvert la dernière fois. J'ai rencontré Solàn. Quand j'ai voulu rentrer, quelque chose a mal fonctionné et Solàn est arrivé ici à ma place.

Ma mère fronce les sourcils. Je vais passer un sale quart d'heure...