Fyctia
19
J’attends devant le café. C’est moi qui ai proposé le rendez-vous, je me dois d’être au moins à l’heure voire un peu en avance. Mais je me les gèle… J’ai comme une sensation de « déjà-vu », la seule différence avec la dernière fois, c’est qu’il fait jour et que Mr. Coquille-vide n’est pas présent. Enfin je crois… Rien n’est moins sûr alors je regarde tout autour de moi afin d’être certaine qu’il ne se cache pas dans un recoin sombre de l’immeuble. Me tournant à nouveau dos au café, je me retrouve face à face avec Théo que je n’ai pas entendu arriver. Je sursaute et porte la main à mon cœur, puis me met à rire de moi-même.
« Pardon, je ne vous avais pas vu, m’excusé-je.
Il me rejoint dans le rire, et je peux deviner une légère fossette sur sa joue gauche, sous la barbe naissante. Sa voix et grave et chaude lorsqu’il rit.
Il s’efface en ouvrant son bras pour m’inviter à entrer la première dans le café. La chaleur à l’intérieur offre un contraste saisissant avec le froid du dehors. Un frisson de bien-être me parcourt l’échine tandis que je détaille la salle. Avec ses murs en grosses pierres de tailles beige, le café me fait penser à un mas provençal, il y a un côté très chaleureux presque familial, et le mur de verre, côté rue, apporte une touche de moderne et laisse entrer toute la lumière à l’intérieur. Depuis le temps que j’habite dans cette ville, je n’avais encore jamais mis les pieds dans cet établissement. Ce n’est pas faute d’être souvent passée devant pourtant.
Mes mains tremblent lorsque je tire une chaise, après que le serveur qui nous a accueilli nous ait guidé jusqu’à une table. Je crois que je stresse un peu, ou que je suis un peu intimidée d’être sous le feu de son regard, si intense. Celui de Théo, pas le serveur. Je m’empresse de retirer manteau, bonnet, écharpe et de mettre mes mains sous la table, sur mes genoux, pour cacher mes tremblements. Mais c’est sans compter sur mon visage que je sens se colorer, et pas que à cause du contraste chaud /froid. Traite ! Impossible de masquer mon trouble si je rougis comme une écrevisse, même en baissant la tête. Il est sourd, pas aveugle. D’ailleurs, contrairement à moi, Théo à l’air plutôt serein. Ou alors il est très bon comédien, ce qui ne me surprendrait pas vue sa performance de samedi.
Le serveur revient pour prendre notre commande et je comprends très vite que je vais assister au quotidien de Théo, à savoir l’incapacité de la plupart des personnes à essayer de le comprendre lorsqu’il communique avec elles. Avec sa main gauche, tenant un contenant invisible, et sa main droite, index touchant le pouce et les autres doigts ouverts, il fait le geste de tremper quelque chose. Vu l’heure, ce n’est à priori pas pour tremper des tartines dans un bol de café ou de chocolat. J’en déduis donc qu’il demande un thé ou une infusion. J’observe alors le serveur qui lui ne devait pas être un pro des 3èmes manches de Time’s up. Les sourcils froncés, on peut facilement lire sur son visage qu’il est loin de comprendre. Pire. Au bout de quelques secondes, il se désintéresse complètement de Théo pour se tourner vers moi avec un sourire qui se veut…sympathique ? Désolé ? Charmeur ? Je n’arrive pas à bien le définir mais s’il pense marquer des points, il se fourre le doigt dans l’œil jusqu’au coude le garçon.
- Les dames d’abord. Mademoiselle je vous écoute.
Non mais quelle impolitesse ! Quel culot !
- Alors pour commencer ce sera Madame, et ensuite mon ami ici présent était en train de vous dire ce qu’il souhaitait commander.
Je vois rouge et lui ne sait plus où se mettre. Ça lui apprendra. Théo, qui a suivi notre échange, m’observe avec surprise et pose sa main sur la mienne dans le but d’attirer mon attention. Son geste me calme instantanément et je me détourne du serveur pour le regarder. . Je ne savais pas à quel point j’étais tendue jusqu’à ce que je sente mes épaules se relâcher sous le poids de son regard. D’un léger mouvement de la tête il me fait signe de laisser tomber. Je murmure un « désolée », plus à son attention qu’à celle du serveur, et tente de respirer calmement. Pendant ce temps, Théo sort tranquillement un carnet et un stylo, et écrit quelque chose dessus qu’il montre au jeune homme qui attend toujours à côté de notre table.
- Très bien Monsieur, je vous ramène ça tout de suite, et euh…désolé.
Puis il file plus vite que le vent derrière le comptoir. Il en revient avec une grande boîte à thé en bois, d’un rouge sombre au décor en filigrane doré, rempli de plus d’une dizaine de thés et infusions différents en sachets individuels.
Encore un peu abasourdie et gênée, je dois avouer, de mon comportement un peu plus tôt, je pioche au hasard un sachet dans la boîte : « Nuit tranquille ». Super. Bon je ne suis pas vraiment partie pour me coucher tout de suite et, sans douter du pouvoir calmant des plantes, je préfère échanger avec un Oolong tiens, pour changer. Oui, c’est mon préféré, et alors ? Je suis autant Oolong que Camille était thé vert au jasmin. S’il y avait bien une façon de nous différencier, c’était celle-là. Théo, quant à lui, choisit un rooïbos de Noël. Notre choix effectué, le jeune homme fait un dernier aller-retour pour nous rapporter deux tasses et deux petites théières remplies d’eau chaude, avant de s’enfuir à nouveau, avec la boîte à thé, vers le comptoir comme s’il était poursuivit par une goule des montagnes. Je ne pensais pas faire aussi peur, ris-je intérieurement.
Absorbée par mon sachet qui s’abîme et se délasse dans l’eau bouillante de ma théière, libérant des volutes colorées ainsi que sa magie bienfaitrice (aka la théine), je suis interrompue par l’homme en face de moi qui a, à nouveau, posé sa main sur la mienne pour attirer mon attention. Mon cœur s’affole agréablement, et je me surprends à apprécier le contact doux de sa peau contre la mienne. Une vision me traverse l’esprit et je m’imagine retournant ma paume vers la sienne pour laisser nos doigts s’entrelacer. Reprenant soudain conscience de la réalité, je chasse l’image de quelques battements de paupière et retire ma main, gênée, et la plonge dans ma besace à la recherche de ma pochette cartonnée. Je la sors et l’ouvre sur la table de sorte que Théo puisse voir les tirages photo à l’endroit.
- Voici les clichés que j’ai pris samedi. Je voulais vous rencontrer aujourd’hui pour vous les montrer et vous demander si vous seriez d’accord pour que ma collègue et moi fassions un article sur le spectacle, sur votre association … »
*Hello, je suis encore obligée de couper le chapitre en deux, décidément. Merci de venir me lire et d'être toujours fidèles au rendez-vous ! Coeur-coeur-love !!*
19 commentaires
Sand Canavaggia
-
Il y a 4 ans
Ivaloo
-
Il y a 4 ans
MG Notin
-
Il y a 4 ans
Ivaloo
-
Il y a 4 ans
Ivaloo
-
Il y a 4 ans
Michbonj
-
Il y a 4 ans
Ivaloo
-
Il y a 4 ans
Michbonj
-
Il y a 4 ans
Ivaloo
-
Il y a 4 ans