Fyctia
Chapitre 12 - Suppression
Je passe mes mains sur mon visage, tentant de remettre mes pensées en ordre. Il rit doucement et prend une gorgée de café. Mes yeux ne quittent pas sa tasse. L’odeur me donne déjà l’eau à la bouche.
"Tu veux un Doliprane, ou t’as prévu de mourir en martyr sur ce canapé ?"
Je lève difficilement les yeux et fais un vague signe.
"Café.
— C’est bien ce que je pensais."
Je l’entends bouger, sortir une tasse, la remplir. Quelques secondes plus tard, il me la tend. J’attrape le mug et le garde entre mes doigts. La chaleur m’aide à revenir un peu à la réalité.
"Noa ?
— Toujours en hibernation. Il s’appuie contre le plan de travail. Elle a marmonné un truc sur sa carrière foutue et s’est rendormie."
J’hoche lentement la tête et prends une première gorgée.
Mauvaise idée.
Trop chaud.
Je grimace, repose la tasse sur ma cuisse et lève un regard fatigué vers Theo.
"T’étais bien plus bavarde, hier soir."
Un frisson me traverse.
"J’ai dit quoi ?"
Il hausse les épaules.
"Pas grand-chose d’utile. Juste des trucs sur ton enfance en Serbie.
— C’est tout ? je demande sceptique, en plissant les yeux.
— Ça, et le fait que t’es convaincue que ton chat d’enfance était un espion du gouvernement."
Je fronce les sourcils.
"C’est pas complètement faux. Il disparaissait des jours entiers et revenait avec une tête louche."
Theo lève les mains, faussement défensif.
"J’dis pas que t’as tort, juste que c’était drôle à entendre en boucle pendant une heure."
Je me laisse tomber contre le dossier du canapé. Si c’est la seule connerie que j’ai racontée, on s’en sort bien. Mais le doute persiste.
Et si j’avais dit autre chose ?
Quelque chose que Theo ne mentionne pas ?
Je repose ma tasse et lève les yeux vers lui.
"Theo…"
Il me regarde, sourcil levé.
"T’as déjà piraté un serveur gouverne—"
Avant que j’aie le temps de finir, un cri éclate puis s'en suit des pas précipités depuis le couloir.
Je tourne la tête et vois une tornade rousse débouler dans le salon.
Noa.
Paniquée. Essoufflée. Sur le point de faire une crise d’angoisse.
"Ma-marcus…"
Sa voix tremble, se brise, bute sur le prénom comme si le dire à voix haute rendait l’horreur plus réelle.
Ses yeux sont rouges, brillants de larmes qu’elle ne retient plus. Elle va claquer.
"J’ai eu un appel du taf…"
Elle prend une grande inspiration, mais son souffle est haché, irrégulier.
Ses yeux sont rivés sur moi. Elle me transperce.
Et là, je le sens.
Quelque chose d’instinctif, de primaire, glace ma colonne vertébrale.
Puis elle lâche la bombe.
"Il est mort."
Sa voix de brise sur le dernier mot. Puis le silence. Un silence abyssal, suffocant, comme si l’appartement venait d’être aspiré dans un néant oppressant.
Mes doigts se relâchent.
Ma tasse chute. Le fracas de la porcelaine éclatée explose dans la pièce.
Noa sursaute violemment, comme si c’était un coup de feu.
Elle tremble. Elle est terrifiée.
Et je crois que je suis pas loin de la rejoindre.
1 commentaire
lea.morel
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Il y a 2 mois