Fyctia
Chapitre 9 p1
Adélaïde
J’arrive en cours essoufflée. Pour une fois, ce n’est pas parce que je suis en retard. Je me suis presque échappée du lycée. Quand j’ai aperçu Colin, entrant dans le self, mon sang n’a fait qu’un tour et j’ai pris la fuite. C’est idiot, mais j’ai agi par réflexe.
Le risque qu’il ose venir m’aborder était trop grand, celui que je le laisse faire, encore plus. Depuis l’autre soir, plus le temps passe et plus je meurs d’envie de me blottir dans ses bras. Je sais pertinemment que ce serait une terrible erreur, mais sa présence est comme une grande bouffée d’oxygène pur.
Je m’installe au premier rang, ouvre mon ordinateur et attend patiemment que le professeur entre. Je suis vite rejoint par Elsa qui s’écroule à moitié sur sa chaise en soupirant comme si elle portait le poids du monde sur ses épaules.
– Dure soirée ?
– Dur réveil surtout.
– Tu as encore fait la fête toute la nuit ?
– Même pas. J’ai révisé, préparé ma dissertation pour le cours de philo et travaillé sur mon mémoire. Et toi, le boulot ? C’est comment l’internat ? Pas trop compliqué de gérer des ados ?
– Elles sont assez sympa. Après ce n’était que mon premier soir donc elles se sont montrées assez curieuses à mon sujet. On verra avec le temps.
Elle ouvre la bouche pour me poser une nouvelle question quand notre prof entre. Le silence se fait immédiatement. Chaque étudiant sait qu’au moindre bruit il arrête son cours et fait preuve de mutisme jusqu’à la fin de l’heure. Ensuite, le cours suivant, il interroge l’élève responsable de l’interruption sur la partie du cours qu’il n’a pas pu donner.
Si certains petits malins ont cru bon de quémander les leçons auprès d’anciens étudiants, il change désormais le contenu chaque année. Impossible donc de tricher. Le seul moyen de ne pas se planter, c’est de ne pas user de nos cordes vocales.
La journée est enfin terminée. Je suis épuisée, mais j’ai encore beaucoup de travail en rentrant. Mais, le fait est, que je n’ai pas envie de rentrer chez moi tout de suite. Je me rends donc dans mon endroit préféré pour travailler.
Je m'assieds à ma table habituelle dans le salon de thé. Je commande de quoi me requinquer avant de me mettre au boulot. Mon mémoire n’a pas avancé d’un pouce depuis quelques semaines et mon tuteur attend un retour.
– Journée harassante ?, me demande la serveuse.
Je hoche la tête avant de la remercier quand elle pose mon chocolat chaud et mon assortiment de choux garnis à côté de mon ordinateur.
Je prends une gorgée et mange une bouchée avant de me mettre au travail.
– Excusez-moi, nous n’allons pas tarder à fermer, m’indique la serveuse.
Je lève le nez de mon écran et constate que je suis seule, que les lumières sont quasiment toutes éteintes. Un coup d'œil sur mon téléphone et je comprends que je viens de passer plus de deux heures à écrire mon mémoire.
Je range mes affaires et sors. Il fait encore jour, je pourrais aisément trouver un autre café ouvert, mais je sens que j’ai besoin de m’aérer un peu l’esprit. Je vais donc marcher dans le parc. Le banc sur lequel je prends habituellement place est déjà occupé.
Je passe donc devant sans m’arrêter.
– Il y a assez de place pour deux, m’interpelle l’homme sur le banc.
Je me tourne vers lui et découvre Gaëtan. Je ne l’avais pas reconnu. Ce n’est pas étonnant, je ne l’ai vu qu’une fois ou deux depuis que j’ai commencé le travail.
– Salut, lui dis-je.
– Alors, ta première nuit ?
– Tout s’est bien passé. J’ai pris mes marques. Que fais-tu ici ?
– J’habite pas loin.
– Tu ne travailles pas ce soir ?
– Non, demain.
Je hoche la tête. Je ne me suis pas encore résolue à m’asseoir à côté de lui. Il m’est sympathique mais, malgré son intervention quasi salvatrice l’autre jour, j’ai quelques réticences à être proche de lui. J’ai bien vu ses regards et je n’aimerais pas qu’il se fasse d’idées à mon sujet.
Je décide de couper court et de rentrer chez moi. La pause nature attendra un autre jour.
Je m’affale dans mon lit. Mes paupières se ferment toutes seules et c’est une notification sur mon téléphone qui me sauve d’un sommeil certain.
Je découvre une demande d’ami de la part d’un compte littéraire. Je suis assez sensible à ce genre de contenu, alors j’accepte. Je furète un peu sur la page pour voir ce qu’il, ou elle, poste. Je repère des citations d’écrivains célèbres, des chroniques littéraires, des conseils de lecture. Je passe plusieurs heures à éplucher chaque article. Je laisse même quelques commentaires à droite et à gauche pour donner mon avis ou approuver.
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