Fyctia
Chapitre 22 p1
Colin
Pour la première fois depuis le divorce de mes parents, j’ai réussi l’exploit de les convaincre de se réunir pour fêter Noël, tous ensemble. Etant donné que ma mère déménage le mois prochain à l’autre bout de la France, c’est probablement la dernière fois avant un long moment que nous pourrons vivre ce moment en famille.
– Colin, viens m’aider à mettre la table.
J’entre dans la cuisine et attrape les assiettes que mamie Carmen sort chaque année pour les fêtes. Depuis qu’elle a rendu les clé de son appartement, ma mère vit chez son ex belle-mère le temps que sa mutation soit effective et qu’elle rejoigne Eric, son nouveau compagnon.
Je hume l’air et m’imprègne des odeurs d’épices. Ma grand-mère nous a cuisiné une super paëlla de Noël. On a tout essayé pour la convaincre de nous servir de la dinde ou bien du canard, mais impossible de la faire changer d’avis.
Une fois tous attablés, dans une ambiance assez tendue, mon père se met à me poser des questions sur ma vie. Je doute que ça l’intéresse vraiment, mais il veut se donner le beau rôle devant ma mère, la faire culpabiliser.
– Alors, comment se passent les cours ?
– Ça va, grogné-je. On a les bacs blancs à la rentrée, donc je vais passer une bonne partie des vacances à réviser.
– Et avec Lisa ? C’est elle que tu voulais emmener en voyage avec mon jet, non ?
Je m’étrangle avec le riz parfumé. J’espérais que, comme d'habitude, il oublierait mon existence et que ma demande lui serait sortie de la tête depuis longtemps. Malheureusement, cela semble semble loin d’être le cas.
– Je croyais que tu passais les vacances à réviser chez ta grand-mère.
Le ton de ma mère est sans appel. Je suis dans une sacrée merde. J’avais tout envisagé, sauf que mon père me balance. Bon, pour sa défense, il ne savait pas que j’avais menti à ma mère.
– Ah bon ? Bon, bah j’ai du me tromper alors.
Mon père hausse les épaules avec désintérêt. J’aimerais croire que ça va suffire à convaincre ma mère, mais je sais que non. Son air pincé et ses doigts qui tapotent sur la table m’indiquent que je suis sur le point de passer sur le grill. Mon procès ne va pas tarder à commencer. A moi de me montrer assez persuasif pour qu’elle passe à autre chose.
– Colin, c’est la deuxième fois que tu me mens. Je ne te reconnais plus. Ce n’est pas ainsi que je t’ai élevé.
– En même temps, l’as-tu vraiment élevé ?
– Papa…
– Non. Denise, ton fils s’est construit seul. Je reconnais que de mon côté je suis loin d’avoir été irréprochable. Mais, toi, est-ce ton cas ? A privilégier autant ton travail, tu en as oublié tes responsabilités de mère. Tu ne peux pas reprocher à notre fils de mentir, alors que toi et moi sommes loin d’être honnêtes.
– Je ne te permets pas !
Et voilà... Une fois de plus, notre repas de famille se transforme en règlement de comptes. Je n’en peux plus de leur guéguerre dont je suis souvent l’élément déclencheur. Si avant je m’en sentais coupable, ce n’est plus le cas. Maintenant, je suis seulement las de les entendre se hurler dessus, tentant de déterminer qui est le pire parent des deux.
– Ça suffit !
Je me tourne vers ma grand-mère qui vient de prendre la parole d’une manière aussi abrupte qu’inattendue.
– Vous passez votre temps à vous bouffer le nez depuis trop d’années. Colin est un garçon intelligent, gentil, avenant. D’accord, il n’est pas parfait et il vous a servi un mensonge ou deux, mais vous également.
– Maman…
– Mon fils, tu es un lâche.
Je me retiens de pouffer. Je sais très bien ce que pense ma grand-mère de mon père, mais de là à ce qu’elle lui balance en pleine figure sans prendre de gants, je dois avouer que je ne m’y attendais absolument pas.
– Tu as abandonné femme et enfant. Denise, tu es une bonne mère, mais tu as oublié d’être une femme. Tu t’es entièrement dévouée à ta famille, travaillant sans relâche, compensant les manquements de ton époux. Colin, au milieu de tout cela, s’est élevé presque seul. J’ai fait ma part, comme toute bonne grand-mère, mais je n’ai jamais été sa mère. Alors oui, il vous a menti, il commence sa vie d’adulte et fait ses choix. Ils ne correspondent peut-être pas aux vôtres, mais ce sont les siens. Respectez les. Respectez le.
Elle prend une bouchée de son riz, considérant que la conversation est close. Ce serait mal connaitre mes parents que de penser qu’ils ne répondront rien à tout cela.
– Tu n’as toujours pas répondu à ton père, Colin.
Je me tourne vers ma mère, surpris qu’elle passe outre les remontrances de mamie Carmen et qu’elle se souvienne du fait que je n’ai rien trouvé à dire à mon père.
Je dois vite me décider. Soit je leur invente un mensonge de plus, soit je balance toute la vérité, au risque de les décevoir encore plus.
– Je suis parti à Londres et en Ecosse. Mais ce n’était pas avec Lisa.
Un coup d’œil à mamie Carmen me confirme qu’elle m’apportera son soutien si j’en ai besoin.
– J’ai une nouvelle petite amie. Vous ne la connaissez pas. Elle est dans mon lycée et elle s’appelle Adélaïde.
Bon, je reconnais que je leur mens par omission. Mais ça reste la vérité, en partie du moins. Je sais que mamie Carmen ne m’en veut pas de ne pas avoir tout révélé. Elle sait que je tiens vraiment à Adélaïde et que mes parents seraient capables du pire si ils s’avaient qui elle est réellement.
– Je vois. Je suppose que tu as utilisé ton compte pour payer les frais de ce voyage.
J’acquiesce, conscient de ce qui va suivre.
– On avait pourtant été clairs, ton père et moi. Cet argent doit servir pour tes études, pas pour tes loisirs. Colin, va-t-on devoir être plus strictes ? Entre tes résultats moyens et tes absences répétées, tu commences mal l’année. Il va falloir te reprendre, mon fils.
Je fait profil bas. Ce n’est pas vraiment le moment de l’ouvrir et de finir puni pendant des mois juste parce que j’ai osé protester.
Deux heures plus tard, nous échangeons nos cadeaux. J’espère marquer quelques points avec ceux que j’ai prévu pour mes parents. Avec un peu de chance, ça les aidera à passer l’éponge sur tout ce dont nous avons parlé pendant le repas.
J’offre son paquet à ma mère en priant pour qu’elle apprécie l’attention. Je la regarde ouvrir avec appréhension. Elle déballe avec soin, repliant le papier, qui servira pour une prochaine fois. Une autre de nos traditions familiales un peu étrange.
– Colin, qu’est-ce que c’est ?
Elle tourne la boite dans tous les sens, cherchant à comprendre ce que je lui ai offert.
– C’est un cadre photo qui fait aussi office de système de communication en visio. Je me suis dit que ça pourrait être utile pour quand tu seras partie. Comme ça, on pourra s’appeler en visio et quand ça ne sera pas le cas, tu auras une sorte de diapo avec des photos de moi qui défilera.
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