Fyctia
Chapitre 23 p1
Adélaïde
Depuis que cet anneau orne mon doigt, je ne cesse de passer mon temps à l’observer sous toutes les coutures.
Après cette nuit magique, Colin et moi ne nous sommes pas quittés une seule seconde. Nous avons passé presque quatre jours enfermés à double tour chez moi à parler, rire et faire l’amour. Je n’aurais pas pu imaginé meilleure période de fête que celle-ci.
Malheureusement, la rentrée approche et nous allons bientôt nous retrouver confrontés à la dure réalité. Finie la Lune de Miel.
– Oh, tu m’écoutes ?
Je me recentre sur ma meilleure amie qui réclame mon attention avec peu de finesse.
– T’es pas obligée de claquer des doigts comme ça.
– Visiblement si. Tu étais hypnotisée par ta superbe bague qui n’est absolument pas une bague de fiançailles.
Elle insiste particulièrement sur la fin de sa phrase. Elle se moque de moi depuis que je lui ai révélé la nature du bijou.
– Bon, soupire-t-elle, je te disais donc que je ne sais pas quoi faire pour le nouvel an. Seb veut qu’on fasse un truc pépère, juste nous deux.
– Mauvaise idée. Sauf si tu veux passer ta soirée devant un match de foot ou à le regarder jouer à la console.
– Il y a pas de match à cette période.
– Si, en Angleterre ils font le Boxing Day. Quand on était petits, papa ne ratait jamais ces matchs, c’était sa seule dose de foot pendant la trêve hivernale.
Elle pousse un long soupire de désespoir tout en s’affalant sur la table du café dans lequel nous nous sommes installées après une après-midi shopping.
– Et toi, grogne-t-elle, tu vas faire quoi avec Colin ?
D’un coup d’œil circulaire, je vérifie qu’il n’y a aucune tête que je connaisse dans les parages. Ce n’est pas le moment de se faire chopper.
– Aucune idée, finis-je par répondre. Il veut qu’on aille en boîte. Pour commémorer notre rencontre, en quelque sorte.
– Mais tu ne veux pas.
– C’est beaucoup trop risqué. Imagine si on tombe sur d’autres élèves ou pire sur un de mes collègues.
– Ça serait si grave que ça ?
Je ricane en secouant la tête.
– Ce serait la fin de tout.
– Tu ne dois pas être la seule à fréquenter un élève en dehors du bahut.
Je hausse un sourcil, attendant qu’elle comprenne que ça ne doit pas courir les rues les histoires d’amour en un lycéen et sa surveillante.
– Bon, ok, peut-être pas comme ça. Mais il doit bien exister des cas où ils sont amis, voire de la même famille. Crois-tu qu’ils se cachent ? C’est le meilleur moyen de se faire chopper, si tu veux mon avis.
– Alors quoi ? Je m’affiche clairement en publique avec lui et si on me demande je fais croire qu’on est de simple amis ? Je doute que Colin accepte ce plan. Il est du genre fier et il m’aime tellement que ça serait cramé qu’on est ensemble.
Je monte les marches qui mènent à La Secrète. J’étais pressée de revenir ici, d’autant que j’ai un petit cadeau pour Carmen.
J’entre sans prendre le temps de frapper à la porte. Je me suis faite engueuler une fois, pas envie que ça recommence. Carmen me considère comme de sa famille, alors si j’ai l’audace d’avoir l’air gauche chez elle, je passe un sale quart d’heure. Ce qui fait généralement bien rire son petit fils.
– Bonjour, Carmen.
J’embrasse la vieille dame qui me rend mon étreinte.
– Il est dans sa chambre.
– Il attendra un peu.
Je lui tend mon présent, les mains tremblantes. La bouche sèche, j’attend patiemment qu’elle le déballe. Elle prend tout son temps, repliant le papier intact. Je suis étonnée de sa manière de faire. Généralement, les gens déchire le papier cadeaux, en font des confetti.
– Oh, ma chérie. C’est parfait.
Elle examine la statuette d’une danseuse de flamenco sous toutes les coutures.
– J’en faisait, étant plus jeune. J’étais très réputée dans le milieu.
Un voile de tristesse passe dans son regard, rapidement remplacé par la joie des souvenirs. Je suppose qu’un événement imprévu a bouleversé sa carrière de danseuse. Ne voulant pas faire remonter de trop douloureux souvenirs, je n’insiste pas. Mais elle me surprend en se livrant d’elle-même.
– J’ai arrêté après ma première grossesse. Il y a eu des complications et j’ai perdu le bébé. Ensuite, j’ai fait une chute et ma cheville s’est brisée. La naissance de mon fils, un an plus tard, a été ma plus belle consolation.
Je m’assieds, tandis qu’elle me sert une tasse de thé fumante.
– Où avez-vous dansé ?
– Partout. Séville, Barcelone, Madrid. Dans tous les plus beaux lieux, lors des événements les plus prestigieux. C’est lors de l’un d’eux que j’ai rencontré mon époux. Il était diplomate. Avec ma troupe, nous dansions lors d’un gala au palais de Madrid. Ça a été le coup de foudre.
Je bois lentement mon thé tandis qu’elle me narre dans les détails son histoire d’amour passionnée avec le grand-père de Colin. C’est beau. Inspirant. Digne d’un roman à l’eau de rose, ou d’un film romantique. Je rêve d’une telle histoire.
– Ah, je vois…
Je me tourne en entendant le son rocailleux de la voix de Colin.
– C’est donc ici que tu te cachais.
Je hoche la tête, souriant en finissant ma boisson.
Il s’approche de moi, dépose un baiser sur le sommet de mon crâne et me caresse les cheveux. Ce simple geste est tout ce qu’il me fallait pour me convaincre que je suis, moi aussi, en train de vivre la plus belle histoire de ma vie.
Carmen se détourne de nous en se remettant aux fourneaux. Je n’ai jamais vu cette femme faire autre chose. A chaque fois que je mets les pieds dans cette maison, je suis certaine de la trouver dans cette pièce.
Je tente de reprendre mon souffle. Tout ce sport est en train de me tuer. Ce n’est pas humain. Il n’est pas humain.
– Bah alors, tu déclare forfait ? On a à peine fait quatre kilomètres.
– Je déteste courir.
– Je sais.
– Je te déteste.
– Menteuse.
Je tente de lui frapper dans le ventre, mais il esquive mon geste, me fait une pseudo clé de bras et je me retrouve complètement à sa merci.
– Et maintenant ? Que comptes-tu faire ?
Je l’embrasse. Ça le surprend assez pour me lâcher. J’en profite pour prendre de la distance avec lui.
– Tricheuse, crit-il dans mon dos.
Etant moins sportive que lui, il me rattrape sans mal en quelques secondes.
Nous rentrons chez moi, tout transpirants. Je me dirige vers la douche mais il m’intercepte et me plaque contre le mur de la salle de bain. Il m’embrasse avec passion et entreprend de me déshabiller, tant bien que mal. Avec la sueur, ma brassière et mon legging me colle à la peau.
– Si ça continue, je vais être obligé de découper tes fringues.
– Evites, j’y tiens. Un peu.
Il rit.
Par je ne sais quel miracle, il finit par arriver à m’ôter mon legging. Par contre, rien à faire, ma brassière est comme fusionnée avec mon épiderme.
Il laisse tomber l’idée de me la retirer, mais je suis plus têtue que lui. Finalement, il ne me faut pas plus d’une minute pour réussir. Je la balance par dessus nos têtes, me moquant bien de l’endroit où elle risque d’atterrir.
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